LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu que Berthe X... est décédée le 17 juillet 1998, en l'état d'un testament olographe instituant un légataire à titre particulier pour la somme de 10 000 francs et exprimant sa volonté de partager "le reste entre les chats et les chiens du Refuge de Lagoubran" situé à Toulon ; que le Refuge des chiens de Lagoubran est géré par la fondation Assistance aux animaux, reconnue d'utilité publique, qui a été autorisée à accepter le legs par arrêté préfectoral du 28 février 2001 ; que le Refuge des chats de Lagoubran était géré, lors du décès de la testatrice, par la Société des amis des chats de Toulon, association déclarée mais non reconnue d'utilité publique et non habilitée à recevoir des legs ; qu'un arrêté préfectoral du 9 mai 2000 a autorisé la Confédération des sociétés protectrices des animaux de France et des pays d'expression française (CNSPA de France), à laquelle est affiliée la Société des amis des chats de Toulon, à accepter le legs consenti au profit du Refuge des chats de Lagoubran ; que la fondation Assistance aux animaux a assigné la CNSPA de France et la Société des amis des chats de Toulon en caducité du legs consenti au Refuge des chats de Lagoubran ;
Attendu que la fondation Assistance aux animaux fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 juin 2009) d'avoir dit que la CNSPA de France était en droit de recueillir pour le compte de son adhérente, l'association Sociétés des amis des chats de Toulon, la moitié du legs universel consenti par Mme X..., alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne peut méconnaître les limites du litige, telles qu'elles résultent des prétentions respectives des parties ; que la fondation Assistance aux animaux soutenait dans ses conclusions que l'association Société des amis des chats de Toulon ne gérait plus le Refuge des chats de Lagoubran, afin d'en déduire qu'elle ne pouvait prétendre à la délivrance du legs, qui devait être attribué audit refuge ; que la Confédération nationale des sociétés protectrices des animaux et l'association la Société des amis des chats de Toulon se bornaient à répondre que cette dernière exerçait encore une activité, sans toutefois contester le fait qu'elle ne gérait plus le Refuge des chats de Lagoubran ; qu'en affirmant néanmoins qu'il résultait des pièces produites aux débats que le Refuge des chats de Lagoubran était encore géré par l'association la Société des amis des chats de Toulon, afin d'en déduire que le legs universel dont Mme X... avait entendu gratifier ledit refuge pouvait être délivré à la Confédération nationale des sociétés protectrices des animaux, pour le compte de l'association Société des amis des chats de Toulon, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en se bornant à affirmer qu'il résultait des pièces versées aux débats que le Refuge des chats de Lagoubran était encore géré par l'association Société des amis des chats de Toulon, pour en déduire que cette association était en droit de percevoir, par l'intermédiaire de la Confédération nationale des sociétés protectrices des animaux, le legs consenti par Mme X... au Refuge des chats de Lagoubran, sans même identifier les pièces qu'elle a retenues au soutien de sa décision et a fortiori sans les analyser même sommairement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que subsidiairement, l'association Société des amis des chats de Toulon et la Confédération nationale des sociétés protectrices des animaux avaient produit aux débats une lettre du 8 mars 2004 informant les adhérents de l'association qu'elle ne gérait plus le Refuge des chats de Lagoubran ; qu'en affirmant néanmoins qu'il résultait des pièces produites aux débats que le Refuge des chats de Lagoubran était encore géré par l'association Société des amis des chats de Toulon, pour en déduire que cette association pouvait valablement recueillir, par l'intermédiaire de la Confédération nationale des sociétés protectrices des animaux, le legs universel dont Mme X... avait entendu gratifier le Refuge des chats de Lagoubran, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre susvisée, en violation de l'article 1134 du code civil ;
