LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société Cabinet Leonard Brandon,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 17 novembre 2010, qui, pour escroquerie, l'a condamnée à 5 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 313-1 du code pénal, de l'article 706-42 du code de procédure pénale, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société cabinet Léonard Brandon coupable d'escroquerie par usage d'une fausse qualité après avoir écarté l'exception d'incompétence territoriale qu'elle avait soulevée, l'a condamnée au paiement d'une amende et a statué sur les intérêts civils ;
"aux motifs qu'il convient de constater, sans entrer à ce stade du raisonnement dans le détail du dossier, que l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction s'appuie sur un échange de mails entre la société prévenue et la société partie civile, le 3 mai 2004 ; que, selon le juge d'instruction, ces mails ont été utilisés par la société cabinet Brandon pour persuader l'Institut Gustave Roussy qui a remis les fonds de sa qualité de mandataire du centre François Baclesse ; qu'un de ces mails a été reçu à Caen et l'autre adressé de Caen où se trouve le siège du centre François Baclesse ; que ces mails peuvent constituer l'élément matériel des manoeuvres frauduleuses ;
"alors que le délit d'escroquerie par usage d'une fausse qualité est constitué au lieu d'accomplissement d'un acte caractérisant un des éléments des manoeuvres frauduleuses retenues ; qu'en se déterminant en considération du lieu d'expédition et de réception des courriels que la société cabinet Léonard Brandon avait échangés avec la partie civile avant d'en faire usage auprès de l'Institut Gustave Roussy pour la convaincre prétendument de sa fausse qualité de mandataire et de lui remettre les fonds, au lieu de rechercher en quel lieu la société cabinet Léonard Brandon avait accompli auprès de l'Institut Gustave Roussy l'un des actes caractérisant l'usage de la fausse qualité de mandataire, en vue de se voir remettre des fonds, la Cour d'appel a déduit un motif inopérant ; qu'ainsi, elle a violé les dispositions précitées" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Cabinet Leonard Brandon, dont le siège social est à Paris, a été renvoyée devant le tribunal correctionnel de Caen pour avoir, en faisant usage de la fausse qualité de mandataire du centre François Baclesse, situé à Caen, pour la cession d'une licence d'exploitation d'un logiciel, trompé l'institut Gustave Roussy, sis à Villejuif, pour le déterminer à lui remettre le prix de la vente, au préjudice du Centre François Baclesse, vendeur de la licence ;
Attendu que, pour confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la prévenue, l'arrêt relève que des courriers électroniques, dont l'un a été reçu à Caen et l'autre expédié de la même ville, ont été échangés entre le centre François Baclesse et la société Cabinet Leonard Brandon puis utilisés par cette dernière pour persuader l'institut Gustave Roussy de sa fausse qualité de mandataire du centre et peuvent constituer l'élément matériel des manoeuvres frauduleuses ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que le message adressé par la prévenue à la partie civile et celui obtenu en réponse constituent des actes préparatoires à l'escroquerie reprochée et entrent dans les faits constitutifs du délit justifiant la compétence juridictionnelle au titre du lieu l'infraction, au sens de l'article 382 du code pénal ;
Qu'ainsi, le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 313-1 du code pénal, de l'article 706-42 du code de procédure pénale, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société cabinet Léonard Brandon coupable d'escroquerie par usage d'une fausse qualité, l'a condamnée au paiement d'une amende et a statué sur les intérêts civils ;
"aux motifs qu'il résulte des éléments du dossier et des débats que le 30 octobre 2002 un contrat a été conclu entre le Centre François Baclesse (établissement privé, à but non lucratif, gérant partie du service public hospitalier) et la SNC Léonard Conseils (aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la SARL Cabinet Léonard Brandon) pour valoriser un logiciel dit PLXCIT (utilisé pour le marquage de certains cancers). Dans le cadre de ce contrat, conclu pour 18 mois, des contacts ont eu lieu avec l'Institut Gustave Roussy qui s'est dit intéressé pour l'achat, en l'état, du logiciel ; que par mail du 3 mai 2004, la SNC Léonard Conseils a demandé au centre François Baclesse son accord pour adresser une offre de prix, à hauteur de 4 930,00 euros, H.T., à l'Institut Gustave Roussy ; que le prix devait être réparti pour tenir compte de l'intervention de différents intermédiaires (L'ANVAR, l'ADCTS) ; que le centre François Baclesse a répondu, par mail du même jour, qu'il