LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 411-11 ensemble les articles L. 411-13 et L. 411-14 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu que le prix de chaque fermage est fixé en monnaie entre des maxima et des minima arrêtés par l'autorité administrative ; que le preneur ou le bailleur qui, lors de la conclusion du bail, a contracté à un prix supérieur ou inférieur d'au moins un dixième à la valeur locative de la catégorie du bien particulier donné à bail, peut, au cours de la troisième année de jouissance, et une seule fois pour chaque bail, saisir le tribunal paritaire qui fixe, pour la période restant à courir à partir de la demande, le prix normal du fermage selon les modalités ci-dessus ; que ces dispositions sont d'ordre public ;
Attendu, selon les arrêts attaqués (Grenoble, 18 mai 2006 et 18 mars 2010), que les époux X... ont donné à bail aux époux Y... une exploitation agricole, constituée de terres en nature de verger, d'une parcelle de terre labourable, de bâtiments d'exploitation et d'une maison d'habitation, bénéficiant du label agro-biologique et soumise au contrôle d'ECOCERT ; que postérieurement au renouvellement du bail, les locataires ont formé une action aux fins de révision du loyer ;
Attendu que pour rejeter cette action, l'arrêt du 18 mars 2010 relève que l'exploitation louée est, à raison du label, spécialisée, qu'elle obéit à des contraintes spécifiques, qu'elle n'a ni le même rendement, ni la même valeur qu'une exploitation traditionnelle et que les arrêtés préfectoraux en vigueur à la date de renouvellement du bail ne contiennent pas de dispositions spécifiques intéressant les exploitations "agro-biologiques" du type de celle donnée à bail et retient que faute de minima et de maxima applicables à ces exploitations, la valeur locative doit être déterminée en fonction des situations locales, des usages professionnels, sur la base d'un prix normal au regard des éléments d'appréciation soumis par les parties ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que les arrêtés préfectoraux applicables prévoyaient des minima et des maxima pour les terres nues, les plantations et les bâtiments d'habitation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'aucun grief n'est dirigé contre l'arrêt rendu le 18 mai 2006 par la cour d'appel de Grenoble ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 18 mai 2006 par la cour d'appel de Grenoble ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux X... à payer aux époux Y... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des époux X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour les époux Y....
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté monsieur et madame Y... de leur demande de révision de loyer en application de l'article L. 411-13 du Code rural et de leur demande en restitution du trop versé et d'AVOIR dit que le bail renouvelé à compter du 2 janvier 2002 se poursuivra sur la base du loyer appliqué à la date du renouvellement, sous réserve de l'indexation conventionnelle, outre d'AVOIR condamné les époux Y... à verser une certaine somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, « selon l'article L. 411-11 du Code rural, le fermage est constitué d'une part du loyer des bâtiments d'habitation, d'autre part, du loyer des bâtiments d'exploitation et des terres nues ; le loyer des bâtiments d'habitation est fixé en monnaie entre des maxima et des minima qui sont arrêtés par l'autorité administrative ; le loyer des terres nues et des bâtiments d'exploitation est également fixé en monnaie entre des maxima et des minima arrêtés par l'autorité administrative ; le loyer des terres nues portant des cultures permanentes viticoles, arboricoles, oléicoles et agrumicoles et des bâtiments d'exploitation y afférents peut être évalué en quantité de denrées comprise entre des maxima et des minima arrêtés par l'autorité administrative ; les arrêtés préfectoraux en vigueur à la date de renouvellement du bail soit le 2 janvier 2002 ont tous pour objet, en ce qui concerne les terres et les bâtiments d'exploitation, des exploitations classiques ; il ne saurait être contesté que les terres et les bâtiments d'exploitation donnés à bail par les époux X... aux époux Y... ne peuvent être considérés comme une exploitation classique entrant dans le champ des arrêtés préfectoraux en vigueur à la date du renouvellement du bail ; en effet, l'on est en présence d'une exploitation pour laquelle le bailleur a obtenu le label de la qualité d'exploitant « agro biologique » de la société Nature et Progrès avec contrôle d'Ecocert, et qui est dotée de tout le matériel adéquat (chambre froide, station d'emballage équipée, quai de chargement, etc) ; il s'agit donc d'une exploitation agricole spécialisée qui obéit à des exigences spécifiques et n'a ni le même rendement ni la même valeur qu'une exploitation traditionnelle ; si le label est remis en cause chaque année, il n'empêche que l'exploitation donnée à bail comprenant ce label et remplissait les conditions pour permettre au preneur à charge pour lui de respecter les pratiques culturales nécessaires d'en obtenir la reconduction ; dès lors que les arrêtés préfectoraux en vigueur à la date de renouvellement du bail, soit le 2 janvier 2002, qui, certes, prévoient des maxima et des minima applicables aux terres nues, plantations et bâtiments d'exploitation, ne contiennent pas de dispositions spécifiques intéressant les exploitations « Agro-biologiques » du type de celle donnée à bail à monsieur et madame Y..., il n'y a pas de maxima et minima qui leur soient applicables et la valeur locative doit être déterminée en fonction des situations locales, des usages professionnels, sur la base d'un prix normal au regard des éléments d'appréciation soumis par les parties ; en outre, il y a lieu de retenir les superficies en terres labourables et vergers telles que ventilées dans le contrat de bail qui fait la loi des parties ; en décider autrement reviendrait à permettre au fermier de procéder aux arrachages, au besoin en les différant, juste avant le renouvellement du bail, et à attendre pour replanter, pour ensuite prétendre à la fixation d'un loyer plus avantageux, sur la base de terres nues ; les dispositions de l'article 52 de l'arrêté préfectoral du 27 octobre 1997 n'ont vocation à s'appliquer qu'aux baux verbaux et aux baux écrits insuffisamment explicités ; monsieur et madame Y... ne peuvent donc prétendre à une application à la fois du barème des cultures générales et du barème des vergers pour les terres plantées selon la prise en charge des frais de plantation par le bailleur ou le preneur, le motif de la plantation et l'âge des plantations ; une telle ventilation ne présenterait du reste pas d'intérêt dès lors qu'il a été précédemment décidé que les minima et maxima fixés par arrêtés préfectoral ne devaient pas s'appliquer aux biens litigieux consistant dans les terres et les bâtiments d'exploitation, ces biens n'entrant pas dans le champ d'application dudit arrêté préfectoral ; sur la base des éléments d'appréciation qui lui ont été soumis, l'expert judiciaire a évalué le loyer : des terrains à 2.721 euros, des bâtiments d'exploitation à 3.600 euros ; il y a lieu d'entériner ces évaluations dûment expliquées et motivées et donc justifiées ; s'agissant des bâtiments d'habitation, les pièces versées au dossier par monsieur et madame Y..., à savoir le courrier de la DASS en date du 29 décembre 1999 et le rapport de visite du CALD en date du 27 avril 2004, qui sont antérieures au rapport d'expertise judiciaire, ne suffisent pas à établir le bien fondé de leur grief quant au nombre de points attribués par l'expert judiciaire pour déterminer la valeur locative des bâtiments d'habitation à la date du renouvellement du bail, selon l'arrêté départemental applicable ; elles ne sauraient justifier une remise en cause de ces attributions de points ; en l'état des éléments du dossier, rien ne permet de privilégier la position des époux Y... par rapport à celle de l'expert judiciaire en ce qui concerne l'attribution de points servant à la détermination de la valeur locative entre les minima et maxima fixés par arrêté préfectoral ; en revanche, le fait que l'on soit en présence d'une exploitation spécialisée est sans incidence sur la valeur locative des bâtiments et ne saurait justifier la position de l'expert judiciaire qui, in fine, écarte l'application des minima et maxima pour se référer à une évaluation selon les méthodes utilisées par les services fiscaux ; en l'état des éléments du dossier et notamment du rapport d'expertise judiciaire, il y a lieu de retenir une valeur locative des bâtiments d'habitation au regard des dispositions de l'arrêté préfectoral fixant les loyers maxima et minima des bâtiments de 1.487,46 euros à la date de renouvellement du bail ; l'ensemble du fermage pour les terrains, bâtiments d'exploitation et bâtiments d'habitation s'établissait donc au 2 janvier 2002 à 2.721 euros + 3.600 euros + 1.487,46 euros = 7.808,46 euros ; il ressort des écritures des époux Y... qu'ils ont réglé au titre de l'année 2002 la somme de 7.894,17 euros au titre des terres, bâtiments d'exploitation et bâtiments d'habitation ; en conséquence, ils n'établissent pas que, lors du renouvellement, le prix du bail était supérieur d'au-moins 1/10 ème à la valeur des biens loués » ;
ALORS QUE le seul fait qu'une exploitation agricole bénéficie du label exploitant « Agro-Biologique » ne permet pas de la considérer comme étant d'un type spécialisé non envisagé par les arrêtés préfectoraux ; qu'il convient, y compris en pareil cas, d'appliquer les minima et maxima définis par ces derniers pour les activités agricoles pratiquées ; qu'en l'espèce, l'exploitation donnée à bail à monsieur et madame Y... comprenait un verger et une terre labourable, type d'exploitation agricole envisagé par les arrêtés préfectoraux en vigueur ; qu'en refusant cependant d'appliquer ces normes par cela seul que l'exploitation bénéficiait du label d'exploitant Agro-Biologique décerné par la société Nature et Progrès avec contrôle d'Ecocert et en procédant à une évaluation du fermage en fonction des situations locales, des usages professionnels sur la base d'un prix normal, la Cour d'appel a violé les articles L. 411-11 et L. 411-13 du Code rural.