LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 novembre 2009), rendu sur renvoi après cassation (3e chambre civile, 28 janvier 2009, pourvoi n° 08-12. 649), que les époux Pierre et Simone X... ont acquis l'usufruit d'un immeuble aux Saintes-Maries-de-la-Mer et leur fils Paul la nue-propriété ; que par acte authentique du 13 avril 2001, celui-ci a consenti après le décès de son père une promesse unilatérale de vente de l'immeuble à M. Y..., qui l'a acceptée, en stipulant que Mme Simone X... en avait l'usufruit en vertu de l'acte d'acquisition et que la réalisation de la promesse pourrait être demandée par le bénéficiaire dans les quatre mois à compter du jour où celui-ci aurait connaissance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, du décès de l'usufruitière ; que par acte sous seing privé du 7 avril 2004, Mme Z... a pris l'engagement de régulariser l'acte authentique de vente relatif à la promesse unilatérale de vente et s'est mariée le 28 avril 2004 avec M. Paul X..., qui est décédé le 25 mai 2004 ; que par acte du 31 octobre 2005, Mme Z...- X... a assigné M. Y... en annulation de la promesse unilatérale de vente ; que par lettre du 31 janvier 2006, Mme Z...- X... a notifié à M. Y... le décès de sa belle-mère usufruitière, survenu le 2 janvier 2006 ; que M. Y... a levé l'option le 17 mai 2006 ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 1101 et 1134 du code civil ;
Attendu que pour dire la vente parfaite, l'arrêt retient qu'en vertu de la promesse unilatérale de vente Mme Z...- X... devait maintenir son offre jusqu'à l'expiration du délai de l'option, sans aucune faculté de rétractation ; que Mme Z...- X... ne pouvait se faire justice à elle-même et que le contrat faisant loi, elle ne pouvait unilatéralement se désengager ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la levée de l'option par le bénéficiaire de la promesse postérieurement à la rétractation du promettant excluant toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir, la réalisation forcée de la vente ne peut être ordonnée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à Mme Z...- X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du Tribunal de grande instance de Tarascon le 12 avril 2007 en ce qu'il avait dit que le jugement valait vente au profit de Monsieur Y... de l'immeuble sis aux Saintes-Maries-de-la-Mer, lieu dit « ... » figurant au cadastre section AW n° 55 à 57, selon les conditions de la promesse unilatérale de vente du 13 avril 2001 et le projet d'acte vente annexé au procès verbal constatant le défaut du vendeur rédigé par Me Olivier B... le 2 juin 2006 et publié à la conservation des hypothèques de Tarascon le 13 juillet 2006, et d'AVOIR enjoint à Madame Ghislaine X... de quitter les lieux et les rendre libres de tout occupant de son chef ou non ainsi que des meubles meublants dans le délai de deux mois après signification de l'arrêt, passé ce délai sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « que par acte sous seing privé en date du 13 avril 2001, Paul X... a promis de vendre à Régis Y... la nue-propriété d'un immeuble à usage d'habitation avec terrain attenant sis au Saintes Maries de la Mer, qu'il avait acquise auprès des consorts C... suivant acte reçu par Maître Maurice D... le 6 mars 1957, ses parents, Monsieur et Madame Pierre X... en ayant acquis I'usufruit aux termes du même acte ; Attendu que les conditions de la vente éventuelle ont été rédigées de la manière suivante :
. "- le transfert de propriété de l'immeuble aura lieu le jour de la signature de l'acte authentique constatant la réalisation de la vente ;- l'entrée en jouissance s'effectuera le même jour par la prise de possession réelle, ledit immeuble devant être libre de toute location ou occupation quelconque à cette même date ;- l'acquéreur prendra I'immeuble dans l'état ou il se trouvera le jour de I'entrée en jouissance... " ;
