LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 411-59 du code rural, ensemble les articles L. 331-2, II du même code et 104 de la loi du 5 janvier 2006 ;
Attendu que le bénéficiaire de la reprise doit justifier qu'il répond aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées aux articles L. 331-2 à L. 331-5 du code rural ou qu'il a bénéficié d'une autorisation d'exploiter en application de ces dispositions ;
Attendu que pour dire que M. X... ne peut se prévaloir du régime de la déclaration préalable, l'arrêt retient que les dispositions de l'article L. 331-2, II du code rural relatives à ce régime ne sont pas de celles que l'article 104 de la loi du 5 janvier 2006 déclare applicables aux baux en cours à la date de la publication de cette loi ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions d'ordre public de l'article L. 331-2, II du code rural sont applicables à la contestation d'un congé délivré pour le 30 septembre 2009, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que M. Sébastien X... ne peut bénéficier du régime de la déclaration préalable prévu par l'article L. 331-2-II du Code rural et d'avoir sursis à statuer jusqu'à ce que l'arrêté du Préfet de la Somme du 6 octobre 2008 accordant à M. Sébastien X... l'autorisation d'exploiter les parcelles visées au congé du 27 mars 2008 acquiert un caractère définitif ;
AUX MOTIFS QUE les dispositions de l'article L. 331-2-II du Code rural issues de l'article 14 de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 ne sont pas de celles que l'article 104 de celle-ci déclare applicables aux baux en cours à la date de sa publication , tel celui liant les parties, de sorte qu'elles ne peuvent bénéficier à M. Sébastien X... et que l'opération dont il poursuit la réalisation reste soumise au régime de l'autorisation administrative préalable d'exploiter en vertu des dispositions de l'article L. 331-2-1° du code rural et des articles 2 et 3 de l'arrêté du Préfet de la Somme du 9 janvier 2001 arrêtant le schéma directeur départemental des structures agricoles, le bénéficiaire désigné de la reprise exploitant déjà une superficie de 71 ha 46 a ;
ET ENCORE AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L. 411-58 alinéa 4 du Code rural, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2006-270 du 13 juillet 2006, le juge des baux ruraux, lorsque la reprise est subordonnée à autorisation en application des dispositions relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles, peut, à la demande de l'une des parties ou d'office, surseoir à statuer dans l'attente de l'obtention d'une autorisation définitive ; qu'en l'espèce, M. Francis Y... a, par requête enregistrée le 11 mars 2009, saisi le Tribunal administratif d'AMIENS d'un recours à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 6 octobre 2008 autorisant M. X... à exploiter les parcelles faisant l'objet du congéreprise du 27 mars 2008 ; que le juge judiciaire privé en application du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, du pouvoir d'examiner la légalité des actes administratifs, ne peut, par une appréciation de la pertinence des moyens soumis au juge administratif qui ne s'impose pas à celui-ci, s'abstenir, dans le cas prévu à l'article L. 411-58 alinéa 4 du Code rural, d'user de la faculté de surseoir à statuer offerte par ce texte sans exposer les parties à une échéance que le déroulement de la procédure devant les juridictions administratives peut rendre lointaine, au risque d'une contrariété de décision mettant à néant son propre jugement ; qu'un tel risque susceptible de remettre en cause une situation installée depuis plusieurs années et d'entraîner des conséquences dont l'importance ne peut être sérieusement évaluée au moment où le juge judiciaire est appelé à statuer présente davantage d'inconvénients pour les parties que celui résultant dans le cas où il serait sursis à statuer de l'exercice devant les juridictions administratives de recours dilatoires de nature à être sanctionnés ; qu'il apparaît ainsi de l'intérêt d'une bonne administration de la justice comme de la nécessité d'une sécurité juridique satisfaisante, de surseoir à statuer jusqu'à ce que la décision du 6 octobre 2008 bénéficiant à M. Sébastien X... acquiert un caractère définitif ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la loi nouvelle régit immédiatement les effets des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées qui trouvent leur fondement dans la volonté du législateur et non dans les contrats conclus entre les parties ; que dès lors, en affirmant, pour juger que M. Sébastien X... ne pouvait se prévaloir du régime de la déclaration préalable de l'article L. 331-2-II du Code rural et de la pêche maritime, lequel, en ce qu'il régit le contrôle des structures, a sa source dans la loi, que ces dispositions n'étaient pas de celles que la loi nouvelle a déclaré applicables aux baux en cours, la Cour d'appel a violé les articles 1 et 2 du Code civil et l'article L. 331-2-II du Code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi du 5 janvier 2006 ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le régime dérogatoire de la déclaration prévu par l'article L. 331-2, dans sa rédaction issue de la loi du 5 janvier 2006, est applicable à une reprise, objet d'un congé dont la date d'effet est postérieure à la date d'entrée en vigueur de cette loi ; que dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, tout en constatant que le congé pour reprise avait été délivré le 27 mars 2008, pour prendre effet le 30 septembre 2009, de sorte qu'à cette date à laquelle il convenait de se placer pour apprécier les conditions de la reprise, le régime dérogatoire institué par l'article L. 331-2-II du Code rural, dans sa rédaction issue de la loi du 5 janvier 2006, était nécessairement applicable, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 332-2-II ci-dessus visé et de l'article 104 de la loi du 5 janvier 2006 ;
ALORS, ENFIN ET A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE si la reprise est subordonnée à une autorisation en application des dispositions du code rural relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles, le Tribunal peut, à la demande d'une partie ou d'office, surseoir à statuer dans l'attente de l'obtention d'une autorisation définitive ; que le Tribunal paritaire dispose ainsi d'une simple faculté dont il ne peut user que si l'exception préjudicielle touchant à la légalité d'un acte administratif présente un caractère sérieux et porte sur une question dont la solution est nécessaire au règlement du litige ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, sans même rechercher si l'exception invoquée par M. Francis Y... et tirée de la prétendue illégalité de l'arrêté du Préfet de la SOMME en date du 6 octobre 2008 autorisant M. X... à exploiter les parcelles, objet du congé, présentait un quelconque caractère sérieux et portait sur une question dont la solution était nécessaire au règlement du litige, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 411-58 du code rural et 378 du Code de procédure civile.