Sur le moyen unique :
Vu les articles 1134 du code civil, L. 1221-1 et L. 1232-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 22 juin 2004 par la société Lundbeck en qualité de responsable du parc automobile et téléphonie mobile ; que son contrat de travail prévoyait qu'elle exercerait ses fonctions au siège de l'entreprise à Paris et qu'à titre exceptionnel, elle pourrait travailler à son domicile, dans le Lot-et-Garonne, sous réserve de l'autorisation préalable de sa hiérarchie ; que par lettre du 7 juin 2007, elle a été informée que sa présence au siège du lundi au vendredi étant nécessaire, la possibilité de travailler à domicile serait supprimée à partir du 1er septembre ; qu'ayant refusé la suppression de cette clause, la salariée a été licenciée le 17 septembre 2007 avec dispense de préavis au motif de ce refus ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande, l'arrêt retient que bien que l'exceptionnel soit devenu une habitude pendant un certain temps et que celle-ci ait usé largement de son droit de travailler à domicile, elle n'avait aucunement acquis le droit de travailler à temps partiel à son domicile, son lieu de travail étant en principe le siège de l'entreprise et que dès lors, en tirant les conséquences de son refus de revenir à un mode d'exécution normal du contrat, l'employeur a justifié d'un motif réel et sérieux de licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, tout en relevant que la lettre par laquelle l'employeur indiquait à la salariée son intention de lui supprimer la possibilité de travailler à son domicile, lui demandait d'exprimer son accord à la modification proposée avant le 11 août 2007 et qu'à défaut de réponse dans ce délai, elle serait réputée avoir accepté la modification proposée qui ferait l'objet d'un avenant au contrat de travail, ce dont il résultait que l'employeur admettait que sa proposition modifiait le contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions rejetant les demandes de Mme X... au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 17 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Lundbeck aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Lundbeck à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour Mme X...
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de ses demandes d'un montant de 90. 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'un montant de 3. 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS propres QUE le contrat de travail de Madame X... comportait un point 3 intitulé « Lieu de travail » dont le premier alinéa était ainsi libellé : « Vous exercerez vos fonctions à notre siège. A titre exceptionnel, vous pourrez être amenée à exercer votre activité à notre domicile, sous réserve de l'autorisation préalable de votre hiérarchie. » ; que, par lettre du 7 juin 2007 puis du 13 juillet 2007, Madame X... a été avertie par sa hiérarchie que sa présence au siège pendant 5 jours, du lundi au vendredi, était nécessaire et que la possibilité de travailler à domicile serait supprimée à partir du 1er septembre 2007 ; que son accord lui était demandé pour accepter la modification proposée avant le 11 août 2007, la lettre précisant qu'à défaut de réponse dans le délai, elle serait réputée avoir accepté la modification proposée qui ferait l'objet d'un avenant à son contrat de travail ; que Madame X..., qui a clairement manifesté son refus d'accepter cette modification par lettre du 8 août 2007, prétend que le fait de lui avoir imposé d'exécuter son travail au siège de la société alors que dès la conclusion du contrat de travail, il était prévu une exécution en tout ou partie à son domicile, constitue une modification de son contrat de travail ; qu'elle considère que son employeur, en se plaçant clairement sur le terrain de la modification du contrat de travail, a appliqué la procédure prévue à l'article L. 1222-6 du Code du travail ; que la SAS LUNDBECK fait à juste titre observer que le contrat de travail de Madame X... prévoyait clairement que son lieu de travail était fixé au siège de la société et qu'à titre exceptionnel, et sous réserve d'avoir obtenu l'accord de sa hiérarchie, elle pourrait travailler à son domicile ; que, bien que l'exceptionnel soit devenu une habitude pendant un certain temps et que Madame X... ait usé largement de la faculté de travailler à son domicile, elle n'avait aucunement acquis le droit de travailler à temps partiel à son domicile, et son refus d'accepter la suppression de la clause exceptionnelle ne change rien au fait que son lieu de travail était par principe fixé au siège de la société à Paris. Le refus de Madame X... exprimé dans sa lettre du 8 août 2007 ne peut avoir pour conséquence de lui supprimer un élément essentiel de son contrat de travail, mais seulement de contraindre l'employeur à lui refuser systématiquement cette possibilité au cas par cas ; qu'or en l'espèce, la SAS LUNDBECK établit par les pièces versées aux débats (courriers électroniques notamment) à quel point le travail à domicile de Madame X... et son absence du siège était source de difficultés dans la gestion du parc automobile dont elle avait la charge et à quel point sa présence était nécessaire au siège au quotidien ; que, dès lors, en tirant les conséquences du refus de la salariée de revenir à un mode d'exécution normal du contrat, la SAS LUNBECK a justifié d'un motif réel et sérieux de licenciement ; que le jugement de première instance sera donc confirmé en toutes ses dispositions et Madame X... sera déboutée de l'intégralité de ses demandes ;
