LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 14 mars 1996 en qualité d'électricien par la société Ecotec ; que convoqué le 9 octobre 2006 à un entretien préalable au licenciement, il a, le 18 octobre 2006, saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur ; qu'il a été licencié pour faute lourde par lettre du 21 octobre 2006 ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1184 du code civil, ensemble l'article L. 1232-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail, l'arrêt retient qu'aucun des griefs invoqués à l'encontre de l'employeur n'est établi ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans prendre en considération le grief tiré de la méconnaissance, par l'employeur, du principe "à travail égal, salaire égal" qu'elle a jugée établie en retenant qu'il percevait un salaire inférieur à celui de deux autres salariés ayant la même qualification et exerçant les mêmes fonctions et en allouant à M. X... l'indemnisation du préjudice qu'elle a retenu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Sur le second moyen :
Vu les articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-3 du code du travail ;
Attendu que pour dire que le licenciement de M. X... est justifié par une faute grave, l'arrêt retient que le salarié a tenu, dans une lettre écrite le 26 septembre 2006 à l'employeur les propos suivants : "Vous avez mobilisé cinq personnes dans l'intention de me sanctionner et après vous parlez de rentabilité. Je tiens à vous signaler que votre premier devoir envers les personnes qui sont sous votre responsabilité, c'est de les protéger et de veiller à leur sécurité et non pas de leur nuire en essayant de les éliminer physiquement." ; que de tels propos, s'ils ne procèdent pas d'une intention de nuire, sont inadmissibles et ne permettent pas son maintien dans l'entreprise ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que les propos litigieux s'inscrivaient dans une polémique initiée par l'employeur dans une lettre adressée, le 19 septembre 2006, à l'inspection du travail et, en copie, à M. X..., la cour d'appel a violé les articles susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, à l'exception de celle condamnant la société Ecotec à payer à M. Carmelo X... la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de respect du principe "à travail égal, salaire égal", l'arrêt rendu le 19 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Ecotec aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ecotec à payer à M. Carmelo X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Carmelo X... de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail et de l'avoir en conséquence débouté de ses demandes en paiement de diverses indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que d'un rappel de salaire au titre de la prime exceptionnelle ;
AUX MOTIFS QUE « le 18 octobre 2006, il dépose une demande devant le Conseil de prud'hommes tendant à la résiliation du contrat de travail ; que la lettre de licenciement est datée du 21 octobre 2006, étant relevé que n'a pas été fournie de justification de la date à laquelle cette lettre aurait été notifiée au salarié, de sorte qu'il n'est pas établi que la demande de résiliation ait été postérieure à la rupture des relations contractuelles ; qu'au moment de l'introduction de l'instance, le contrat de travail n'était pas rompu, et qu'ainsi le salarié étant toujours au service de l'entreprise, il y a lieu d'examiner la demande de résiliation présentée par Monsieur Carmelo X... ; que selon l'accord salarial applicable aux ouvriers de travaux publics de la région Provence Alpes Côtes d'Azur, en 2005 le salaire annuel minimum conventionnel pour la catégorie à laquelle appartenait Monsieur Carmelo X..., était, les heures supplémentaires étant exclues, d'un montant de 18 495 € ce qui donne un salaire brut mensuel de 1 541,25 € ; que Monsieur Carmelo X... au cours de l'année 2005 avait un salaire brut mensuel de 1 482 €, ce qui donnait pour l'année une différence, avec le salaire conventionnel, de 711 € ; que cet écart minime ne constitue pas un manquement suffisamment grave pour justifier la demande de résiliation, et ce d'autant qu'en janvier 2006, l'employeur réglait au salarié une prime de 900 € ; qu'en février 2006 l'employeur n'a pas privé le salarié de la prime réglée au mois de janvier, puisque sur le bulletin de salaire à une somme de 900 € ajoutée au salaire de base correspond une déduction de 900 €, ce qui rend cette écriture sans effet sur le montant de la rémunération perçue en janvier ; qu'au surplus le salarié ne justifie pas des raisons pour lesquelles, ayant déjà perçu une prime exceptionnelle en janvier, il pourrait prétendre à un nouveau versement en février ; qu'il devra être débouté de sa demande de rappel de prime exceptionnelle ; qu'aucune attestation n'est produite justifiant que ce soit l'employeur qui ait obligé le salarié à accomplir des tâches incompatibles avec son état de santé ; que le fait pour l'employeur de ne pas voir donné suite, en 2003, à une mise à pied conservatoire n'est pas le signe d'un abus mais au contraire la manifestation par l'employeur d'un sens de la mesure qui ne peut lui être reproché; que sera rejetée la demande de Monsieur Carmelo X... pour procédure disciplinaire abusive et d'indemnité pour irrégularité de la procédure ; que dans la lettre du 9 octobre 2006 de convocation à l'entretien préalable au licenciement, l'employeur précisait au salarié que « dans l'attente de la mise en oeuvre de cette procédure, vous êtes dispensé de tout travail » qu'il s'agit bien d'une décision de mise à pied conservatoire, la prise d'une telle mesure, en l'absence d'autres circonstances ne pouvant être considérée comme vexatoire ; que Monsieur Y... atteste en termes généraux que le gérant de la société aurait eu vis-à-vis des employés des attitudes déplacées, hostiles, et violentes sans toutefois décrire un quelconque comportement critiquable à l'encontre de Monsieur X... ; qu'est sans intérêts l'incident dont cet attestant affirme avoir été victime de la part du gérant ; qu'aucun des griefs invoqués à l'encontre de l'employeur n'étant établi Monsieur Carmelo X... sera débouté de sa demande de résiliation » ;
