LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 14 septembre 2010), que Mme X..., propriétaire de deux parcelles qui jouxtent la parcelle appartenant aux époux Y... , se plaignant de l'existence de troubles apportés par ceux-ci à sa possession sur le passage donnant accès à sa propriété, a saisi le tribunal de grande instance aux fins, en particulier, de voir déclarer recevables et bien-fondées, les actions en complainte, en dénonciation de nouvel oeuvre et en réintégrande qu'elle avait introduites ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1265 du code de procédure civile, ensemble l'article 2282 du code civil, alors applicable ;
Attendu que la protection possessoire et le fond du droit ne sont jamais cumulés ; que le juge peut toutefois examiner les titres à l'effet de vérifier si les conditions de la protection possessoire sont réunies ;
Attendu que, pour débouter Mme X... de ses demandes, l'arrêt, statuant au possessoire, retient qu'il résulte de la consultation du cadastre napoléonien de septembre 1825, d'un plan d'alignement et d'élargissement des voies communales du bourg datant d'avril 1887, des lettres émanant du maire de la commune, du plan cadastral actuel, que le bien immobilier litigieux dépend du domaine public ; que la possession revendiquée sur un tel bien est impossible et que dès lors Mme X... ne peut bénéficier de la protection possessoire ;
Qu'en fondant sa décision exclusivement sur des motifs tirés du droit de propriété, la cour d'appel qui a cumulé le possessoire et le pétitoire, a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation sur la premier moyen entraîne l'annulation, par voie de conséquence, des dispositions qui sont critiquées par ce moyen ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne les époux Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des époux Y... ; les condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR rejeté les prétentions de Mlle X... et D'AVOIR écarté les actions possessoires qu'elle avait exercées à l'encontre de M. et Mme Y... ;
AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article 2282 du Code Civil, la possession est protégée, sans avoir égard au fond du droit, contre le trouble qui l'affecte ou la menace ; l'article 2283 du Code Civil prévoit que les actions possessoires sont ouvertes dans les conditions prévues par le code de procédure civile à ceux qui détiennent ou possèdent paisiblement ; qu'il appartient en conséquence à Noëlle X... d'établir qu'elle possédait depuis plus d'un an, c'est à dire qu'elle exerçait matériellement son droit, et ce, en qualité de propriétaire et que sa possession était exempte de vices, en particulier qu'elle n'était pas équivoque ; que cependant, la revendication d'une possession utile sur un bien immobilier dépendant du domaine public n'est pas possible ; qu'en l'espèce, il résulte du courrier du 20 novembre 2007 émanant du maire de la commune que le passage litigieux figure sur le cadastre napoléonien de septembre 1825 et qu'il est visible et annoté comme tel sur un plan d'alignement et d'élargissement des voies communales du bourg, datant d'avril 1887 ; que dans un courrier du 15 avril 2010 le maire indique que si rien ne laissait supposer à première vue que la parcelle constituant le passage en cause était encore communale d'après le cadastre actuel, à force de recherches, il est devenu évident que cette parcelle n'était pas sortie du domaine communal bien que non répertoriée dans la voirie publique ; qu'il ajoute qu'à ses yeux, ce passage a été attribué à tort à Madame Noëlle X... par le cadastre, lors de la réfection de celui-ci en 1977 ; il a trouvé un cas similaire : un passage communal dans la même rue a été attribué à tort à un administré ; qu'il convient d'ajouter que selon des pièces régulièrement communiquées, le maire a dressé le 12 février 2010 un procèsverbal à rencontre de Noëlle X... pour la réalisation d'une clôture, consistant en un muret surmonté d'un grillage et d'un portillon sur une parcelle communale, sans que l'intéressée ne proteste ; que, de même le maire a donné l'ordre à un garde communal d'enlever la chaîne et le cadenas retenant le portillon du passage objet du litige ; qu'il résulte de ces éléments qu'est sans effet la possession revendiquée et que Noëlle X... ne peut bénéficier de la protection possessoire ; que le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions et les prétentions de Noëlle X... rejetées ;
1. ALORS QUE la protection possessoire et le fond du droit ne sont jamais cumulés ; qu'en considérant que Mlle Noëlle X... ne pouvait pas se prévaloir d'une possession utile sur un fonds de terre qui dépendrait du domaine public communal, bien que non répertorié, la Cour d'appel a violé l'article 1265 du code de procédure civile, ensemble l'article 2282 du Code civil ;
2. ALORS si tel n'est pas le cas QUE les propriétaires riverains d'un chemin public ont, sur celui-ci, des droits qu'ils peuvent, par l'exercice d'une action possessoire, faire valoir dans leur intérêt privé, en cas de trouble apporté dans leur usage par des particuliers ; qu'il s'ensuit que Mlle X... avait sur le chemin des droits pour l'exercice desquels elle pouvait exercer une action possessoire pour atteinte à ses intérêts privés, à supposer même que ce chemin dépende de la voirie communale ; qu'en considérant que Mlle Noëlle X... ne pouvait pas se prévaloir d'une possession utile sur un fonds de terre qui dépendrait du domaine public communal, bien que le trouble ait été apporté par des particuliers, la Cour d'appel a, subsidiairement, violé l'article 2278 du Code civil ;
3. ALORS si tel n'est pas non plus le cas QUE sauf dispositions contraires de la loi, les biens des collectivités administratives et ses établissements publics ne sont compris dans le domaine public qu'à la condition soit d'être mis ou placés à la disposition du public usager, soit d'être affectés à un service public, pourvu qu'en ce cas, ils soient – par nature ou par des aménagements particuliers – adaptés exclusivement ou essentiellement aux besoins particuliers de ces services ; qu'en se déterminant en considération des mentions figurant sur le cadastre napoléonien, sur un plan d'alignement et d'élargissement des voies communales du bourg en avril 1887 ainsi que sur l'interprétation qu'en avait donnée la commune, au lieu de rechercher si le passage appartenait à la personne publique et s'il était affecté à l'utilité publique, la Cour d'appel a, très subsidiairement, violé les articles 544 et 545 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné Mlle X... à payer des dommages et intérêts d'un montant de 1 000 € ;
AUX MOTIFS QUE le préjudice causé aux époux Y... par le fait de Noëlle X... sera justement réparé par l'allocation de la somme de 1.000 € ».
ALORS QU'une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières qu'il appartient alors au juge de spécifier, constituer un abus de droit lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré, malgré l'infirmation dont sa décision a été l'objet en appel ; qu'en allouant à M. et Mme Y... des dommages et intérêts d'un montant de 1000 € sans expliquer en quoi Mlle X... aurait commis une faute, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.