LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article R. 4624-21 du code du travail ;
Attendu que l'initiative de la visite de reprise appartient normalement à l'employeur dès que le salarié qui remplit les conditions pour en bénéficier se tient à sa disposition pour qu'il y soit procédé ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société Cristal de Paris le 17 septembre 1980 en qualité d'ouvrière ; qu'elle a été placée en arrêt de travail pour maladie professionnelle à compter du 8 avril 2002 jusqu'au 15 octobre 2003 ; que le 16 octobre 2003, le médecin du travail l'a déclarée apte à la reprise de son poste de travail ; que sur recours de la salariée devant l'inspecteur du travail, ce dernier a infirmé l'avis d'aptitude et déclaré la salariée " inapte au 16 octobre 2003 au poste précédemment occupé" par décision du 20 décembre 2003 ; que le 17 novembre, le médecin du travail a déclaré l'intéressée "inapte temporaire, à revoir au moment de la reprise" ; que la salariée a saisi le 9 mars 2004 la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement de sommes et en résiliation judiciaire de son contrat de travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de ses demandes en paiement, l'arrêt retient que celle-ci n'a pas répondu à la proposition de poste formalisée par l'employeur le 14 janvier 2004 avant de saisir le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire, et ce, alors même que par courrier du 8 janvier 2004, elle le mettait en demeure de lui notifier les postes qu'il lui proposait, qu'elle n'a jamais repris son travail et n'a jamais sollicité le bénéfice d'une visite de reprise de sorte qu'elle ne peut invoquer l'absence d'organisation d'une telle visite comme rendant impossible la poursuite du contrat de travail et en justifiant la résiliation ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la salariée avait à l'issue de la première visite de reprise été déclarée inapte à la date du 16 octobre 2003 et que par courrier du 8 janvier 2004 elle avait mis en demeure l'employeur de lui notifier les postes qu'il lui proposait, de sorte qu'il lui appartenait de mettre en oeuvre la seconde visite en vue de solliciter l'avis définitif du médecin du travail sur son aptitude à la reprise, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions relatives à l'application de la convention collective nationale de commerce de gros, à la demande de classification de la salariée au niveau II échelon 3 de ladite convention et à la condamnation de l'employeur au paiement de la somme de 326,95 euros au titre du solde des congés payés sur la période du 1er juin 2003 au 29 février 2004, à celle de 5 426,96 euros au titre de la garantie d'ancienneté et des congés payés afférents et à celle de 1 480,32 euros au titre du rappel de salaire durant la période de maladie, l'arrêt rendu le 10 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne la société Cristal de Paris aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cristal de Paris à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et signé par M. Chollet, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions de l'article 456 du code de procédure civile, en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour Mme X...
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, et de l'AVOIR par suite déboutée de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, d'une indemnité de licenciement, et de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour préjudice distinct subi du fait de la période d'inactivité imputable à l'employeur, et pour préjudice moral résultant des agissements blâmables de l'employeur et non-respect de la procédure, ainsi que de sa demande tendant à voir figurer, sur les documents à lui remettre, l'indemnité de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, il incombe au salarié qui exerce une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail de rapporter la preuve d'un ou plusieurs manquements de l'employeur d'une gravité suffisante à justifier ladite résiliation judiciaire à ses torts ; qu'en l'espèce, Mme Patricia X... allègue que l'employeur a méconnu l'ensemble des dispositions impératives en matière de reprise du travail après une suspension pour cause de maladie professionnelle ; qu'elle explique que l'employeur l'a obligée à prendre immédiatement des congés payés, et ce, au mépris des dispositions des articles D. 3141-5 et D. 3141-6 du code du travail, que la proposition qu'il lui a faite le 14 janvier 2004 n'est pas une proposition sérieuse car elle ne précise pas les conditions contractuelles au niveau de l'emploi occupé, au niveau de la classification, de la durée de base du travail ainsi que de la rémunération, qu'au 1er mars 2004, l'employeur n'a pris aucune initiative pour la convoquer à une visite médicale de reprise ni n'a déclenché une quelconque procédure, alors que l'initiative de la visite de reprise incombe exclusivement à l'employeur et que le manquement de l'employeur à son obligation de prendre l'initiative de la visite médicale de reprise a eu pour conséquence de rendre impossible la poursuite du contrat de travail, que la délégation du personnel de l'entreprise n'a pas été consultée sur une quelconque proposition de poste de reclassement approprié aux capacités de la salariée en violation des dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail ; qu'en premier lieu, la détermination des dates de congés constitue une prérogative de l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction ; que le manquement par