LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 9 décembre 2009), que Mme X..., fonctionnaire en disponibilité, après avoir effectué quatre missions intérimaires au sein de la société Clinique de Champagne, a conclu avec cette société vingt et un contrats de travail à durée déterminée sur une période de quarante deux mois et demi; que l'employeur a proposé à sa salariée la signature d'un contrat à durée indéterminée qu'elle a refusé ; que plusieurs mois après, l'employeur lui a signifié qu'il ne pouvait l'engager à nouveau en contrat à durée déterminée au delà du terme convenu et lui a de nouveau proposé la conclusion d'un contrat à durée indéterminée ; que Mme X... a écrit à son employeur pour lui demander en vue de l'échéance du contrat son solde de tout compte et les documents sociaux nécessaires; que cette dernière a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée ainsi qu'au paiement d'indemnités de requalification et de diverses sommes au titre de la rupture ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la requalification des différents contrats de travail à durée déterminée en contrats de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 2005 et de le condamner à payer diverses sommes à la salariée, alors, selon le moyen, que le salarié embauché selon un contrat à durée déterminée qui refuse ensuite de signer le contrat à durée indéterminée que lui propose son employeur ne peut, sans mauvaise foi, solliciter la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée; qu'en considérant que la mauvaise foi patente de Mme X... ne faisait pas échec à sa demande de requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et ne faisait pas disparaître celle de la Clinique de Champagne, qui aurait bénéficié de la situation pour ne pas avoir recours à l'embauche d'un salarié en contrat de travail à durée indéterminée, après avoir constaté que Mme X..., dont «la mauvaise foi est patente», avait refusé tout contrat à durée indéterminée et délibérément contribué à la mise en oeuvre des contrats de travail à durée déterminée aux fins de conserver son statut de fonctionnaire en disponibilité, ce dont il ressortait que la Clinique de Champagne, qui s'était heurtée au refus de la salarié, avait été dans l'impossibilité de recourir à son embauche en contrat de durée indéterminée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1134 du code civil et L. 1245-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'employeur avait eu recours à une succession de contrats à durée déterminée irréguliers, la cour d'appel en a exactement déduit que la relation contractuelle était réputée à durée indéterminée ; qu'elle a par ces seuls motifs justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Clinique de champagne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 2 500 euros à Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils pour la société Clinique de Champagne
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé la requalification des différents contrats de travail à durée déterminée en contrats de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 2005 et condamné la Clinique de Champagne à payer à Mme Sandra X... les sommes de 2 070,97 euros à titre de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, 4 062,26 euros à titre d'indemnité de préavis, 406,22 euros au titre des congés payés sur indemnité de préavis, 1 354,00 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et 11 302 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QU'il est constant que la clinique a régularisé avec Mme X... non moins de 21 contrats à durée déterminée sur une période de 42 mois et demi ; que l'employeur ne conteste pas que certains de ces contrats ne mentionnaient pas la qualification de la personne remplacée et que les contrats de travail à durée déterminée successifs pendant la période du 3 octobre 2005 au 31 mai 2008 ont été motivés par l'existence d'un poste vacant suite au passage à mi-temps de certains salariés ; que la CLINIQUE DE CHAMPAGNE fait valoir que cette pratique correspondait aux souhaits clairement exprimés de Mme X... ; qu'il ressort clairement des pièces produites aux débats que Mme X..., ayant le statut de fonctionnaire des collectivités territoriales ne souhaitait pas bénéficier d'un contrat de travail à durée indéterminée qui l'aurait obligé à démissionner ; que cette volonté claire et manifeste de Mme X... ressort non seulement des attestations produites mais également de son refus explicite de bénéficier du contrat de travail à durée indéterminée qui lui a été proposé ; qu'elle écrivait en effet, le 15 décembre 2006 «…étant en disponibilité de la Ville de Paris, ayant le statut de collectivité territoriale, il ne m'est pas possible d'accepter un contrat de travail à durée indéterminée car cela m'obligerait à démissionner de cette collectivité. Mon contrat de travail à durée déterminée dans votre établissement me convient parfaitement» ; que Mme X... ne saurait être sérieusement suivie en ses