ALORS D'UNE PART QUE le salarié victime d'une discrimination salariale est fondé à obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ; qu'ayant constaté que l'employeur n'avait pas respecté le principe « à travail égal, salaire égal » en versant à Monsieur X... une rémunération inférieure à celle de deux autres salariés placés dans des conditions identiques, la Cour d'appel qui considérait néanmoins qu'un tel manquement ne justifiait pas de faire droit à la demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a violé l'article 1184 du Code civil, ensemble l'article L. 1232-1 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE si l'employeur peut accorder une rémunération supérieure à certains salariés, c'est à la condition que tous les salariés de l'entreprise placés dans une situation identique puissent aussi en bénéficier et que les règles déterminant l'octroi de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables ; qu'à défaut, le salarié victime de la discrimination salariale constatée est fondé à obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ; qu'en estimant qu'en février 2006 l'employeur n'avait pas privé le salarié de la prime réglée au mois de janvier, et qu'au surplus le salarié ne justifiait pas des raisons pour lesquelles, ayant déjà perçu une prime exceptionnelle en janvier, il pourrait prétendre à un nouveau versement en février quand il appartenait à l'employeur de rapporter la preuve par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination que le salarié n'était pas fondé à prétendre au paiement de cette prime, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve, et a violé l'article 1315 du Code civil ;
ALORS EN OUTRE QU'en énonçant qu'en février 2006, l'employeur n'avait pas privé le salarié de la prime réglée au mois de janvier, puisque sur le bulletin de salaire à une somme de 900 € ajoutée au salaire de base correspondait une déduction de 900 €, ce qui rendait cette écriture sans effet sur le montant de la rémunération perçue en janvier et que le salarié ne justifiait pas des raisons pour lesquelles, ayant déjà perçu une prime exceptionnelle en janvier, il pouvait prétendre à un nouveau versement en février sans même rechercher si les autres salariés de l'entreprise s'étaient vu également prélever automatiquement sur leur fiche de paye du mois de février 2006, la prime accordée au mois de janvier 2006, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1184 du Code civil, et L. 1232-1 du Code du travail ;
ALORS AU SURPLUS QUE qu'il est interdit à l'employeur d'opérer des retenues sur salaires à l'occasion de l'exercice normal du travail ; que le prélèvement sur le bulletin de salaire par l'employeur d'une prime précédemment accordée constitue une retenue sur salaire prohibée ; qu'en décidant que le salarié n'avait pas été privé du paiement de la prime de 900 € quand bien même il résultait de la lecture du bulletin de salaire de février 2006 que l'employeur avait prélevé sans aucune explication la somme de 900 € correspondant à la prime exceptionnelle précédemment allouée, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 3251-1 du Code du travail ;
ALORS PAR CONSEQUENT QU'ayant constaté que l'employeur avait unilatéralement modifié le contrat de travail du salarié en réduisant sa rémunération en février 2006, la Cour d'appel, qui a décidé que la demande en résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur devait être rejetée, a violé l'article 1184 du Code civil ensemble l'article L. 1232-1 du Code du travail ;
ALORS ENFIN QUE le salarié n'est tenu que d'apporter des éléments qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et qu'il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en rejetant la demande du salarié au motif qu'il ne produisait aucune attestation justifiant de ce que l'employeur l'aurait obligé à accomplir des tâches incompatibles avec son état de santé, la Cour d'appel, qui a mis à la charge du salarié la preuve du harcèlement moral, a violé l'article 1184 du Code civil, ensemble les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Carmelo X... de ses demandes tendant à obtenir le paiement de diverses indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre des dommages et intérêts pour préjudice distinct ;
AUX MOTIFS QUE « dans la lettre de licenciement pour faute lourde l'employeur relevait que le salarié lui avait écrit dans un courrier du 26 septembre 2006 « vous avez mobilisé cinq personnes dans l'intention de me sanctionner et après vous parlez de rentabilité ; je tiens à vous signaler que votre premier devoir envers les personnes qui sont sous votre responsabilité c'est de les protéger et de veiller à leur sécurité et non pas de leur nuire en essayant de les éliminer physiquement » ; que les propos du salarié accusant l'employeur de vouloir « éliminer physiquement » les employés qui sont sous sa responsabilité sont inadmissibles et ne permettaient pas son maintien dans l'entreprise pendant le temps du préavis ; que toutefois ils ne caractérisent pas une intention de nuire et ne constituent pas une faute lourde mais une faute grave ; que Monsieur Carmelo X... doit être débouté de ses demandes d'indemnité de préavis, de congés payés incidents, d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;
ALORS D'UNE PART QUE ne caractérise pas un abus dans l'exercice de la liberté d'expression constitutif d'une cause réelle et sérieuse de licenciement la tenue de propos vifs ou emportés provoqués par des reproches infondés de l'employeur ; qu'en considérant que les propos du salarié accusant l'employeur de vouloir « éliminer physiquement » les employés qui étaient sous sa responsabilité étaient inadmissibles et qu'ils ne permettaient pas son maintien dans l'entreprise pendant le temps du préavis quand le salarié n'avait fait que répondre aux reproches injustifiés de l'employeur, la Cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-9, et L. 1235-3 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART les propos injurieux ou excessifs tenus dans le cadre d'un incident bref et isolé ne constituent pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles violé les articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-9, et L. 1235-3 du Code du travail.