LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 17 novembre 2009), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 12 novembre 2008, pourvoi n° 07-19.632), que la société ICM (la société), titulaire d'un compte courant dans les livres du Crédit agricole des Savoie (la banque), ayant reçu commande de matériels informatiques de la société Computer Ltd, accompagnée d'un chèque bancaire de 8 327 livres sterling et d'un certificat de paiement, a remis le 26 novembre 2004 ce chèque à sa banque ; que celle-ci en a crédité le montant sur son compte le 29 novembre suivant ; que le jour même, la société a expédié le matériel vendu à la société Computer Ltd qui, le lendemain, lui a passé une seconde commande en lui adressant un chèque de 42 107 livres sterling que la société a remis également à l'encaissement avec le certificat de paiement joint ; que la banque a consenti, le 2 décembre 2004, une facilité de caisse à la société pour permettre le règlement des marchandises à son fournisseur ; que les chèques ayant été rejetés car volés puis falsifiés et accompagnés de faux certificats de paiement, la société a assigné la banque en responsabilité ;
Attendu que la société reproche à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes contre la banque, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en se bornant à énoncer, pour écarter toute faute de la banque dans l'exécution du contrat de service «d'aide et d'assistance à l'international» dont bénéficiait la société, que celle-ci ne «justifie nullement avoir sollicité la mise en oeuvre de ce dernier lors de la conclusion des deux ventes litigieuses», sans faire la moindre référence aux conditions de mise en oeuvre de cette convention dont elle avait pourtant constaté l'existence et sans rechercher, à la lumière des prévisions des parties, si la simple remise d'un chèque libellé en «livres sterlings» et tiré sur une banque anglaise n'imposait pas à la banque, eu égard à la nature internationale de la transaction, d'exécuter spontanément son obligation d'aide et d'assistance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1147 du code civil ;
2°/ que dans ses conclusions d'appel, la société faisait précisément et expressément valoir qu'ayant accordé le découvert du 2 décembre 2004 pour permettre le règlement de son propre fournisseur alors que le premier chèque était revenu impayé et avait été contre-passé le 22 décembre suivant, la banque, à la suite de la «réalisation du premier marché», avait «octroyé un découvert pour la réalisation du second marché, qui avait permis le règlement fournisseur pour satisfaire la seconde commande avec Mary X...», puis contre-passé «le premier chèque, aggravant ainsi le découvert qui aurait dû être comblé par le règlement des deux commandes» ; qu'en se bornant à énoncer, pour refuser de caractériser les fautes de la banque dans l'octroi des découverts accordés à la société, que cette dernière n'était pas fondée à lui «reprocher de lui avoir accordé un découvert le 2 décembre 2004, alors que la convention de compte permettait à la banque d'octroyer ponctuellement une facilité de caisse à son client et que son compte était redevenu largement créditeur au 31 décembre 2004», la cour d'appel, qui n'a pas répondu au moyen dont elle était saisie, a méconnu les exigences de l'article 455 du code civil ;
3°/ que la cour d'appel a, pour les mêmes raisons, privé à tout le moins son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé que la société ne justifiait pas avoir sollicité la mise en oeuvre de la convention d'aide et d'assistance invoquée sans qu'il puisse être reproché à la banque de ne pas avoir relevé le caractère douteux du premier certificat de paiement, qui ne lui avait pas été communiqué, de sorte qu'elle n'était tenue qu'à un examen de la régularité formelle des deux formules de chèques et du second certificat litigieux, seuls présentés, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en second lieu, qu'après avoir retenu que la banque n'avait pas commis de faute lors de la remise à l'encaissement des chèques litigieux, l'arrêt relève que la convention de compte courant lui permettait d'octroyer ponctuellement une facilité de caisse à la société ; que par ces seuls motifs, dont il résultait qu'en autorisant le découvert sollicité par la société pour répondre à la seconde commande puis en contre-passant les deux chèques revenus impayés, la banque n'avait pas commis de faute, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société ICM aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer au Crédit agricole des Savoie la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par Mme le conseiller doyen faisant fonction de président en son audience publique du huit mars deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société ICM
Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté la société ICM de ses demandes dirigées contre la société Crédit Agricole des Savoie en la condamnant à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Aux motifs propres que « la convention de compte courant professionnel souscrite le 24/08/1993 par la société ICM auprès de la société Le Crédit Agricole des Savoie dispose en son article 2.6 que les chèques ou effets remis par le titulaire et passés en compte le seront toujours sous réserve d'encaissement ; que la société ICM ne pouvait donc ignorer le caractère conditionnel de l'inscription d'un chèque au crédit de son compte et du risque de non paiement subsistant ; que si la société ICM a souscrit le 04/06/2003 auprès de la banque un contrat accessoire de compte service professionnel comportant, entre autres prestations, un service d'aide et d'assistance à l'international, elle ne justifie nullement avoir sollicité la mise en oeuvre de ce dernier lors de la conclusion des deux ventes litigieuses, de sorte qu'aucune faute ne peut être relevée de ce chef à la charge de l'organisme bancaire ; que dans le cadre de son mandat d'encaissement, le banquier doit seulement vérifier la régularité formelle des chèques qui lui sont remis, sans rechercher l'existence de la provision ni la solvabilité du tiré ; que le chèque d'un montant de 8.327 livres sterlings remis à la banque par la société ICM le 26/11/2004 ne présentait aucune anomalie de forme, la circonstance qu'il ait été rédigé à la main étant indifférente ; celui d'un montant de 42.107 livres sterling déposé le 8 décembre 2004 ne pouvait être suspecté au seul motif qu'il était écrit à la main et qu'il comportait le rajout du mot «two» entre «fourty» et «thousand», cet ajout pouvant parfaitement rectifier une simple omission, la somme en chiffres correspondant exactement à celle écrite en toutes lettres ; que s'il résulte des productions que le certificat de paiement, qui ne comporte aucune anomalie formelle, relatif au second chèque, a bien été communiqué à la banque, en revanche il n'est nullement établi que la remise du premier chèque aurait été accompagnée du certificat de paiement afférent et que le déposant aurait sollicité des renseignements lors de ce dépôt ou à l'occasion du second ; qu'il ne peut donc être reproché à la banque qui, en présence de formules de chèque régulières en la forme, n'avait pas spontanément à faire des recherches sur l'existence de la provision ou la solvabilité du tiré, de ne pas avoir relevé le caractère douteux du premier certificat, qui ne lui avait pas été communiqué, ou manqué à son devoir d'information, d'aide et diligence ; que l'appelante ne peut se prévaloir du délai de contre-passation des chèques puisqu'elle s'était dessaisie de sa marchandise dès le jour de l'inscription du chèque au crédit de son compte en ce qui concerne la première vente et sans même attendre cette inscription en ce qui concerne la seconde vente ; qu'enfin elle ne saurait reprocher à la banque de lui avoir accordé un découvert le 02/12/2004, alors que la convention de compte permettait à la banque d'octroyer ponctuellement une facilité de caisse à son client et que son compte était redevenu largement créditeur au 31 décembre 2004».
Alors, d'une part, qu'en se bornant à énoncer, pour écarter toute faute de la banque dans l'exécution du contrat de service «d'aide et d'assistance à l'international» dont bénéficiait la société ICM, que celle-ci ne «justifie nullement avoir sollicité la mise en oeuvre de ce dernier lors de la conclusion des deux ventes litigieuses », sans faire la moindre référence aux conditions de mise en oeuvre de cette convention dont elle avait pourtant constaté l'existence et sans rechercher, à la lumière des prévisions des parties, si la simple remise d'un chèque libellé en « livres sterlings » et tiré sur une banque anglaise n'imposait pas au Crédit Agricole des Savoie, eu égard à la nature internationale de la transaction, d'exécuter spontanément son obligation d'aide et d'assistance, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;
Alors, d'autre part, que dans ses conclusions d'appel (concl. du 2 octobre 2009, p. 13, § III), la société ICM faisait précisément et expressément valoir qu'ayant accordé le découvert du 2 décembre 2004 pour permettre le règlement de son propre fournisseur alors que le premier chèque était revenu impayé et avait été contrepassé le 22 décembre suivant, le Crédit Agricole, à la suite de la «réalisation du premier marché», avait «octroyé un découvert pour la réalisation du second marché, qui avait permis le règlement fournisseur pour satisfaire la seconde commande avec Mary X...», puis contrepassé «le premier chèque, aggravant ainsi le découvert qui aurait dû être comblé par le règlement des deux commandes» ; qu'en se bornant à énoncer, pour refuser de caractériser les fautes de la banque dans l'octroi des découverts accordés à la société ICM, que cette dernière n'était pas fondée à lui «reprocher de lui avoir accordé un découvert le 02/12/2004, alors que la convention de compte permettait à la banque d'octroyer ponctuellement une facilité de caisse à son client et que son compte était redevenu largement créditeur au 31 décembre 2004», la Cour d'appel, qui n'a pas répondu au moyen dont elle était saisie, a méconnu les exigences de l'article 455 du Code civil,
Alors enfin et partant, que la Cour d'appel a pour les mêmes raisons privé à tout le moins son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.