LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Papeteries Sill a confié à la société Transports Graveleau, devenue la société Dachser France, des transports à destination de plusieurs clients situés au Luxembourg et en Espagne ; que faisant valoir le refus ou la non livraison de certaines marchandises, la société Papeteries Sill a adressé des réclamations sous forme de factures à la société Transports Graveleau, qui en a refusé le paiement et a demandé le règlement du prix des prestations qu'elle avait effectuées ;
Sur le second moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il condamne la société Papeteries Sill à payer à la société Dachser France la somme de 15 693,61 euros :
Attendu que la société Papeteries Sill fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il la condamne à payer à la société Dachser France la somme de 15 693,61 euros, alors, selon le moyen, qu'une cour d'appel, qui décide qu'une demande dont elle est saisie est irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant au fond de ce chef ; qu'en confirmant le jugement «en ce qu'il a débouté la société Papeteries Sill de ses demandes», tout en déclarant ces demandes irrecevables, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a violé l'article 564 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt ne déclare irrecevable que les demandes de la société Papeteries Sill ; que le moyen, qui manque en fait, est mal fondé ;
Et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le même moyen, pris en sa deuxième branche, qui est recevable :
Vu l'article 30, paragraphe 1, de la Convention de Genève du 19 mai 1956, dite CMR ;
Attendu que pour écarter les demandes de la société Papeteries Sill, l'arrêt retient qu'en vertu de l'article 30, paragraphes 1 et 3, de la CMR, celles-ci sont irrecevables, à défaut de réserves écrites dans un délai de sept ou vingt et un jours ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article 30, paragraphe 1, de la CMR dispose seulement qu'en cas de pertes ou avaries, à défaut de constat contradictoire ou de réserves, la marchandise est présumée avoir été reçue dans l'état décrit dans la lettre de voiture, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le même moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 30, paragraphes 1 et 3, de la Convention de Genève du 19 mai 1956, dite CMR ;
Attendu que pour écarter les demandes de la société Papeteries Sill, l'arrêt retient que les factures émises par cette société n'ont pas été établies dans le délai requis par l'article 30 de la CMR ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser, pour chaque facture, si la réclamation portait sur une perte ou une avarie ou encore sur un retard de livraison ainsi que le délai dans lequel chacune de ces factures avait été émise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le même moyen, pris en sa cinquième branche, qui est recevable :
Vu l'article 30, paragraphe 3, de la Convention de Genève du 19 mai 1956, dite CMR ;
Attendu que pour déclarer, en vertu de l'article 30, paragraphe 1 et 3, de la CMR, la société Papeteries Sill irrecevable, à défaut de réserves écrites dans un délai de 7 ou 21 jours, l'arrêt retient que les factures de la société Papeteries Sill font allusion à des livraisons non faites ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article 30, paragraphe 3, de la CMR ne s'appliquent qu'en cas de retard dans la livraison et non en cas de défaut de livraison, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen, en ce qu'il a débouté la société Papeteries Sill de ses demandes :
Vu l'article 564 du code de procédure civile ;
Attendu qu'une cour d'appel qui décide qu'une demande dont elle est saisie est irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant ensuite au fond de ce chef ;
Attendu que pour confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Papeteries Sill de ses demandes, l'arrêt retient que la société Papeteries Sill doit être déclarée irrecevable ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il a condamné la société Papeteries Sill à payer à la société Transports Graveleau la somme de 15 693,61 euros, l'arrêt rendu le 30 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la société Dachser France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils pour la société Papeteries Sill