l'employeur à l'obligation de communiquer à la salariée un mois avant son départ l'ordre des départs en congé peut ouvrir droit à des dommages et intérêts s'il en est résulté un préjudice, ce que n'allègue pas Mme Patricia X... ; que, ne faisant en rien obstacle à l'exécution du contrat de travail, il ne saurait justifier la rupture du dit contrat ; qu'en second lieu, il ne peut être reproché à l'employeur de ne pas avoir consulté les délégués du personnel sur la possibilité de reclassement de la salariée dès lors que cette obligation n'existe que pour autant qu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutif à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié a été déclaré, par le médecin du travail, selon la procédure prévue à l'article R. 4624-31 du code du travail, inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment ; qu'en l'espèce, l'examen médical du 17 novembre 2003, intervenu en période de suspension du contrat de travail et émettant un simple avis d'inaptitude temporaire, « à revoir à la reprise du travail », ne saurait constituer le deuxième examen médical prévu à l'article R.4624-31 du code du travail, qui ouvre l'obligation de mettre en oeuvre la procédure de reclassement dans l'entreprise ; que l'employeur n'avait donc pas à consulter les délégués du personnel et que l'absence de cette consultation ne constitue pas un manquement qui lui serait imputable ; que si l'employeur ne peut laisser un salarié reprendre son travail après une période d'absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail ou de vingt et un jours pour cause de maladie, sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail ou plus tard dans les huit jours, d'un examen par le médecin du travail, le bénéfice de la visite de reprise peut être sollicité par le salarié lui-même auprès de l'employeur ou du médecin du travail, l'employeur en étant avisé ; qu'en l'espèce, Mme Patricia X..., qui n'a pas même répondu à la proposition de poste formalisée par l'employeur le 14 janvier 2004 avant que de saisir le conseil des prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire, et ce, alors même que par courrier du 8 janvier 2004 elle mettait en demeure l'employeur de lui notifier par retour du courrier le ou les postes qu'il lui proposait, n'a jamais repris son travail et n'a jamais sollicité le bénéfice d'une visite de reprise ; qu'elle ne peut invoquer l'absence d'organisation d'une visite de reprise comme rendant impossible la poursuite du contrat de travail et en justifiant la résiliation alors qu'elle n'a pas usé de la faculté qui lui était offerte de solliciter elle-même cette visite de reprise et ne s'est jamais mise en position de reprendre son travail ; qu'en dernier lieu, la circonstance que la proposition de poste du 14 janvier 2004 ne soit pas précise quant à la classification, la rémunération, la durée du travail ne constitue pas un manquement justifiant la résiliation du contrat de travail ; qu'il appartenait le cas échéant à la salariée de faire préciser à l'employeur ce qui lui paraissait obscur ; qu'il suit de l'ensemble de ces énonciations que Mme Patricia X... succombe dans la charge de la preuve qui lui incombe de manquements imputables à l'employeur suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat ; qu'infirmant la décision déférée, il convient donc de la débouter de sa demande de résiliation judiciaire et partant, de toutes les demandes financières subséquentes (indemnité compensatrice de préavis, indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, indemnité de licenciement, préjudice distinct subi du fait de la période d'inactivité imputable à l'employeur, dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dommages intérêts pour préjudice moral résultant des agissements blâmables de l'employeur et non-respect des procédures) ;
ALORS QU'au terme de l'article R. 4624-21 du code du travail, le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après certaines absences pour raisons médicales, et que lorsque le salarié manifeste le désir de reprendre son activité, il appartient à l'employeur de mettre en oeuvre la procédure en vue de solliciter l'avis du médecin du travail sur son aptitude à la reprise ; qu'à défaut, le salarié peut saisir la juridiction prud'homale en imputant la rupture à son employeur, rupture qui s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'ayant constaté que, par décision en date du 20 décembre 2003, l'inspecteur du travail avait infirmé l'avis d'inaptitude du 16 octobre 2003 et déclaré Madame X... « inapte, au 16 octobre 2003, au poste précédemment occupé et aux postes proposés par l'employeur », que par un avis en date du 17 novembre 2003, le médecin du travail avait déclaré la salariée « inapte temporaire », en précisant « à revoir au moment de la reprise », et que par courrier du 20 décembre 2003, l'exposante avait informé l'employeur qu'elle se présenterait pour reprendre son travail à l'issue de la fermeture de l'entreprise pour congés, dès le 5 janvier 2004, puis, après que l'employeur lui ait intimé de prendre ses congés à compter du 5 janvier 2004, que Madame X... avait mis en demeure la société CRISTAL DE PARIS de lui proposer un poste conforme aux préconisations du médecin du travail par lettre du 8 janvier 2004, la Cour d'appel ne pouvait débouter la salariée de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, au motif qu'elle n'avait jamais sollicité le bénéfice d'une visite de reprise ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article R. 4624-21 du code du travail ;