LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article L. 2314-24 du code du travail ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que Mme X..., salariée de la société Lombard Odier Darier Hentsch gestion (la société), a demandé le 5 mars 2010 la tenue d'élections de délégués du personnel ; qu'elle s'est portée candidate le 24 mars 2010 ; que, convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse le 7 avril 2010 et dispensée de l'exécution du préavis ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale en référé pour obtenir sa réintégration ; que le premier tour a eu lieu le 5 mai 2010 et le second le 18 mai ; que Mme X... n'ayant pas été élue, elle a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation des élections le 2 juin 2010 ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, le jugement retient que, malgré son licenciement, Mme X... n'a pas été privée de candidature et qu'il lui avait été loisible dès le mois de mars 2010 et sans attendre les derniers jours précédant le scrutin de procéder à une propagande électorale ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le licenciement de Mme X... avec dispense totale de préavis avant le déroulement du premier tour des élections dont elle avait demandé la tenue n'était pas lié à une volonté de l'employeur d'empêcher la salariée de préparer et diffuser sa propagande électorale pour le second tour du scrutin auquel elle était candidate et n'était pas de nature à fausser la sincérité du scrutin, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 octobre 2010, entre les parties, par le tribunal d'instance de Paris 8e ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Paris 9e ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Lombard Odier Darier Hentsch gestion à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour Mme X...
Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Mademoiselle X... tendant à voir annuler les élections des délégués du personnel du collège « employés » intervenue le 18 mai 2010 ;
AUX MOTIFS QU'à la suite de la demande même de Madame X... en date du 5 mars 2010 pour la tenue d'élections au sein de la société, la direction de la société a informé le personnel par voie d'affichage du 22 mars 2010 de la tenue des élections et d'un premier tour envisagé le 5 mai 2010 ; le 31 mars 2010, il était adressé par pli recommandé à l'ensemble des syndicats représentatifs à l'échelon national une note d'information sur la tenue du scrutin et une invitation en vue de la négociation du protocole d'accord préélectoral ; aucun syndicat ne s'étant manifesté le 19 avril 2010, la société établissait une note sur l'organisation des élections ; le premier tour eut lieu le 5 mai 2010 et à défaut de candidature des syndicats, un second tour fut organisé suivant le protocole le 18 mai suivant ; suivant courrier du 4 mai 2010, les organisations syndicales en ont à nouveau été informées avec fixation d'un délai expirant le 5 mai 2010 pour présenter une liste de candidats ; à la suite de cette invitation, la CFDT a présenté le 6 mai 2010 la candidature de Madame X... pour le collège ouvriers et employés titulaire et suppléant et la société ayant pris soin de consulter Madame X..., celle-ci confirmait également le même jour sa candidature sur la liste CFDT ; il résulte de l'ensemble de ce processus électoral que la société LOMBARD ODIER DARIER HENTSCH GESTION n'a pas manqué à ses obligations en sa qualité d'employeur ; malgré son licenciement Madame X... n'a pas été privée de candidature, il lui avait été loisible dès le mois de mars 2010 et sans attendre les derniers jours précédant le scrutin de procéder à une propagande électorale ; sa candidature pour le premier tour n'a pu à juste titre être retenue dans la mesure où elle n'avait pas été présentée par une organisation syndicale et la société LODH a elle-même pris l'initiative d'interroger sa salariée pour le deuxième tour alors qu'elle n'en avait aucune obligation, son syndicat ayant été suffisamment informé des conditions de déroulement du scrutin ; les critiques formées par Madame X... n'apparaissent donc pas fondées et, en toute hypothèse, si elles avaient été retenues, il devait être constaté qu'elles n'auraient eu aucune influence sur le résultat des élections, Madame X... n'ayant obtenu qu'une voix sur six ; en ce qui concerne l'invitation des syndicats à la négociation des protocoles d'accord, il apparaît que cette invitation a été faite régulièrement et en toute hypothèse seul un syndicat serait susceptible de formuler des griefs à cet égard ;
ALORS QUE Mademoiselle X... avait fait valoir qu'en la licenciant juste avant la tenue des élections, en lui enjoignant de quitter les locaux dès le 8 avril 2010 et en la privant de tout contact avec les salariés, l'employeur avait réduit à néant toute chance pour elle d'être élue ; que le Tribunal ne s'est pas prononcé sur ce point ; qu'en ne procédant pas à cette recherche, le Tribunal n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 2314-25 du code du travail (anciennement L 423-15) ;
ALORS QUE Mademoiselle X... avait fait valoir que, contrairement aux autres candidats, elle n'avait disposé que d'un jour et demi ouvré pour préparer sa propagande électorale et la diffuser après du personnel ; que le Tribunal a relevé qu'il avait « été loisible (à Madame X... ) dès le mois de mars 2010 et sans attendre les derniers jours précédant le scrutin de procéder à une propagande électorale » ; qu'en statuant comme il l'a fait alors que la propagande électorale antérieure au premier tour est réservée aux syndicats représentatifs et que le premier tour avait eu le 5 mai 2010, le Tribunal a violé les articles L 2314-24 et L 2314-25 (anciennement L 423-14 et L 423-15) ;
ALORS en outre QUE les irrégularités commises dans l'organisation et le déroulement du scrutin constituent une cause d'annulation du scrutin dès lors qu'elles sont directement contraires aux principes généraux du droit électoral, sans qu'il puisse être exigé la preuve que ces irrégularités ont faussé les résultats des élections ; que pour rejeter la demande de l'exposante, le Tribunal a relevé que si les critiques formées par Madame X... avaient été retenues, « il devait être constaté qu'elles n'auraient eu aucune influence sur le résultat des élections, Madame X... n'ayant obtenu qu'une voix sur six » ; qu'en statuant comme il l'a fait alors que Madame X..., qui reprochait à l'employeur d'avoir manqué à son devoir de loyauté et de n'avoir pas respecté l'obligation d'assurer l'égalité de traitement entre les candidats, se prévalait de violation de principes généraux du droit électoral, le Tribunal a violé l'article L. 2314-25 du code du travail (anciennement L 423-15) et les principes généraux du droit électoral ;
Et ALORS subsidiairement QUE l'influence des irrégularités sur le scrutin ne peut être appréciée en fonction des voix exprimées et obtenues que lorsque les irrégularités ont uniquement affecté le vote de quelques électeurs qui peuvent être quantifiés ; tel n'est pas le cas d'irrégularités affectant la loyauté du scrutin et le principe d'égalité de traitement entre les candidats ; qu'en affirmant que les irrégularités dénoncées par Mademoiselle X... n'auraient eu aucune influence sur le résultat des élections aux motifs que Madame X... n'avait obtenu qu'une voix sur six, le Tribunal a statué par des motifs inopérants en violation de l'article 455 du Code de Procédure Civile.