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a débouté la société PAPETERIES SILL de ses demandes, « mais pas sur les motifs adoptés », d'AVOIR déclaré, en vertu de l'article 30 paragraphes 1 et 3 de la CMR, la société PAPETERIES SILL irrecevable, à défaut de réserves écrites dans un délai de 7 ou 21 jours, et d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait condamné la société PAPETERIES SILL à payer à la société DACHSER FRANCE la somme de 15.693,61 € en principal avec intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2007, et la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE la société de transport fait remarquer à juste titre que la société appelante ne précise pas vraiment le fondement de son action, même lorsqu'elle est interpellée ; qu'on croit lire que ses réclamations sont liées à des difficultés de livraison ; que les parties s'accordent sur l'application de la CMR ; que les factures de la société PAPETERIES SILL font allusion à des livraisons non faites et à des retours de la marchandise sans l'accord de l'appelante, à des manquants à la livraison, à des refus de la marchandise par le client pour livraison tardive ; que, seules, les pièces 39, 40, 41, 42 concernent des produits arrivés en mauvais état ; qu'à juste titre, le tribunal a considéré que la prescription applicable d'un an a bien été interrompue par les factures envoyées par la société PAPETERIES SILL et qui constituent de vraies réclamations, la société de transport en ayant accusé réception par son courrier du 26 juin 2006 ; que cela dit, la société de transport fait valoir que n'ont pas été respectées les prescriptions de l'article 30 paragraphes 1 et 3 qui prévoient en cas de perte ou d'avarie que des réserves soient faites au transporteur dans les 7 jours à dater de la livraison, ou en cas de retard à la livraison dans le délai de 21 jours à dater de la mise de la marchandise à disposition du destinataire ; que la société appelante ne répond pas vraiment sur cet argument, seulement en faisant observer qu'elle a établi des factures pour chaque transport litigieux ; mais que ces factures, outre qu'elles ne peuvent constituer les réserves en question, n'ont pas été établies dans le délai requis par l'article 30 de la CMR ; que la conséquence est que faute de ces réserves, le destinataire est présumé avoir reçu la marchandise dans l'état décrit dans la lettre de voiture sauf preuve contraire qui ne peut être trouvée dans une facturation unilatérale ; que de même, le retard ne peut donner lieu à indemnisation que si des réserves ont été formulées ; qu'ainsi, la décision mérite, mais pour d'autres motifs, confirmation sur le débouté de la société PAPETERIES SILL, qui doit être déclarée irrecevable ;
1°) ALORS QUE la société DACHSER FRANCE n'invoquait dans ses conclusions une absence de réserves rendant irrecevables les demandes indemnitaires de la société PAPETERIES SILL que pour ce qui concerne les retards à la livraison, par application du paragraphe 3 de l'article 30 de la convention du 19 mai 1956 dite CMR, et non pour les pertes ou avaries ; qu'en déclarant irrecevables faute de réserves l'ensemble des demandes indemnitaires de la société PAPETERIES SILL, tandis qu'elle relevait que certaines de ces demandes étaient motivées par « des produits arrivés en mauvais état » la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'article 30, paragraphe 1, de la Convention de Genève du 19 mai 1956 dite CMR, ne fait pas de la formulation de réserves, en cas de perte ou avaries, une condition de recevabilité d'une demande d'indemnisation, mais dispose qu'en l'absence de réserves le destinataire « est présumé, jusqu'à preuve contraire, avoir reçu la marchandise dans l'état décrit dans la lettre de voiture » ; qu'en déclarant irrecevables par application de ce texte, faute de réserves, les demandes indemnitaires formulées par la société PAPETERIES SILL au titre des marchandises arrivées en mauvais état, la Cour d'appel a violé l'article 30, paragraphe 1, de la Convention de Genève du 19 mai 1956, dite CMR ;
3°) ALORS QUE l'article 30 de la Convention de Genève du 19 mai 1956, dite CMR, exige seulement que les réserves soient formulées par écrit, sans imposer de forme particulière que doit revêtir cet écrit ; que, dès lors, la Cour d'appel qui, pour déclarer irrecevables les demandes de la société PAPETERIES SILL, a retenu que les factures émises par cette société : « ne peuvent constituer les réserves en question » sans dire pourquoi il en serait ainsi, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des paragraphes 1 et 3 de la Convention de Genève du 19 mai 1956, dite CMR ;