4°/ que si une association qui n'a pas été reconnue d'utilité publique peut légalement recevoir un legs par l'intermédiaire d'une association reconnue d'utilité publique à laquelle elle est affiliée, c'est à la condition que le testateur ait manifesté la volonté de faire bénéficier l'association reconnue d'utilité publique de ce legs, à charge pour elle de le transmettre à l'association qui n'est pas reconnue d'utilité publique mais qui est affiliée auprès d'elle ; qu'en se bornant néanmoins à constater que l'association Société des amis des chats de Toulon, non reconnue d'utilité publique, était adhérente de la Confédération nationale des sociétés protectrices des animaux, reconnue d'utilité publique, afin de juger qu'elle pouvait recevoir le legs dont Mme X... avait entendu gratifier le Refuge des chats de Lagoubran, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme X... n'avait pas manifesté la volonté de tester en faveur de la Confédération nationale des sociétés protectrices des animaux, à charge pour elle de transmettre le legs à l'association Société des amis des chats de Toulon, de sorte que cette association ne pouvait valablement recevoir la libéralité consentie par Mme X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 911 et 1043 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, ensemble les articles 6 et 17 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2005-856 du 28 juillet 2008 ;
Mais attendu que le legs produit ses effets au jour du décès du testateur ; qu'appréciant souverainement l'intention de la testatrice, la cour d'appel a, sans méconnaître l'objet du litige, estimé que Berthe X... avait testé en faveur de la Société des amis des chats de Toulon, gestionnaire du Refuge des chats de Lagoubran à la date de son décès, et n'avait pas cherché à contourner une interdiction de recevoir de cette association dès lors qu'elle avait fait mention dans son testament des chats du Refuge de Lagoubran ; qu'elle en a exactement déduit que le mécanisme juridique admis par l'autorité administrative, consistant à autoriser l'organisme d'utilité publique auquel l'association gratifiée est affiliée à accepter le legs à charge pour lui d'en affecter le montant à une action de cette association, dans le respect de la volonté du testateur, ne constitue pas une interposition de personne prohibée au sens de l'article 911 ancien du code civil et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la fondation Assistance aux animaux aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la fondation Assistance aux animaux ; la condamne à payer à la Confédération nationale des sociétés protectrices des animaux de France et des pays d'expression française et à l'association Société des amis des chats de Toulon, la somme totale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils pour la fondation Assistance aux animaux
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la Confédération Nationale des Sociétés Protectrices des Animaux était en droit de recueillir pour le compte de son adhérente, l'Association Société des Amis des Chats de Toulon, la moitié du legs universel consenti par Mademoiselle Berthe X... aux termes de son testament du 5 février 1997 ;
AUX MOTIFS QU' il résulte des pièces versées aux débats que le refuge pour chats situé à cet endroit est géré par l'Association Société des Amis des Chats de Toulon, association qui n'est pas reconnue d'utilité publique et qui ne peut recevoir des libéralités ; que cette association est cependant affiliée à la CNSPA de France, reconnue d'utilité publique ; qu'il résulte d'un avis du Conseil d'Etat du 26 décembre 1923 qu'une association simplement déclarée peut bénéficier d'une libéralité par l'intermédiaire d'une fédération reconnue d'utilité publique à laquelle elle est affiliée ; que la Confédération Nationale des Sociétés de Protection des Animaux a été autorisée, par arrêté du Préfet du Rhône du 3 mai 2000, à accepter le legs de Mademoiselle X..., avec affectation à l'aménagement du refuge de Toulon ; que les modalités correspondent au souhait exprimé par Mademoiselle X... ; que les dispositions de l'article 911 du Code civil, sanctionnant par la nullité toute disposition au profit d'un incapable faite sous le nom de personne interposée, sont sans application en l'espèce, puisqu'une association simplement déclarée comme l'Association Société des Amis des Chats de Toulon peut bénéficier d'une libéralité par l'intermédiaire d'une fondation reconnue d'utilité publique à laquelle elle est affiliée, et que Mademoiselle X... n'a pas cherché à contourner, par une interposition de personne, une interdiction de recevoir ; qu'il n'y a dans ces conditions pas lieu de déclarer caduc le legs consenti par celle-ci pour «les chats du Refuge de LAGOUBRAN », et de dire, ce qui respecte sa volonté, que la Confédération Nationale des Sociétés de