Attendu, s'agissant de la durée et du mode de réalisation de la promesse, qu'il est stipulé que le bénéficiaire pourra lever l'option dans le délai de 4 mois à compter du jour où le bénéficiaire aura eu connaissance par lettre recommandée avec accusé de réception du décès de I'usufruitière Madame Simone X..., Monsieur Pierre X... étant prédécédé ; Attendu que Paul X... est décédé le 25 mai 2004 laissant sa veuve comme héritière ; Attendu que Madame veuve X... étant à son tour décédée le 2 janvier 2006, Ghislaine X... a notifié à Régis Y... la survenance de ce décès par lettre recommandée avec accusé de réception en date du janvier 2006 ; que ce dernier a dans ces conditions levé I'option par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 17 mai 2006, et par conséquent dans les formes prévues par la promesse de vente en date du 13 avril 2001 ; (…) Ghislaine X... estime encore qu'elle a rétracté sa promesse avant la levée de l'option puisqu'elle a intenté avant le décès de la dernière usufruitière, le 2 janvier 2006, une action en nullité de la promesse de vente par exploit du 31 octobre 2005 à l'encontre de Régis Y..., " futur acquéreur éventuel ", assignation initiant la présente instance ; Attendu que l'appelante admet qu'en vertu de la promesse unilatérale de vente elle devait maintenir son offre jusqu'à I'expiration du délai de I'option dont elle a elle-même fixé la limite en informant le bénéficiaire du décès de l'usufruitière, sans aucune faculté de rétractation et que c'est précisément I'objet de I'action initiée reconventionnellement, par voie de conclusion, par Régis Y... d'obtenir la vente judiciaire du bien immobilier et par conséquent la sanction du refus opposé par Ghislaine X..., que ce soit sous forme de " rétractation " implicite ou d'assignation en nullité, celle-ci ne pouvant bien évidemment se faire justice elle-même ; Attendu que le contrat faisant loi, elle ne peut unilatéralement se désengager au moyen d'une condition purement potestative » ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU'« il résulte des pièces produites aux débats :
- que Monsieur Y... a régulièrement levé I'option dans les délais, le 17 mai 2006, suite à la notification qui lui a été faite du décès de I'usufruitière, Madame Veuve X... Simone,- que le 2 juin 2006, a été consigné entre les mains de Maître B... notaire à ARLES la somme de 472 592 € et les frais de vente,- que la réitération de l'acte authentique a été sollicitée dans le mois qui suit la remise des fonds,- que les conditions suspensives, notamment I'obtention de prêt et les renseignements d'Urbanisme, ont été levées conformément aux indications du Notaire Maître B... dans son procès verbal constatant le défaut du vendeur et le projet d'acte de vente y annexé, du 2 juin 2006.
En conséquence I'acte authentique de vente peut être réalisé et le présent jugement vaudra vente dans les conditions prévues par la promesse et selon le projet d'acte annexé au procès verbal du Notaire du 2 juin 2006 » ;
1. ALORS QUE dans une promesse unilatérale de vente, la levée d'option par le bénéficiaire postérieurement à la notification de la rétractation du promettant exclut toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir, de sorte que la réalisation forcée de la vente ne peut alors être ordonnée, le promettant ne se serait-il pas expressément réservé une faculté de rétractation ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que la promettante soutenait s'être rétractée en assignant le bénéficiaire le octobre 2005 en nullité de la promesse, soit avant la levée d'option par le bénéficiaire le 17 mai 2006 ; qu'en affirmant que la promettante ne pouvait se faire justice à elle-même en refusant de maintenir son offre, pour en déduire que la vente était formée et nier tout effet à la rétractation invoquée par la promettante, la Cour d'appel a violé les articles 1101 et 1134 du Code civil ;
2. ALORS QUE la reconnaissance par une partie de son obligation de maintenir sa promesse unilatérale de vente jusqu'au terme du délai prévu pour la levée d'option et qu'elle a fait courir est sans incidence sur le caractère unilatéral de la promesse, lequel empêche la formation du contrat de vente en cas de rétractation du promettant avant la levée d'option par le bénéficiaire ; que dès lors, en retenant que la promettante admettait qu'en vertu de la promesse unilatérale de vente elle devait maintenir son offre jusqu'à l'expiration du délai d'option dont elle avait fait courir le délai, pour en déduire que la vente était formée en dépit de la rétractation invoquée, la Cour d'appel a de nouveau violé les articles 1101 et 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
