LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 1er juin 2010), que M. X... a été engagé le 8 octobre 1962 par la BNCI, aux droits de laquelle vient la BNP Paribas, en qualité d'employé au centre de comptabilité-titres de Dinan ; qu'en raison de son état de santé, il a demandé le 23 novembre 1993 et obtenu le 1er janvier 1994 son départ anticipé à la retraite en application de l'article 19- III des statuts de la caisse de retraite de la BNP ; que le contrat de prévoyance souscrit par la BNP au profit de ses salariés, stipulait une allocation supplémentaire pour chaque enfant mineur en cas de départ à la retraite dans les conditions de ce texte ; que par lettre du 30 décembre 1993, la caisse de prévoyance de la BNP informait M. X..., dont le divorce avait été prononcé le 1er février 1993, de ce que cette allocation devait être versée à la personne qui avait la garde des enfants communs ; qu'estimant que son départ anticipé à la retraite était intervenu sur la foi d'informations inexactes du service social de la BNP quant à la possibilité de percevoir directement les allocations pour enfant mineur auxquelles ses deux filles lui donnaient droit, M. X... saisissait, le 8 avril 2008 le conseil de prud'hommes aux fins de condamnation de la société BNP Paribas à lui verser diverses sommes au titre du préjudice financier résultant de son départ anticipé à la retraite, ou subsidiairement au titre du préjudice financier résultant de l'absence de versement à son profit de l'allocation enfant mineur, au titre des frais de procédure et dépens des instances relatives à la suppression de la prestation compensatoire due à son ex-conjoint et au titre de l'action en réduction des pensions alimentaires versées à ses filles, et en réparation de son préjudice moral ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de dire ses demandes irrecevables comme prescrites, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de l'article 2270-1 du code civil applicable à la cause que le délai de prescription de l'action en responsabilité délictuelle ne court qu'à compter de la manifestation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime ; qu'en l'espèce, pour dire l'action de M. X... prescrite, la cour relève que plus de quatorze années se sont écoulées entre la connaissance qu'avait M. X... de ses droits résultant de son départ anticipé à la retraite et du dommage pouvant en résulter ; qu'en statuant ainsi, bien que la date à laquelle la faute est révélée à la victime ne se confonde pas avec la date à laquelle cette dernière est informée du préjudice qui en résulte et sans rechercher comme l'y invitaient pourtant les conclusions d'appel de M. X..., à quelle date il a eu effectivement conscience du dommage résultant de la faute, la cour d'appel ne justifie pas légalement sa décision au regard du texte susvisé ;
2°/ qu'il résulte de l'article 2262 du code civil en sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 que l'action en responsabilité contractuelle à l'encontre d'un employeur en raison d'un manquement à son obligation d'information et de conseil à l'égard d'un salarié est soumise à la prescription trentenaire ; qu'en l'espèce, pour dire l'action de M. X... prescrite, la cour décide que son action introduite le 4 avril 2008 à l'encontre de son ancien employeur pour voir tirer les conséquences d'un défaut d'information sur ces droits au moment de son départ en retraite anticipé est prescrite que ce soit sur un fondement contractuel ou délictuel puisque plus de quatorze années se sont écoulées depuis la connaissance par le salarié de l'étendue réelle de ses droits ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel viole le texte précité ensemble l'article 1134 du code civil ;
3°/ que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'il est tenu de restituer aux demandes dont il est saisi leur exacte qualification, sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; qu'il appartient au juge saisi par un ancien salarié d'une demande en paiement de dommages-intérêts fondée sur la responsabilité délictuelle du fait des préposés pour fourniture d'informations erronées de trancher celle-ci sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l'employeur pour manquement à son devoir d'information et de conseil si ces règles sont applicables et que les faits du débat le lui permettent ; qu'en retenant pour débouter M. X... de sa demande de dommages et intérêts que sa demande sur le fondement de la responsabilité délictuelle est prescrite quand il lui appartenait pourtant de trancher le litige conformément aux règles qui lui étaient applicables et, le cas échéant, d'examiner la demande de M. X... au vu des règles de la responsabilité contractuelle de l'employeur, la cour d'appel a méconnu son office au regard de l'article 12 du code de procédure civile ensemble violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, que le juge n'est pas tenu, sauf règles particulières, de changer la dénomination ou le fondement juridique des demandes formées par les parties ; qu'ayant constaté qu'elle était saisie d'une demande de