Protection des Animaux est en droit de recueillir la moitié du legs universel de Mademoiselle X... pour le compte de son adhérent, l'Association Société des Amis des Chats de Toulon, refuge de LAGOUBRAN » ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les limites du litige, telles qu'elles résultent des prétentions respectives des parties ; que la Fondation Assistance Aux Animaux soutenait dans ses conclusions que l'Association Société des Amis des Chats de Toulon ne gérait plus le Refuge des Chats de LAGOUBRAN, afin d'en déduire qu'elle ne pouvait prétendre à la délivrance du legs, qui devait être attribué audit refuge ; que la Confédération Nationale des Sociétés Protectrices des Animaux et l'Association La Société des Amis des Chats de Toulon se bornaient à répondre que cette dernière exerçait encore une activité, sans toutefois contester le fait qu'elle ne gérait plus le Refuge des Chats de LAGOUBRAN ; qu'en affirmant néanmoins qu'il résultait des pièces produites aux débats que le Refuge des Chats de LAGOUBRAN était encore géré par l'Association la Société des Amis des Chats de Toulon, afin d'en déduire que le legs universel dont Mademoiselle X... avait entendu gratifier ledit refuge pouvait être délivré à la Confédération Nationale des Sociétés Protectrices des Animaux, pour le compte de l'Association Société des Amis des Chats de Toulon, la Cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE, tenu de motiver sa décision, le juge ne peut se borner à viser les pièces versées aux débats, sans les analyser même sommairement ; qu'en se bornant à affirmer qu'il résultait des pièces versées aux débats que le Refuge des Chats de LAGOUBRAN était encore géré par l'Association Société des Amis des Chats de Toulon, pour en déduire que cette association était en droit de percevoir, par l'intermédiaire de la Confédération Nationale des Sociétés Protectrices des Animaux, le legs consenti par Mademoiselle X... au Refuge des Chats de LAGOUBRAN, sans même identifier les pièces qu'elle a retenues au soutien de sa décision et a fortiori sans les analyser même sommairement, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE, subsidiairement, l'Association Société des Amis des Chats de Toulon et la Confédération Nationale des Sociétés Protectrices des Animaux avaient produit aux débats une lettre du 8 mars 2004 informant les adhérents de l'association qu'elle ne gérait plus le Refuge des Chats de LAGOUBRAN; qu'en affirmant néanmoins qu'il résultait des pièces produites aux débats que le Refuge des Chats de LAGOUBRAN était encore géré par l'Association Société des Amis des Chats de Toulon, pour en déduire que cette association pouvait valablement recueillir, par l'intermédiaire de la Confédération Nationale des Sociétés Protectrices des Animaux, le legs universel dont Mademoiselle X... avait entendu gratifier le Refuge des Chats de LAGOUBRAN, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre susvisée, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
4°) ALORS QUE si une association qui n'a pas été reconnue d'utilité publique peut légalement recevoir un legs par l'intermédiaire d'une association reconnue d'utilité publique à laquelle elle est affiliée, c'est à la condition que le testateur ait manifesté la volonté de faire bénéficier l'association reconnue d'utilité publique de ce legs, à charge pour elle de le transmettre à l'association qui n'est pas reconnue d'utilité publique mais qui est affiliée auprès d'elle ; qu'en se bornant néanmoins à constater que l'Association Société des Amis des Chats de Toulon, non reconnue d'utilité publique, était adhérente de la Confédération Nationale des Sociétés Protectrices des Animaux, reconnue d'utilité publique, afin de juger qu'elle pouvait recevoir le legs dont Mademoiselle Berthe X... avait entendu gratifier le Refuge des Chats de LAGOUBRAN, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mademoiselle Berthe X... n'avait pas manifesté la volonté de tester en faveur de la Confédération Nationale des Sociétés Protectrices des Animaux, à charge pour elle de transmettre le legs à l'Association Société des Amis des Chats de Toulon, de sorte que cette association ne pouvait valablement recevoir la libéralité consentie par Mademoiselle X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 911 et 1043 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, ensemble les articles 6 et 17 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, dans leur rédaction antérieure à m'ordonnance n° 2005-856 du 28 juillet 2008.