explications quand elle prétend avoir écrit ce courrier sous la contrainte, puisqu'elle a continué la mission en cours jusqu'au 31 mai 2007 et a signé postérieurement deux nouveaux contrats de travail à durée indéterminée, et ce sans jamais émettre la moindre revendication quant à son statut ; que bien plus, elle refusait une nouvelle fois le contrat de travail à durée indéterminée qui lui était proposé à l'échéance de sa dernière mission le 31 mai 2008 ; que ces dénégations concernant ce refus ne sont pas plus sérieuses que les précédentes au vu de l'attestation établie par Mme Y..., infirmière, déléguée syndicale présente lors de la réunion des délégués du personnel en date du 29 janvier 2008 qui atteste que la proposition faite à Mme X... a été évoquée, consignée au procès-verbal, également produit aux débats, lequel a été affiché sur le panneau habituellement réservé à cet usage ; que le refus de Mme X... ressort encore sans nulle équivoque de son courrier daté du 29 mai 2008 ; que si Mme X... a contribué délibérément à la mise en oeuvre des contrats de travail à durée déterminée qui lui évitait pour le moins d'aviser son administration d'origine et de se conformer aux règles régissant son statut de fonctionnaire en disponibilité, il n'en demeure pas moins que l'employeur ne pouvait se soustraire aux dispositions applicables en la matière ; que si la mauvaise foi de la salariée est patente, elle ne fait pas disparaître celle de l'employeur qui a bénéficié de la situation pour ne pas avoir recours à l'embauche d'un salarié en contrat de travail à durée indéterminée avec les conséquences de droit en résultant ; que dans ses conditions, c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la mauvaise foi de Mme X... devait faire échec à sa demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ; que l'employeur ne peut être suivi dans son interprétation concernant le point de départ de la requalification, qu'il situe au 3 octobre 2005, dès lors où dès le 1er février 2005 le contrat de travail à durée déterminée ne précisait pas la qualification de la salariée dont il était pourvu au remplacement, que les suivants comportaient de multiples irrégularités (remplacement de plusieurs salariés par un seul et même contrat de travail à durée déterminée ou encore remplacement de salariés suite à leur passage à mitemps) ; qu'infirmant le jugement déféré, il convient de dire que la demande en requalification à compter du 1er février 2005 est fondée et de condamner l'employeur au paiement de l'indemnité due à ce titre soit 2 070,97 € ; que la requalification dans le cadre de la survenance du terme d'un contrat prétendument à durée déterminée entraîne nécessairement la requalification de la rupture elle-même en licenciement ; que dans ces conditions, l'indemnité de préavis augmentée des congés payés afférents sont également dus ; que Mme X... est en droit d'obtenir l'indemnité conventionnelle de licenciement sur la base de 3 ans et 4 mois d'anciennement, soit 1 354 € ; que Mme X... comptabilisait plus de 2 ans d'ancienneté ; qu'au regard des faits de l'espèce et du fait que Mme X... ne rapporte la preuve d'aucun préjudice spécifique, étant rappelé qu'elle a fait le choix de préserver son statut de fonctionnaire, les dommages et intérêts qui lui sont dus au titre du licenciement sans cause réelle ni sérieuse devront être limités à une somme équivalente au salaire des 6 derniers mois conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail (ancien 122-14-4) ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme de 11 302 € ; qu'en application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail il y a lieu de dire que l'employeur sera tenu de rembourser aux organismes intéressés tout ou partie des indemnités de chômage versée à la salariée licenciée dans les conditions prévues au dispositif ;
ALORS QUE le salarié embauché selon un contrat à durée déterminée qui refuse ensuite de signer le contrat à durée indéterminée que lui propose son employeur ne peut, sans mauvaise foi, solliciter la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée ; qu'en considérant que la mauvaise foi patente de Mme X... ne faisait pas échec à sa demande de requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et ne faisait pas disparaître celle de la Clinique de Champagne, qui aurait bénéficié de la situation pour ne pas avoir recours à l'embauche d'un salarié en contrat de travail à durée indéterminée, après avoir constaté que Mme X..., dont «la mauvaise foi est patente», avait refusé tout contrat à durée indéterminée et délibérément contribué à la mise en oeuvre des contrats de travail à durée déterminée aux fins de conserver son statut de fonctionnaire en disponibilité, ce dont il ressortait que la Clinique de Champagne, qui s'était heurtée au refus de la salarié, avait été dans l'impossibilité de recourir à son embauche en contrat de durée indéterminée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1134 du code civil et L. 1245-1 du code du travail.