LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris,10 novembre 2009), qu'en 1990 Mme X... a souscrit deux contrats d'assurance sur la vie auprès de la société Predica (l'assureur) pour lesquels elle a versé des sommes bénéficiant d'un taux de rendement minimum garanti de 4,50 % ; que par deux avenants du 15 décembre 1999 l'assureur a modifié le taux minimum garanti pour tout versement postérieur au 1er novembre 2000, en application de l'article L. 140-4 du code des assurances régissant les contrats d'assurance groupe ; que par deux correspondances du 31 décembre 1999, Mme X... a été informée de cette modification ; qu'en 2005, souhaitant procéder à des versements complémentaires, Mme X... a demandé à l'assureur de lui confirmer qu'elle pourrait bénéficier du taux minimum garanti de 4,50 % sur ces nouveaux versements ; que l'assureur lui a répondu que ceux-ci ne bénéficieraient plus de ce taux minimum depuis les avenants du 15 décembre 1999, mais que les deux versements de 40 000 euros qu'elle souhaitait opérer pourraient bénéficier de ce taux de 4,50 % à titre dérogatoire ; que Mme X... a fait assigner l'assureur afin d'obtenir la garantie de pouvoir bénéficier d'un taux de rendement minimum de 4,50 % l'an sur ses deux contrats pour une durée viagère et pour l'ensemble des contrats passés ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de dire que les versements effectués en 2005 et 2006 sur ses contrats d'assurance sur la vie ainsi que tous ceux à venir seraient soumis au plafonnement des taux de rendement institué par l'article A.132-1 du code des assurances et de la débouter de ses demandes de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que les contrats ne peuvent en principe être soumis à des dispositions légales qui n'existaient pas lorsqu'ils ont été conclus ; qu'il ne peut en aller autrement que, lorsque notamment, la loi nouvelle comporte une disposition expresse en ce sens ; qu'en considérant que constituait une telle disposition la mention de l'article 7 de l'arrêté du 28 mars 1995 dont est issu l'article A.132-1 énonçant que les règles en cause étaient à apprécier au moment de chaque versement, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble l'article A.132-1 du code des assurances ;
2°/ que les contrats ne peuvent en principe être soumis à des dispositions légales qui n'existaient pas lorsqu'ils ont été conclus ; que si les effets légaux d'un contrat peuvent être régis par la loi en vigueur au moment où ils se produisent, c'est à la condition de ne pas impliquer une révision des termes du contrat ; qu'en appliquant néanmoins un texte légal postérieur qui remettait en cause les dispositions substantielles mêmes du contrat et donc le consentement des parties, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble l'article A.132-1 du code des assurances ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'aux termes de l'article A.132-1 du code des assurances, issu d'un arrêté du 28 mars 1995, modifié par un second arrêté du 23 octobre 1995 : "Les tarifs pratiqués par les entreprises pratiquant les opérations mentionnées au 1° de l'article L. 310-1 doivent être établis d'après un taux au plus égal à 75 % du taux moyen des emprunts de l'Etat français calculé sur une base semestrielle sans pouvoir dépasser au-delà de huit ans le plus bas des deux taux suivants : 3,5 % ou 60 % du taux moyen indiqué ci-dessus". (…) Les règles définies au présent article sont à appliquer en fonction des taux en vigueur au moment de la souscription. (…) Dans le cas de versements non programmés aux termes du contrat, ces règles sont à apprécier au moment de chaque versement" ; que Mme X... ne conteste pas que les versements allégués par elle n'étaient pas programmés de même que ceux dont elle se prévaut pour l'avenir ;
Que de ces constatations et énonciations la cour d'appel a exactement déduit, sans violer l'article 2 du code civil, que la règle applicable était celle en vigueur au moment du versement ainsi qu'il a été prévu par une disposition spéciale, d'application immédiate aux contrats en cours, sans pour autant modifier les situations juridiques existantes, les taux minimum garantis restant identiques pour l'ensemble des versements déjà effectués ou programmés dès la souscription ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ; la condamne à payer à la société Predica la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par Me Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour Mme X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que les versements effectués par Madame X... sur ses contrats d'assurance-vie PEP'S et PREDIGE en 2005 et en 2006 ainsi que tous ceux à venir seraient soumis au plafonnement des taux de rendement institué par l'article A.132-1 du Code des assurances et débouté Madame X... de ses demandes de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QU'à juste titre et par des motifs que la Cour adopte, les premiers juges ont retenu que Madame X... ne peut échapper à l'application des dispositions réglementaires de l'article A.132-1 du Code des assurances qui a fixé un plafond au taux de rendement minimum garanti des contrats d'assurance-vie ;
QU'en effet, aux termes de l'article A.132-1 susmentionné issu d'un arrêté du 28 mars 1995, modifié par un second arrêté du 23 octobre 1995 : "Les tarifs pratiqués par les entreprises pratiquant les opérations mentionnées au 1° de l'article L. 310-1 doivent être établis d'après un taux au plus égal à 75 % du taux moyen des emprunts de l'Etat français calculé sur une base semestrielle sans pouvoir dépasser au-delà de 8 ans le plus bas des deux taux suivants : 3,5% ou 60% du taux moyen indiqué ci-dessus". (…) Les règles définies au présent article sont à appliquer en fonction des taux en vigueur au moment de la souscription. (…) Dans le cas de versements non programmés aux termes du contrat, ces règles sont à apprécier au moment de chaque versement".
QUE Mme X... ne conteste pas que les versements allégués par elle n'étaient pas programmés de même que ceux dont elle se prévaut pour l'avenir ;
QU'il s'ensuit que la règle applicable est celle en vigueur au moment du versement ainsi qu'il a été prévu par une disposition spéciale, d'autant que cette réglementation nouvelle obéit à d'impérieux motifs d'intérêt général, l'intervention du législateur étant destinée à aménager les effets d'une jurisprudence nouvelle de nature à compromettre par son ampleur et ses répercussions sur les sociétés d'assurance l'équilibre financier de l'ensemble des entreprises d'assurance et donc de l'activité économique générale ; qu'elle est donc d'application immédiate aux contrats en cours, sans pour autant modifier les situations juridiques existantes, les taux minimum garantis restant identiques pour l'ensemble des versements déjà effectués ou programmés dès la souscription ; que seuls les effets à venir étant modifiés, Mme X... n'a pas perdu ses droits acquis, contrairement à ce qu'elle soutient ;
1) ALORS QUE les contrats ne peuvent en principe être soumis à des dispositions légales qui n'existaient pas lorsqu'ils ont été conclus ; qu'il ne peut en aller autrement que, lorsque notamment, la loi nouvelle comporte une disposition expresse en ce sens ; qu'en considérant que constituait une telle disposition la mention de l'article 7 de l'arrêté du 28 mars 1995 dont est issu l'article A.132-1 énonçant que les règles en cause étaient à apprécier au moment de chaque versement, la Cour d'appel a violé l'article 2 du Code civil, ensemble l'article A.132-1 du Code des assurances ;
2) ALORS QUE les contrats ne peuvent en principe être soumis à des dispositions légales qui n'existaient pas lorsqu'ils ont été conclus ; que si les effets légaux d'un contrat peuvent être régis par la loi en vigueur au moment où ils se produisent, c'est à la condition de ne pas impliquer une révision des termes du contrat ; qu'en appliquant néanmoins un texte légal postérieur qui remettait en cause les dispositions substantielles mêmes du contrat et donc le consentement des parties, la Cour d'appel a violé l'article 2 du Code civil, ensemble l'article A.132-1 du Code des assurances.