dommages-intérêts, fondée sur la seule responsabilité délictuelle de la société BNP Paribas qu'elle déclarait prescrite, la cour d'appel n'était pas tenue de rechercher si cette action pouvait être fondée sur le manquement de l'employeur à une des obligations résultant du contrat de travail le liant au salarié ; Attendu, ensuite, que pour déclarer prescrite l'action en responsabilité dirigée contre l'employeur, fondée sur les dispositions des articles 1382 et 1384 du code civil, l'arrêt retient, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des faits et des éléments de preuve produits, que M. X... a eu connaissance des conséquences dommageables de son départ anticipé à la retraite dès janvier 1994, soit quatorze ans avant la saisine, le 4 avril 2008, de la juridiction prud'homale ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que l'action de Monsieur Z... était prescrite et de l'avoir débouté de ses diverses demandes d'indemnités ;
AUX MOTIFS QUE la BNP-PARIBAS oppose aux demandes de Jean-Yves X... :- la prescription décennale de l'article 2270-1 du Code civil (responsabilité extra contractuelle) applicable à une action engagée avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 qui a ramené à 5 ans ce délai ;- la prescription quinquennale tirée de l'article 1304 du même code (responsabilité contractuelle) ;- la prescription quinquennale tirée des articles L. 3245 du Code du travail et 2224 du Code civil (salaires) ; que Jean-Yves X... a demandé le 23 novembre 1993 et obtenu le 1er janvier 1994 son départ anticipé à la retraite en application de l'article 19 – III des statuts de la caisse de retraite de la BNP selon lequel : Article 19- III : « Peuvent en outre bénéficier d'une pension, quel que soit leur âge, dès qu'ils réunissent quinze annuités, les agents atteints d'une infirmité, d'une affection chronique ou d'une incapacité dûment constatée ne ressortissant pas à la législation sur les accidents du travail et les rendant définitivement incapables d'exercer les fonctions de leur emploi ou de leur grade ou d'un grade assimilé. L'admission au bénéfice d'une pension d'incapacité permanente de travail est prononcée :- soit sur demande de l'agent après avis conforme de deux médecins désignés l'un par l'intéressé et l'autre par la BNP. En cas de désaccord les deux médecins désignent ensemble un tiers médecin ;- soit sur demande de la BNP après avis conforme d'un médecin désigné par elle … » que l'article 7 du contrat de prévoyance souscrit par la BNP au profit de ses salariés, stipule une allocation supplémentaire pour chaque enfant mineur en cas de départ à la retraite dans les conditions de l'article 19 – III déjà cité ; que par lettre du 30 décembre 1993, la caisse de prévoyance de la BNP informait Jean-Yves X... de ce que conformément à une décision de son conseil d'administration (en date du 15 mars 1976) cette allocation devait être versée à la personne qui avait la garde des enfants et lui demandait d'indiquer le nom et l'adresse de leur mère, son ex-épouse ; que retournant ce courrier à son expéditeur, qui l'a reçue le 25 janvier 1994, Jean-Yves X... y portait de sa main la mention « ci-joint RIB de Madame X... qui a la garde de mes filles Claire et Cécile » ; que leur mère d'abord puis les enfants eux-mêmes devenus majeures, et jusqu'à leur 21 ans, ont perçu les allocations stipulées, pendant plus de 10 années ; qu'il en résulte que dès le 30 décembre 1993 Jean-Yves X... savait qu'il ne percevrait pas les sommes destinées à l'entretien de ses filles mineures et qu'elles seraient versées directement à leur mère qui en avait la charge ; qu'alors que la fixation des parts contributives et de la prestation compensatoire était intervenue avant le départ en retraite anticipée du salarié le 1er janvier 1994 où en tout cas sans qu'il soit connu des juges alors, c'est seulement en 2005 qu'il les saisissait à nouveau pour en modifier le montant et le 30 octobre 2007 qu'un arrêt rendu par cette Cour a supprimé la prestation compensatoire et réduit les parts contributives rétroactivement au 1er janvier 1994 ; qu'il a saisi le Conseil de prud'hommes de DINAN le 4 avril 2008 d'une demande dirigée contre la BNP-PARIBAS, aux droits de son ex-employeur, lui reprochant d'avoir provoqué son départ anticipé à la retraite en fournissant sur le versement des allocations pour enfants mineurs (21 ans alors) des renseignements inexacts qui l'avaient déterminé à partir ; que des prescriptions quinquennale ou décennale lui étant opposées, il borne sa discussion sur le point de départ du délai de prescription proposant de le reporter à des dates qui permettraient le respect des délais de 5 et 10 ans invoqués par la partie adverse ; qu'il ne justifie d'aucun accord de son ex-épouse, d'ailleurs démenti par la procédure de paiement direct, notamment sur le non cumul du versement des allocations de caisse de prévoyance directement entre ses mains avec celui des sommes mises à la charge de Jean-Yves X... par le juge du divorce, susceptible de l'avoir empêché d'agir contre la BNP-PARIBAS ; qu'il n'est justifié d'aucune manoeuvre de