AUX MOTIFS adoptés QUE la lettre de licenciement fixe la limite du litige entre les parties conformément aux articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du Code du Travail. Les griefs invoqués doivent être réels, sérieux et matériellement vérifiables ; que le Conseil, conformément à l'article L. 1235-1 du Code de travail, forme sa conviction à la vue des documents produits et des explications donnés à la barre ; que la lettre de licenciement du 17/ 09/ 2007 dit : « Nous faisons suite à l'entretien auquel vous étiez convoquée, en application de l'article L. 122-14 du Code du travail et qui s'est déroulé le 12 septembre 2007 en présence de Benoît Y..., Responsable Achats et Services Généraux. Vous étiez assistée pendant cet entretien par Monsieur Jean Z.... Vous avez été embauchée le 28 juin 2004, et votre contrat faisait état, à une demande de votre part, d'une clause spécifique précisant : « A titre exceptionnel, vous pourrez être amenée à exercer votre activité à votre domicile, sous réserve de l'autorisation préalable de votre hiérarchie ». Compte tenu des impératifs de votre poste, une présence au siège est impérative 5 jours sur 5. La Société a donc jugé bon, plutôt que de refuser systématiquement vos demandes de travail à domicile, de vous informer par courrier recommandé avec Accusé de Réception en date du 7 juin 2007 que cette clause spécifique prendrait fin le 31 août 2007. Vous avez refusé, par courrier recommandé du 8 août 2007, la suppression de cette clause au prétexte qu'elle impliquerait un déménagement. Ce refus nous a contraints à vous convoquer et à vous demander, lors de cet entretien, si vous souhaitiez maintenir votre position. Lors de l'entretien du 12 septembre 2007, vous avez réitéré votre refus de continuer à travailler aux conditions normales et initiales de votre contrat de travail, à savoir au siège de notre entreprise du lundi matin au vendredi inclus. Nous vous avons rappelé qu'il ne vous avait été demandé, à aucun moment, de déménager. En effet, la société a toujours eu connaissance de votre adresse à Marmande ; votre salaire mensuel tenait d'ailleurs compte d'une participation de l'entreprise à vos coûts de déplacement ; ce que vous avez reconnu. Cette mesure prise à votre seul avantage était également tout à fait exceptionnelle. Elle avait été acceptée à la demande du Directeur de Département. Nous avons également rappelé que vous étiez présente certains lundi et vendredi, en conformité avec votre contrat de travail et ce, sans avoir déménagé. Vous avez évoqué un accord, discuté selon vos dires avec le Directeur de Département auquel était votre Responsable Hiérarchique, au moment de votre embauche. Cet accord, non écrit, aurait porté sur une autorisation de travail de 4 jours sur 5 dont un à votre domicile et du 5ème jour consacré aux transports. Cet accord ne se justifie en aucune manière, car vous étiez sur un contrat temps plein comme en témoigne votre rémunération mensuelle. En tout état de cause, l'accord que vous citez n'a été, en aucune manière, porté à la connaissance de la DRH, ni de votre hiérarchie directe de 2004, ni de votre supérieur hiérarchique actuel. Votre contrat, que vous avez par ailleurs accepté, n'y fait d'ailleurs pas référence. Bien que la modification d'une clause de vos conditions de travail ne porte sur un élément non permanent, à savoir une demande exceptionnelle de votre part, pouvant être refusée à tout moment par votre hiérarchie, nous acceptons de prendre en considération votre refus de poursuivre normalement l'activité pour laquelle vous êtes missionnée dans le cadre de votre contrat de travail. Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement à compter du 19 septembre 2007, date à laquelle démarrera votre préavis de trois mois que nous vous dispensons d'effectuer et qui vous sera néanmoins payé aux échéances habituelles jusqu'à la date de votre sortie des effectifs le 18 décembre 2007 au soir. ». Que l'article 3 du contrat de travail concernant le lieu de travail dit : « Vous exercez vos fonctions à notre siège. A titre exceptionnel, vous pourrez être amenée à exercer votre activité à votre domicile, sous réserve de l'autorisation préalable de votre hiérarchie » ; que cet article est clair et précis qu'il faut l'autorisation préalable de la hiérarchie de Madame X... ; que cette autorisation a été donnée le 30 novembre 2004 par Monsieur A... ; que le courriel indique : « Madame X... sera présente au siège du lundi au jeudi inclus et travaillera à domicile le vendredi » ; que jusqu'en juin 2007, elle a travaillé dans ces conditions ; que le 7 juin 2007, elle a reçu le courrier suivant : « Votre contrat de travail