LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu les articles L. 341-1 et R. 341-2 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que l'assuré n'a droit à une pension d'invalidité qu'à la condition que l'invalidité qu'il présente réduise au moins des deux tiers sa capacité de travail et de gain ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., qui exerçait en son nom personnel une activité commerciale, le 11 juin 1998, a souscrit un contrat de prévoyance auprès de la société Prévifrance mutualité (la société) ; qu'ayant été, le 27 mai 2004, mise en arrêt de travail, la société lui a versé, à compter du mois de juin 2004, des indemnités journalières complémentaires ; que le 1er juin 2006, l'organisme Régime social des indépendants (RSI), géré en ce qui la concerne par la société, l'a reconnue en invalidité ; que Mme X... a fait assigner la société devant un tribunal de grande instance, notamment pour obtenir le bénéfice d'une rente "invalidité permanente" à compter du 1er juin 2006 ;
Attendu que pour dire que Mme X... remplit les conditions contractuelles pour bénéficier d'une rente invalidité permanente, l'arrêt énonce que l'expert Y... a admis un taux de 66 % d'incapacité professionnelle, par référence au taux accordé par le RSI ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions contractuelles renvoyaient au code de la sécurité sociale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté Mme X... de ses prétentions relatives aux indemnités journalières, l'arrêt rendu le 7 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour la société Previfrance mutualité
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Madame Marie-Claire X... remplit les conditions contractuelles pour bénéficier d'une rente invalidité permanente, d'AVOIR dit que cette rente prendra effet au 1er juin 2006 et d'AVOIR dit que la société Previfrance mutuelle devra préciser le montant revalorisé au 1er janvier des années 2007, 2008, 2009 et 2010 ainsi que les modalités de calcul de la revalorisation de la rente ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la disposition contestée est celle de l'article 19 du contrat : « Une rente d'invalidité se substitue dans les conditions ci-après à l'indemnité quotidienne dès constatation de l'usure prématurée de l'invalide telle que définie aux articles L341-1 et L341- 4 du Code de Sécurité Sociale, et au plus tard, trois ans après le début de l'arrêt de travail » ; que PREVIFRANCE ne conteste pas qu'aux termes des articles L341 à L341-4 du Code de la Sécurité sociale, le droit à la pension d'invalidité de la sécurité sociale est subordonné à la seule constatation médicale d'une invalidité réduisant d'au moins les deux tiers la capacité de travail ou de gain de l'assuré, ni que la constatation médicale de l'usure prématurée de l'organisme fixe, elle, le point de départ du délai de douze mois dont dispose l'assuré pour adresser une demande de pension d'invalidité à la caisse ; qu'elle insiste sur le point qu'il s'agit ici d'une demande fondée sur des stipulations contractuelles de droit privé et non plus réglementaires et que le contrat stipule que la rente d'invalidité se substitue à l'indemnité quotidienne dès constatation médicale de l'usure prématurée de l'invalide ; qu'ainsi, alors que, dans le régime général, l'assurance invalidité tend à réparer directement une incapacité de travail ou de gain résultant d'une diminution de l'intégrité physique ou mentale consécutive, soit à un accident ou une maladie non régi par la législation des accidents du travail et maladies professionnelles, soit à une usure prématurée de l'organisme, seul ce cas particulier d'invalidité évoqué à l'article L341-3 40 serait couvert par le contrat et non les autres cas prévus aux alinéas précédents ; que cette argumentation ne peut être acceptée : l'article 19 du contrat ne porte pas définition de l'invalidité couverte mais seulement du point de départ du droit à indemnité : « dès constatation de l'usure prématurée de l'invalide ...et au plus tard » ; que cet article rappelle donc la règle du régime général suivant laquelle la pension d'invalidité prend effet à compter soit de la date de consolidation de la blessure, de la stabilisation de l'état ou de la constatation médicale de l'usure prématurée de l'organisme, soit de l'expiration du délai d'indemnisation par l'assurance maladie ; qu'ainsi, l'usure