la BNP-PARIBAS empêchant Jean-Yves X... d'agir contre elle avant l'expiration du délai de prescription, puisque toutes les données lui ont été connues au pire quelques semaines seulement après son départ à la retraite, spécialement la coexistence entre les sommes mises à sa charge par le juge du divorce et le versement direct des allocations d'enfants à son ex-épouse par la caisse de prévoyance qu'il a expressément acceptée en fournissant le RIB ; qu'il avait dès cette époque la possibilité de faire modifier les parts contributives et la prestation compensatoire sans attendre 2005 pour le faire en faisant état d'un fait survenu 11 ans plus tôt, et d'attraire son ex employeur sur la « faute » alléguée duquel il était pleinement informé pratiquement depuis l'origine en 1994 ; que l'application de la Convention collective Nationale des Banques n'est pas elle-même discutée ; que de la confirmation faite par la BNP-PARIBAS en 2006 de ce que les renseignements fournis par son assistante sociale en 1993 et 1994 ne sauraient être aujourd'hui remis en cause, ne peut résulter aucune reconnaissance de responsabilité à la supposer opérante à une telle date, plus de 10 années s'étant déjà écoulées, ni une quelconque renonciation à se prévaloir de la prescription ; que par suite, plus de 14 années s'étant écoulées entre d'une part la connaissance qu'avait Jean-Yves X... de ses droits résultant de son départ anticipé à la retraite et du dommage pouvant en résultant dès janvier 1994 et d'autre part le 4 avril 2008, date de la saisine de la juridiction prud'homale pour voir tirer les conséquences d'un défaut d'information sur ces droits, les demandes dirigées contre la BNP PARIBAS, ex-employeur, sont prescrites quel que soit leur fondement contractuel ou quasi délictuel, l'application de la convention collective n'étant pas elle-même en cause ; qu'en déclarant prescrites les demandes de Jean-Yves X..., les premiers juges, dont la décision sera confirmée, ont sainement apprécié ;
ALORS QUE, D'UNE PART, il résulte de l'article 2270-1 du Code civil applicable à la cause que le délai de prescription de l'action en responsabilité délictuelle ne court qu'à compter de la manifestation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime ; qu'en l'espèce, pour dire l'action de Monsieur X... prescrite, la Cour relève que plus de 14 années se sont écoulées entre la connaissance qu'avait Jean-Yves X... de ses droits résultant de son départ anticipé à la retraite et du dommage pouvant en résulter ; qu'en statuant ainsi, bien que la date à laquelle la faute est révélée à la victime ne se confonde pas avec la date à laquelle cette dernière est informée du préjudice qui en résulte et sans rechercher comme l'y invitaient pourtant les conclusions d'appel de Monsieur X... (concl. d'appel pages 6 à 8), à quelle date il a eu effectivement conscience du dommage résultant de la faute, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard du texte susvisé ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, subsidiairement, il résulte de l'article 2262 du Code civil en sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 que l'action en responsabilité contractuelle à l'encontre d'un employeur en raison d'un manquement à son obligation d'information et de conseil à l'égard d'un salarié est soumise à la prescription trentenaire ; qu'en l'espèce, pour dire l'action de Monsieur X... prescrite, la Cour décide que son action introduite le 4 avril 2008 à l'encontre de son ancien employeur pour voir tirer les conséquences d'un défaut d'information sur ces droits au moment de son départ en retraite anticipé est prescrite que ce soit sur un fondement contractuel ou délictuel puisque plus de 14 années se sont écoulées depuis la connaissance par le salarié de l'étendue réelle de ses droits ; qu'en statuant ainsi, la Cour viole le texte précité ensemble l'article 1134 du Code civil ;
ALORS QUE, ENFIN, à titre infiniment subsidiaire, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'il est tenu de restituer aux demandes dont il est saisi leur exacte qualification, sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; qu'il appartient au juge saisi par un ancien salarié d'une demande en paiement de dommages et intérêts fondée sur la responsabilité délictuelle du fait des préposés pour fourniture d'informations erronées de trancher celle-ci sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l'employeur pour manquement à son devoir d'information et de conseil si ces règles sont applicables et que les faits du débat le lui permettent ; qu'en retenant pour débouter Monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts que sa demande sur le fondement de la responsabilité délictuelle est prescrite quand il lui appartenait pourtant de trancher le litige conformément aux règles qui lui étaient applicables et, le cas échéant, d'examiner la demande de Monsieur X... au vu des règles de la responsabilité contractuelle de l'employeur, la cour d'appel a méconnu son office au regard de l'article 12 du Code de procédure civile ensemble violé l'article 1147 du Code civil.