4°) ALORS QUE les réserves doivent être formulées en cas de pertes ou d'avaries non apparentes dans un délai de 7 jours à dater de la livraison, et, en cas de retard de livraison, dans un délai de 21 jours à dater de la mise de la marchandise à la disposition du destinataire ; qu'en se bornant à énoncer, pour déclarer irrecevables les demandes de la société PAPETERIES SILL, que les factures émises par cette société « n'ont pas été établies dans le délai requis par l'article 30 de la CMR », sans préciser, pour chaque facture, la nature du grief – perte ou avarie, ou retard de livraison – et le délai dans lequel elle a été émise, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 30, paragraphes 1 et 3 de la Convention de Genève du 19 mai 1956, dite CMR ;
5°) ALORS QUE les dispositions de l'article 30, paragraphe 3, de la Convention de Genève du 19 mai 1956, dite CMR, ne s'appliquent qu'en cas de retard dans la livraison, et non en cas de défaut de livraison ;
qu'en énonçant que « le retard ne peut donner lieu à indemnisation que si des réserves ont été formulées » pour déclarer irrecevables par application de ce texte l'ensemble des demandes indemnitaires de la société PAPETERIES SILL, tout en relevant que certaines de ces demandes étaient afférentes à des « livraisons non faites », la Cour d'appel a violé l'article 30, paragraphe 3, de la convention du 19 mai 1956 dite CMR.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a débouté la société PAPETERIES SILL de ses demandes, « mais pas sur les motifs adoptés », d'AVOIR déclaré, en vertu de l'article 30 paragraphes 1 et 3 de la CMR la société PAPETERIES SILL irrecevable, à défaut de réserves écrites dans un délai de 7 ou 21 jours, et d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il condamne la société PAPETERIES SILL à payer à la société DACHSER FRANCE la somme de 15.693,61 € en principal avec intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2007, et la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE la société de transport fait remarquer à juste titre que la société appelante ne précise pas vraiment le fondement de son action, même lorsqu'elle est interpellée ; qu'on croit lire que ses réclamations sont liées à des difficultés de livraison ; que les parties s'accordent sur l'application de la CMR ; que les factures de la société PAPETERIES SILL font allusion à des livraisons non faites et à des retours de la marchandise sans l'accord de l'appelante, à des manquants à la livraison, à des refus de la marchandise par le client pour livraison tardive ; que seules les pièces 39, 40, 41, 42 concernent des produits arrivés en mauvais état ; qu'à juste titre, le tribunal a considéré que la prescription applicable d'un an a bien été interrompue par les factures envoyées par la société PAPETERIES SILL et qui constituent de vraies réclamations, la société de transport en ayant accusé réception par son courrier du 26 juin 2006 ; que cela dit, la société de transport fait valoir que n'ont pas été respectées les prescriptions de l'article 30 paragraphes 1 et 3 qui prévoient en cas de perte ou d'avarie que des réserves soient faites au transporteur dans les 7 jours à dater de la livraison, ou en cas de retard à la livraison dans le délai de 21 jours à dater de la mise de la marchandise à disposition du destinataire ; que la société appelante ne répond pas vraiment sur cet argument, seulement en faisant observer qu'elle a établi des factures pour chaque transport litigieux ; mais que ces factures, outre qu'elles ne peuvent constituer les réserves en question, n'ont pas été établies dans le délai requis par l'article 30 de la CMR ; que la conséquence est que faute de ces réserves, le destinataire est présumé avoir reçu la marchandise dans l'état décrit dans la lettre de voiture sauf preuve contraire qui ne peut être trouvée dans une facturation unilatérale ; que de même, le retard ne peut donner lieu à indemnisation que si des réserves ont été formulées ; qu'ainsi, la décision mérite, mais pour d'autres motifs, confirmation sur le débouté de la société PAPETERIES SILL, qui doit être déclarée irrecevable ;
ALORS QU'une Cour d'appel, qui décide qu'une demande dont elle est saisie est irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant au fond de ce chef ; qu'en confirmant le jugement « en ce qu'il a débouté la société PAPETERIES SILL de ses demandes », tout en déclarant ces demandes irrecevables, la Cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a violé l'article 564 du Code de procédure civile.