, invoqué à titre subsidiaireIL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de son action en rescision pour lésion ;
AUX MOTIFS QUE « Ghislaine X... invoque subsidiairement, la rescision pour lésion de plus des 7/ 12ème de la vente opérée au prix de 533. 571 euros en s'appuyant sur une estimation de la propriété par une agence immobilière d'ARLES pour un montant de 1. 158. 000 € qui mettrait en évidence un prix inférieur au seuil du prix lésionnaire soit 675. 000 euros ; Attendu que l'immeuble consiste en une grande villa d'un étage sur rez-de-chaussée d'environ 250 m ², avec auvent, construite en 1959, sans aucun style particulier, type ferme ou mas, sur un terrain d'environ 16. 000 m ² marécageux et inconstructible situé aux Saintes Maries de la Mer ; Attendu qu'il n'y a aucun jardin, pas de piscine, et aucun arbre conséquent autour du bâtiment ; Attendu que selon un constat d'huissier du 12 juillet 2006 révèle la nécessité de travaux de rénovation des murs intérieurs et extérieurs tandis que les agents immobiliers contactés par Ghislaine X... n'ont pu que constater que les équipements sanitaires électriques et de cuisine dataient de I'origine et présentaient une qualité et un confort bas de gamme ; Attendu qu'un devis de la société C2M CONSTRUCTION a d'ailleurs chiffré à 280. 946 euros le montant des travaux indispensables à la remise en état de la villa ; Attendu que Maître E..., notaire rédacteur de la promesse de vente, a estimé que la pleine propriété de I'immeuble valait environ 768. 000 euros en 2001, son état n'ayant depuis subi aucun changement ; Attendu qu'au décès de la dernière usufruitière le 2 janvier 2006, Ghislaine X... a d'ailleurs évalué la pleine propriété à 640. 000 euros dans le cadre de la déclaration de succession ; Attendu que I'avis de valeur établi par l'agence MANARANCHE ne prend en compte aucun diagnostic termite amiante et plomb et inclut une possibilité d'agrandissement de 100 m ² rigoureusement interdite en zone naturelle inconstructible ; Attendu que l'appréciation de propriété typiquement camarguaise est démentie par les photographies produites qui révèlent un bâtiment sans harmonie, de construction banale, entouré d'un espace vert à I'état d'abandon, sans aucune référence à une architecture prétendue régionale ; Attendu dans ces conditions que les faits articulés de lésion ne sont pas assez vraisemblables et assez graves pour faire présumer la lésion, qui supposeraient une valeur vénale de plus de 844. 643 euros, irréaliste même en 2006 ; Attendu par conséquent que Ghislaine X... sera déboutée de son action en rescision pour lésion » ;
1. ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans viser ni analyser même sommairement tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour étayer le caractère à tout le moins vraisemblable de la lésion qu'elle avait subie, Madame X... produisait un procès-verbal de constat des lieux concomitant à la levée d'option dont il ressortait que le terrain entourant la maison était entretenu et arboré de toutes parts, le terrain étant en outre délimité par une haie d'arbres au nord ; qu'en affirmant péremptoirement qu'il n'y avait aucun jardin et aucun arbre conséquent autour du bâtiment, sans viser ni analyser même sommairement ledit procès-verbal de constat sur ce point, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
2. ALORS QUE pour savoir s'il y a lésion de plus de sept douzièmes, il faut estimer l'immeuble suivant son état et sa valeur au moment de la vente ; qu'à ce titre, l'évaluation doit tenir compte de la situation de l'immeuble dans son environnement ; qu'en l'espèce, Madame X... soutenait que l'immeuble en cause était situé en pleine région camarguaise, dans un site protégé ; qu'en affirmant que les faits articulés de lésion n'étaient pas assez vraisemblables ni graves pour faire présumer la lésion au regard des seules qualités intrinsèques du mas et du terrain attenant, sans vérifier, comme elle y était invitée, l'incidence de l'emplacement de l'immeuble dans un site protégé sur sa valeur vénale, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1675 du Code civil.