était d'accord ("bon pour accord") ; que cette réponse n'indique nullement que la SNC Léonard Conseils était habilitée à recevoir le prix. Pour autant elle encaissait la somme de 4 930,00 euros H.T., suite à une facture proforma, du 1 er juin 2004, adressée par elle à l'Institut Gustave Roussy ; qu'en dépit de nombreuses réclamations, le centre François Baclesse ne parvenait pas à obtenir paiement de la somme lui revenant ; qu'aussi, le 7 décembre 2005, il portait plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction du Tribunal de grande instance de Caen pour abus de confiance ; que la SNC Leonard Conseils reconnaissait la perception de la somme et le non reversement de la part revenant au Centre François Baclesse ; qu'elle évoquait une compensation avec des créances antérieures ; qu'elle affirmait qu'elle n'avait jamais été mandatée par le centre François Baclesse "pour faire un acte de commerce", c'est à dire une vente ; que cette position, était confirmée par un courrier de son avocat, en date du 31 janvier 2007 (reçu le 8 mars 2007), où il était précisé que le cabinet Léonard n'avait pas reçu mandat pour encaisser des sommes pour le compte du Centre François Baclesse ; que le centre François Baclesse confirmait que l'accord donné le 3 mai 2004 concernait l'entrée en négociation avec l'Institut Gustave Roussy ; mais affirmait, qu'il n'y avait jamais eu accord sur l'encaissement du prix dès lors qu'il pouvait très bien vendre, lui-même, la licence ; qu'à partir de ces données et de la présentation juridique commune des faits, par la prévenue et la partie civile, la cour ne peut que constater, comme le tribunal, que le centre François Baclesse n'avait pas donné mandat à la SNC Léonard Conseils de vendre le logiciel à l'institut Gustave ROUSSY et de percevoir le prix ; que ceci étant, cette vente a bien eu lieu et le prix a bien été payé à la SNC Léonard Conseils ; que l'audition d'une responsable de l'institut Gustave Roussy (le docteur Paule A...) et l'examen des documents échangés entre l'Institut et la SNC Léonard Conseils (et non le centre François Baclesse) montrent que la société prévenue s'est bien présentée, aux yeux, de l'acheteur, comme le cocontractant, vendeur du logiciel et qu'il a reçu paiement par chèque libellé à son ordre ; que pour ce faire la société prévenue a donc utilisé la fausse qualité de mandataire du centre François Baclesse pour persuader l'institut Gustave Roussy de sa capacité à percevoir directement les fonds ; que ce comportement caractérise, comme l'ont décidé les premiers juges, le délit d'escroquerie et, par suite, le jugement frappé d'appel ne peut qu'être confirmé sur la déclaration de culpabilité, étant observé que la société prévenue ne peut être suivie dans son raisonnement lorsqu'elle dit avoir agi (c'est à dire vendu) "pour son propre compte" alors qu'elle n'était pas propriétaire du logiciel ; que le jugement doit aussi être confirmé sur la peine d'amende, élevée mais adaptée à la mauvaise foi de la prévenue qui, alors qu'elle reconnaît détenir des fonds revenant à la partie civile depuis plus de six ans, n'a jamais procédé au remboursement, sous prétexte d'une compensation avec des créances alléguées mais non justifiées (il est d'ailleurs intéressant de noter que le dossier ne contient aucune mise en demeure et encore moins la preuve d'une action en justice pour des créances, dites importantes, remontant à plus de six ans) ;
"alors que la société cabinet Léonard Brandon, pour rapporter la preuve du mandat qu'elle avait reçu du Centre François Baclesse, a soutenu qu'il lui avait demandé, par un courriel de septembre 2004, de rendre compte de l'exécution de la convention conclue avec l'Institut Gustave Roussy, et d'établir un état de la rétrocession de la part lui revenant, après remboursement de l'aide de l'ANVAR et de la redevance ADCIS ; que la société Cabinet Léonard Brandon en déduisait dans ses conclusions (p. 3) que ces demandes qui datent de septembre 2004, soit trois mois après la livraison et l'installation du logiciel à l'IGR, démontrent qu'il n'a jamais échappé au Centre François Baclesse que la société cabinet Léonard Brandon devait signer le contrat, facturer le logiciel et encaisser le prix de vente ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur la teneur de ce courrier qui était propre à rapporter la preuve d'un mandat, la cour d'appel a privé sa décision de motifs" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
DECLARE IRRECEVABLE la demande au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale, présentée par la société Cabinet Leonard Brandon ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit du centre François Baclesse, de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Bloch conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;