LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 9 novembre 2009), que M. X..., engagé en qualité d'ingénieur en septembre 1990 par la société Prana, a été licencié pour faute grave par lettre du 18 avril 2007 ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de M. X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, qu'en se bornant à énoncer qu'il résultait de l'attestation de M. Y... du 17 mai 2009 que, contrairement à ce que soutenait la société Prana, M. X... avait collaboré avec son collègue à la mission qui lui était confiée, pour en déduire qu'il n'avait nullement refusé de l'exécuter, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, indépendamment du point de savoir si le salarié avait finalement aidé son collègue, son licenciement pour faute grave n'était pas motivé et justifié par l'insubordination réitérée manifestée par la notification écrite de son refus d'y participer, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif inopérant, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1234-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a retenu, d'une part, que dans le courrier du 9 mars 2007, le salarié s'était borné à faire connaître en termes mesurés et exempts de volonté de dénigrement, son désaccord avec les instructions données après le grave accident survenu à un autre salarié, et d'autre part, qu'il résultait d'une attestation versée aux débats qu'il n'avait pas, contrairement à ce qui est prétendu, refusé d'exécuter sa mission, mais qu'il y avait collaboré avec son collègue, n'avait pas à effectuer la recherche prétendument omise que ses constatations rendaient inutile ; que le moyen ne saurait être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Prana recherche et développement aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Prana recherche et développement à payer la somme de 2 500 euros à M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils pour la société Prana recherche et développement
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR décidé que le licenciement de Monsieur X... par la société PRANA RECHERCHE ET DEVELOPPEMENT était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE le licenciement est motivé par le refus de constituer un document de base des procédures de sécurité des essais des produits de l'entreprise malgré un rappel de cette obligation par un courrier électronique du 9 mars 2007 alors que Pascal X... était la personne la plus qualifiée dans l'entreprise pour le réaliser et une démarche d'opposition systématique et de dénigrement envers son supérieur hiérarchique ; que le dirigeant de l'entreprise a adressé le 9 mars 2007 à Pascal X... et à Fabrice Y... un courrier électronique libellé comme suit : «voilà près d'un mois que je vous ai demandé de préparer un document de base sur la spécification de sécurité relative aux essais des matériels PRANA. J'ai précisé les sujets à aborder qui sont pour l'essentiel : la description des trois zones d'essai, la description des éléments de sécurité existants, les principales opérations d'essai relatives aux sous-ensembles et ensembles, la description des bancs et moyens d'essai utilisés, les précautions à prendre pour assurer la sécurité des personnes et des biens. Un premier travail devait être réalisé pour fin février 2007. La charge de travail ne justifie pas de préparer un fichier explicitant la trame de ce document. Je demande instamment que ce projet soit engagé dès la semaine prochaine» ; que Pascal X... a, par un courrier du 13 mars 2007, exposé en des termes mesurés et n'appelant aucune critique les objections que lui paraissait susciter cette demande, exposant notamment qu'il n'était pas responsable de la sécurité dans l'entreprise, qu'après un accident dramatique survenu dans l'entreprise le 19 avril 2006, aucun compte rendu des expertises effectuées pour vérifier le respect des normes en vigueur au moment de l'accident n'a été transmis aux salariés, qu'il n'avait pas de formation sur les matériels amplificateurs fabriqués dans l'entreprise et qu'il ne les utilise jamais, que la sécurité des personnes et des biens est du ressort de la direction de l'entreprise, que la société réalise des projets de forte puissance électrique et qu'il existe une réglementation importante concernant les courants électriques, ce qui rend indispensable le recours à des experts et qu'il n'a pas été mis en place de comité d'hygiène et de sécurité ; qu'il concluait ainsi : « en conséquence, il ne s'agit aucunement d'un refus de préparation de documents que vous me demandez mais, compte tenu de notre activité de force puissance électrique et du dramatique incident survenu dans notre société, votre demande doit être confiée à un cadre professionnel d'experts agréés » ; qu'un salarié est parfaitement en droit de faire connaître son désaccord avec les instructions données par sa hiérarchie dès lors