prévoyait à l'article 3- Lieu de travail : « Vous exercerez vos fonctions à notre siège » et la clause spécifique suivante : « À titre exceptionnel vous pourrez être amenée à exercer votre activité à votre domicile, sous réserve de l'autorisation préalable de votre hiérarchie. " Vous avez reçu, à ce titre, l'accord de votre responsable hiérarchique pour la période du mois de juin 2007. Nous vous informons que cette clause spécifique prendra fin le 31 août 2007. Nous vous confirmons que vos fonctions nécessitent votre présence au siège du lundi matin au vendredi soir, à compter du 1er septembre 2007. » ; que l'employeur a usé de la faculté de mettre un terme à ces conditions ; qu'il était dans son droit, d'autant que Madame X... a signé ce contrat en indiquant lu et approuvé ; que, dès lors, elle ne peut prétendre que l'accord du 30 novembre 2004 était un avenant à son contrat de travail ; que l'employeur a été loyal en l'appliquant et qu'il n'est pas déloyal en ne l'appliquant plus ; que le Conseil comprend le problème de Madame X..., mais c'est de son fait, si elle a perdu son emploi ; que le contrat de travail s'exécute de bonne foi et par les 2 parties, conformément à l'article L. 1222-1 du Code du travail ; que l'employeur a le droit d'estimer que la présence de Madame X... doit être du lundi au vendredi au siège de la société ; que l'employeur a laissé un délai raisonnable pour que Madame X... puisse s'organiser ; le courrier étant du 7 juin 2007 pour une obligation « de faire » le 1er septembre 2007 ; qu'il n'y a pas de modification du contrat de travail ; que la clause demeurait et que Madame X... aurait pu en demander l'application à tout moment à charge d'obtenir l'accord préalable de sa hiérarchie ; que ce licenciement ne peut être nul, la salariée s'étant mise elle-même en faute en refusant l'application de son contrat de travail qu'elle a signé sans réserves ; que le Conseil estime que ce licenciement a bien une cause réelle et sérieuse et matériellement vérifiable ; que le Conseil déboutera la demanderesse de l'ensemble de ses demandes ;
ALORS d'une part QU'en notifiant une proposition de modification du contrat de travail au salarié, l'employeur reconnaît qu'elle a pour objet de modifier le contrat de travail et le juge ne peut dénier l'existence de cette modification ; que la Cour d'appel a constaté que par lettre du 7 juin 2007 puis du 13 juillet 2007, Madame X... a été avertie par sa hiérarchie que sa présence au siège pendant 5 jours, du lundi au vendredi était nécessaire et que son accord était demandé pour accepter la modification proposée avant le 11 août 2007, la lettre précisant qu'à défaut de réponse dans le délai, elle serait réputée avoir accepté la modification proposée qui ferait l'objet d'un avenant à son contrat de travail ; qu'il résultait de telles constatations que l'employeur s'était de lui-même placé sur le terrain de la modification du contrat de travail ; qu'en jugeant néanmoins que le refus exprimé dans sa lettre du 8 août ne pouvait avoir pour conséquence de lui supprimer un élément essentiel de son contrat de travail et qu'en tirant les conséquences du refus de la salariée, l'employeur a justifié d'un motif réel et sérieux de licenciement, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé l'article 1134 du Code civil et les articles L. 1221-1 et L. 1232-1 du Code du travail ;
ALORS d'autre part QUE lorsque les parties sont convenues d'une exécution de tout ou partie de la prestation de travail par le salarié à son domicile, l'employeur ne peut modifier cette organisation contractuelle du travail sans l'accord du salarié ; que cette règle s'applique, qu'elle ait ou non fait l'objet d'un avenant au contrat de travail et toute clause contractuelle permettant d'y faire échec est nulle de plein droit ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a relevé que l'autorisation exceptionnelle de travailler à domicile était devenue une habitude pendant un certain temps et que Madame X... avait usé largement de la faculté de travailler à son domicile, de sorte qu'il s'en déduisait que le droit de travailler à temps partiel à son domicile s'était incorporé au contrat de travail et ne pouvait être modifié sans son accord ; que les premiers juges ont estimé que l'employeur n'avait fait qu'user de la faculté de mettre un terme aux conditions du contrat de travail, lequel prévoyait que le lieu de travail était en principe le siège de l'entreprise et que ce n'était qu'exceptionnellement que le travail à domicile était possible ; que la Cour d'appel a jugé que Madame X... n'avait aucunement acquis le droit de travailler à temps partiel à son domicile, que le refus exprimé dans sa lettre du 8 août ne pouvait avoir pour conséquence de lui supprimer un élément essentiel de son contrat de travail et qu'en tirant les conséquences du refus de la salariée, l'employeur avait justifié d'un motif réel et sérieux de licenciement ; qu'en statuant de la sorte, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et, partant, ont violé l'article 1134 du Code civil et les articles L. 1221-1 et L. 1232-1 du Code du travail.