LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu les articles L. 1233-2 et L. 1233-16 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée par la société Semat le 11 avril 1998 en qualité de responsable de magasin d'un commerce de vêtements de fourrure, a été licenciée pour motif économique par lettre distribuée le 24 décembre 2007 ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la lettre de licenciement fait suffisamment ressortir que le motif du licenciement était celui de la cessation définitive d'activité résultant d'une prochaine cession du droit au bail à un acquéreur ayant pour activité la vente de matériel informatique ;
Attendu cependant que, lorsque le licenciement est prononcé pour un motif économique, l'employeur est tenu d'énoncer, dans la lettre de licenciement, les raisons économiques du licenciement et leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié ; qu'à défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle constatait que la lettre de licenciement était motivée par une éventuelle cession du droit au bail à un acquéreur exerçant une activité différente, ce qui ne saurait être assimilé à une cessation d'activité constituant une cause économique de licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare sans cause réelle et sérieuse le licenciement et rejette les demandes d'indemnisation formées de ce chef, l'arrêt rendu le 11 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la société Semat et Mme Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils pour Mme X...
L'arrêt attaqué encourt la censure EN CE QU'IL a décidé que le licenciement reposait sur un motif économique réel et sérieux, déboutant, en conséquence, la salariée de ses demandes indemnitaires à ce titre ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de rupture énonce en ces termes le motif du licenciement: « ... La diminution régulière du chiffre d'affaires de la société et les difficultés croissantes d'exploitation dans un secteur concurrentiel, m'a obligé à envisager la cession de mon fonds de commerce. Ayant trouvé un acquéreur intéressé par une cession de droit au bail pour une activité de vente de matériel informatique, votre poste actuel ne correspondra plus à l'activité du magasin. En conséquence, j'ai pris la décision de vous licencier pour motif économique .... » ; que même si elle ne l'indique pas explicitement cette lettre fait suffisamment ressortir que le motif du licenciement est celui de la cessation définitive d'activité résultant d'une prochaine cession du droit au bail à un acquéreur qui aura pour activité la vente de matériel informatique ; que dès lors que la suppression d'emploi se déduit nécessairement de la cessation de toute activité, la seule mention de la cessation d'activité constitue une motivation suffisante de sorte qu'il importe peu que l'effet du motif invoqué sur l'emploi ou le contrat de travail ne soit pas mentionné ; qu'il est établi que le 31 décembre 2007 Madame Y... a adressé à Madame X... un courrier dans lequel elle lui écrivait « J'ai bien noté qu'après un appel téléphonique de votre part le 26/12/2007 à 10 h 20 me prévenant d'un mal de dos, vous ne vous êtes pas présentée à votre travail depuis ce jour. Je n'ai pas reçu d'arrêt médical non plus. Cela correspond à une rupture de votre contrat de travail, les clauses du licenciement économique n'étant plus applicables du fait de votre refus.» ; que l'envoi de ce courrier n'a pas eu pour résultat de priver d'effet la lettre de licenciement précédemment adressée à la salariée et de permettre que soit remise en cause la nature économique du licenciement ; que la rupture du contrat de travail se produit au moment où l'employeur envoie la lettre recommandée de licenciement de sorte qu'en l'espèce elle était consommée à la date du 22 décembre 2007 ; que cette lettre qui illustre surtout la dégradation des relations entre les parties - du reste reconnue par chacune d'entre elles - ne constitue pas davantage la preuve de ce que le motif économique invoqué dans la lettre de licenciement ne serait pas réel mais s'analyse, dans ce contexte, en une maladroite manifestation d'un mouvement de mauvaise humeur de l'employeur en réponse à l'absence paraissant injustifiée de la salariée de l'entreprise, au moment des fêtes de fin d'année qui constituent un moment d'activité particulièrement important ; que le certificat de radiation du registre du commerce de la société au 22 février 2008 pour cause de cessation d'activité établit la réalité du motif du licenciement ; que sauf si elle est due à la faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable, la cessation définitive d'activité constitue en soi une cause économique de licenciement ; qu'en l'espèce il n'est pas soutenu que la cessation d'activité serait due à une fauté de l'employeur et il est en outre établi que Madame Y..., alors âgée de 65 ans et demi, avait demandé la liquidation de sa retraite laquelle lui a été allouée au taux plein avec effet au 1 er avril 2008 .. Enfin, l'offre d'achat ayant été régularisée le 19 décembre 2007 et le compromis de cession du droit au baille 22 février 2008, le licenciement avec préavis de deux mois expirant le 24 février 2008 n'apparaît pas avoir été mis en oeuvre avec une précipitation caractérisant une légèreté blâmable ;
ALORS QUE, premièrement, la cession du droit au bail, qui ne s'assimile pas à une cessation complète et définitive d'activité, ne constitue pas en soi une cause économique de licenciement ; de sorte qu'en décidant que le licenciement de Madame X..., motivé par la seule cession du droit au bail dont était titulaire la société SEMAT, qui devait prendre effet plusieurs mois après la notification de la mesure de licenciement, reposait sur un motif économique réel et sérieux, la cour d'appel a violé les articles L. 1222-6, L. 1233-3, L. 1233-4 et L. 1233-5 du Code du travail ;
ALORS QUE, deuxièmement, Madame X... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (conclusions d'appel, p. 8), que son emploi n'avait pas été supprimé à la date du licenciement dans la mesure où il avait été occupé, postérieurement à son prononcé, par une salariée recrutée dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée qui l'avait remplacée dans ses fonctions jusqu'à la prise d'effet de la cession du droit au bail ; de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait sans répondre au moyen pertinent tiré de l'absence de réalité de la suppression de son emploi à la date de la rupture, en raison de l'embauche postérieure d'une salariée afin d'effectuer les tâches qu'elle accomplissait avant son licenciement, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, violant, par conséquent, les dispositions de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
ALORS QUE, troisièmement, à défaut de mention dans la lettre de licenciement pour motif économique celle des raisons économiques prévues par la loi et son incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié licencié, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que la lettre de licenciement était suffisamment motivée, bien qu'elle se bornait à faire état de l'éventualité d'une cession de droit au bail entraînant un changement d'activité du magasin, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-2 et L. 1233-16 du Code du travail.