que ce désaccord est argumenté, exprimé avec mesure et exempt d'esprit de polémique et de volonté de dénigrement ; qu'à tous ces égards ce courrier est exempt de critique ; que l'appelante est d'autant moins fondée à lui reprocher ledit courrier qu'elle insiste lourdement dans ses écritures soutenues oralement à l'audience sur un grave incident dont a été victime un salarié de l'entreprise le 19 avril 2006 alors qu'il intervenait sur un appareil dont la réalisation était confiée à Pascal X... et impute à ce dernier la responsabilité de l'accident et c'est donc très légitimement que Pascal X... faisait preuve de rigueur et de circonspection sur les conditions dans lesquelles pouvait être rédigé un document relatif à la sécurité ; que dans son courrier du 21 mars 2007, Pascal X... s'est borné à répondre aux propos que lui aurait tenus son supérieur hiérarchique au cours d'un entretien téléphonique du 15 mars 2007, à reprendre les objections qu'il avait formulées précédemment et à lui rappeler qu'il le tenait pour responsable de l'accident du 19 avril 2006 ; que la société PRANA verse aux débats le document sur la procédure de sécurité qu'elle estime conforme à sa demande, lequel lui a été transmis le 23 mars 2007 par Fabrice Y..., et une attestation de ce dernier en date du 9 janvier 2008 dans laquelle il indique l'avoir rédigé seul aidé de collègues ; mais que Pascal X... produit également une attestation de Fabrice Y... en date du 17 mai 2009 comportant le passage suivant : «à aucun moment il n'a été confié à Pascal X... des projets d'étude et de fabrication sur les amplificateurs à tubes. Les projets étaient confiés à d'autres ingénieurs. De plus Pascal X... n'a jamais travaillé ni n'a été formé sur les amplificateurs "état solide". Il ne pouvait en l'occurrence se prononcer sur leur fonctionnement et encore moins établir des procédures de sécurité sur ce matériel comme le directeur le lui a demandé ; le directeur nous a convoqués le 5 février 2007, Pascal X... et moi-même, pour établir toutes les procédures de sécurité pour notre société : les matériels "état solide", les salles de laboratoire, le personnel. Il nous l'a présenté comme étant un travail complet à réaliser et non la rédaction d'un simple document de base. Nous n'avons ni moi ni Pascal X... ni aucune personne dans la société, été formés à analyser, préparer et gérer la sécurité d'une société. Nous n'avions ni la compétence ni la qualification nécessaires. Nous avons, Pascal X... et moi-même, naturellement conseillé au directeur l'aide d'experts professionnels comme l'APAVE ou NORISKO pour mettre en place des procédures de sécurité. Malgré cela, nous avons fait des recherches d'information sur la sécurité tant sur Internet qu'auprès du responsable de maintenance de COVIMAG, n'ayant aucun document à notre disposition. Après avoir réuni des informations sur les trois domaines des matériels, des salles de laboratoires, du personnel, nous avons pu proposer la partie procédures de sécurité relative aux essais d'amplificateur "état solide" que seul je connaissais» ; qu'il résulte de cette attestation que Fabrice Y..., qui était chargé avec Pascal X... de la rédaction du document en cause, a présenté oralement à la direction des objections du même ordre que celles que l'intimé a formulées par écrit et que, contrairement à ce qui est prétendu, Pascal X... n'a nullement refusé d'exécuter cette mission mais a collaboré avec son collègue à cet effet ; qu'il ne peut nullement être déduit des courriers précités de Pascal X... que celui-ci s'inscrivait dans une démarche d'opposition systématique et de dénigrement envers son responsable hiérarchique et la Cour a vainement recherché dans les pièces de l'appelante la preuve de l'existence et a fortiori de la teneur de conversations tenues auprès du co-gérant de la société PRANA qui fonderaient ce grief ; que le licenciement de Pascal X... apparaît dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'eu égard à son ancienneté dans l'entreprise et au niveau de sa rémunération, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse peut être fixée à 50.000 euros» (arrêt, pages 3 à 6) ;
ALORS QU'en se bornant à énoncer qu'il résultait de l'attestation de Monsieur Y... du 17 mai 2009 que, contrairement à ce que soutenait la société PRANA, Monsieur X... avait collaboré avec son collègue à la mission qui lui était confiée, pour en déduire qu'il n'avait nullement refusé de l'exécuter, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, indépendamment du point de savoir si le salarié avait finalement aidé son collègue, son licenciement pour faute grave n'était pas motivé et justifié par l'insubordination réitérée manifestée par la notification écrite de son refus d'y participer, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif inopérant, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L 1234-1 du Code du travail.