prématurée de l'organisme n'est susceptible d'être retenue que pour la détermination de la date à laquelle est médicalement constatée l'invalidité en résultant (Cass. soc., 26 févr. 1998) ; que pour ce qui est de la notion d'invalidité, la clause renvoie à la définition du Code de la Sécurité sociale : « telle que définie aux articles L 341-1 et L 341- 4 du Code de Sécurité Sociale » ; que s'agissant au surplus d'un contrat d'adhésion, il n'est donc pas admissible de faire dire à cette clause mal rédigée qu'elle limiterait le droit à pension au seul cas d'invalidité due à une usure prématurée de l'organisme ; que dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a dit que l'octroi de la rente était conditionnée à la seule constatation médicale d'une situation d'invalidité au sens du Code de la Sécurité Sociale ; que selon l'article L341-1 de ce code, "L'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées, sa capacité de travail ou de gain, c'est-à-dire le mettant hors d'état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme », ce qui est bien le cas de Madame X... ; qu'aux termes des articles L341-1 et R341-2 du Code de la Sécurité sociale auxquels renvoie le contrat, le droit à pension d'invalidité est subordonné à la seule constatation d'une invalidité réduisant au moins des deux tiers la capacité de travail ou de gain de l'assuré ; qu'il résulte du pré-rapport du Dr Y... que les taux d'incapacité fonctionnelle et professionnelle de Madame X... à partir du 1er juin 2006 sont respectivement de 30% et de 50%. Mais le Dr Y... a ensuite tenu compte des dires du Dr Z... qui lui demandait de tenir compte de l'activité professionnelle spécifique de Madame X..., et, contrairement à ce que prétend PREVIFRANCE, il a accédé à la demande d'accorder un taux de 66% d'incapacité professionnelle, par référence au taux accordé par le RSI ; que le jugement sera donc confirmé et il sera fait droit à la demande de rente d'invalidité permanente de Madame X... à compter du ter juin 2006 ; que Madame X... n'établit pas en quoi le droit de se défendre en justice aurait dégénéré en abus du droit et causé un préjudice particulier ; qu'elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ; qu'il sera en revanche fait application de l'article 700 du Code de procédure civile et PREVIFRANCE sera condamnée de ce chef à payer une indemnité de 2 000 €» ;
ET AUX EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE «pour ce qui est de la perception d'une rente d'invalidité, il résulte des termes de la notice que c'est la constatation d'une situation d'invalidité au sens du Code de la Sécurité Sociale qui conditionne l'octroi de la rente ; que selon l'article L341-1 susvisé, l'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées sa capacité de travail ou de gain, c'est à dire le mettant hors d'état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normalement perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date d'interruption de travail suivie d'invalidité ou de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme » ;
ALORS 1°) QUE les juges du fond ne peuvent, sous prétexte d'interprétation, méconnaître le sens clair et précis de la convention des parties ; que la notice d'information du contrat de prévoyance souscrit le 11 juin 1998 par Mme X... auprès de la société Previfrance mutuelle limitait (p.19) le bénéfice de la rente prévue par les articles L.341-1 à L.341-4 du code de la sécurité sociale, au cas où l'invalidité est due à une "usure prématurée de l'invalide" ; qu'en déduisant de ce texte que l'octroi de la rente est conditionnée à la seule constatation médicale d'une situation d'invalidité au sens de la sécurité sociale, la cour d'appel en a dénaturé les termes et a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS 2°) SUBSIDIAIREMENT QUE : il résulte des dispositions combinées des articles L.341-1 et R.341-2 du code de la sécurité sociale que l'assuré n'a droit à une pension d'invalidité qu'à la condition que l'invalidité que présente l'assuré réduise au moins des deux tiers sa capacité de travail et de gain ; qu'en allouant une telle pension à Mme X... tout en retenant un taux d'incapacité professionnelle de seulement 66% (arrêt, p. 7, al.7), soit inférieur à celui des deux tiers (66,60 %) exigé pour l'attribution d'une telle pension, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations a violé les textes précités.