LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Troyes, 16 février 2011) que Mmes X... et Y... ont saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation, d'une part, du protocole d'accord préélectoral signé le 29 novembre 2010 par la société Cymbeline boutiques et le syndicat CFDT et, d'autre part, des élections des délégués du personnel organisées les15 décembre 2010 et 6 janvier 2011 au sein de la société ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Cymbeline boutiques fait grief au jugement de déclarer recevable la demande d'annulation du protocole d'accord alors, selon le moyen, que le candidat inscrit sur la liste du syndicat qui a signé le protocole d'accord préélectoral n'est pas recevable à en contester la validité ; que pour écarter la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de Mmes X... et Y..., le tribunal a retenu qu'en leur qualité d'électrices dans l'entreprise, les salariées avaient intérêt à remettre en cause le protocole d'accord, fondement des élections critiquées ; qu'en statuant par ce motif inopérant sans vérifier qu'en leur seule qualité de candidates présentées par la CFDT signataire du protocole, Mmes X... et Y... étaient dépourvues d'intérêt à agir, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile, ensemble des articles L. 2311-1 et s. du code du travail ;
Mais attendu que le tribunal ayant relevé que Mmes X... et Y... étaient électrices au sein de la société Cymbeline boutiques, il a retenu à bon droit qu'elles avaient, à ce titre, qualité pour former une contestation relative au protocole d'accord préélectoral et aux élections des délégués du personnel dans le collège auquel elles appartenaient, peu important la signature de ce protocole par le syndicat ayant présenté leur candidature ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Cymbeline boutiques fait grief au jugement d'annuler les élections des délégués du personnel, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il n'appartient pas au juge, saisi d'une demande d'annulation d'un protocole d'accord préélectoral, de modifier la durée du mandat des délégués du personnel résultant d'élections antérieures non contestées ; qu'en décidant dès lors qu'à défaut d'accord de branche, d'accord de groupe ou d'accord d'entreprise réduisant la durée légale des mandats pour les élections des délégués du personnel de 2008 et l'élection partielle de 2009, cette durée était nécessairement de quatre ans de sorte que les nouvelles élections avaient été organisées pendant que les mandats étaient encore en cours, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2314-26 et L. 2314-27 du code du travail ;
2°/ qu'en retenant qu'aucune pièce du dossier ne permet de conclure à l'existence d'un accord dérogatoire à la durée légale des mandats quand il lui appartenait seulement de vérifier pour quelle durée les déléguées du personnel avaient été réellement élues lors des élections de 2008 et des élections partielles de 2009, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2314-26 et L. 2314-27 du code du travail ;
3°/ qu'en retenant, d'une part, qu'il ne résultait d'aucune pièce du dossier que la durée du mandat avait été fixée à deux ans tout en relevant, d'autre part, que les procès-verbaux d'élections de 2009 stipulant des élections partielles faisaient référence au précédent scrutin d'une durée de deux ans, et que tous les salariés et les élus avaient connaissance de cette durée, le tribunal a statué par des motifs contradictoires, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en vertu des articles L. 2314-26 et L. 2314-27 du code du travail, les délégués du personnel sont élus pour quatre ans et que seul un accord de branche, un accord de groupe ou un accord d'entreprise peut fixer une durée de leur mandat comprise entre deux et quatre ans ;
Attendu que le tribunal d'instance, qui a constaté qu'aucun accord de branche, de groupe ou d'entreprise n'avait fixé la durée du mandat des délégués du personnel à deux ans lors des élections organisées en novembre 2008 au sein de l'entreprise selon des modalités fixées par l'employeur en l'absence de protocole d'accord préélectoral, et devant lequel il n'était pas contesté que des élections partielles avaient été organisées en novembre 2009, a exactement décidé que la durée du mandat des salariés proclamés élus à l'issue de ces dernières élections devait expirer le 21 novembre 2012 et, par suite, a annulé à bon droit le protocole d'accord préélectoral signé le 29 novembre 2010, ce qui entraîne nécessairement l'annulation du premier et du second tour des élections intervenues les 15 décembre 2010 et 6 janvier 2011 ;
Que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cymbeline boutiques à payer à Mmes X... et Y... et au syndicat CFDT, la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux conseils pour la société Cymbeline boutiques
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR déclaré recevables les demandes formulées par mesdames X... et Y..., en annulation du protocole d'accord préélectoral signé le 29 novembre 2010 par la Sarl Cymbeline et la CFDT et des élections des délégués du personnel des 15 décembre 2010 et 6 janvier 2011.
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ; qu'il est constant que l'intérêt au succès ou au rejet d'une prétention s'apprécie au jour de la demande en justice ; qu'en l'espèce, la procédure relative au contentieux des élections professionnelles étant orale, il est toujours permis à une partie d'ajouter de nouvelles demandes et moyens au cours des débats dès lors qu'ils sont soumis à la contradiction de la partie adverse ; que la fin de non recevoir soulevée par la Sarl Cymbeline Boutiques, tenant au défaut d'intérêt à agir de mesdames X... et Y... a fait l'objet d'observations orales en réplique et était au demeurant évoquée, de façon non explicite mais nécessairement aux termes des conclusions écrites ; que la Sarl Cymbeline Boutiques avançait en effet qu'« il ne leur appartient pas dès lors de remettre en cause ledit protocole électoral de leur mandat » ; qu'il est établi que madame Eléonore X... et madame Jacqueline Y... ont été élues en qualité de délégué du personnel, respectivement titulaire et suppléante, à l'issue des élections du 4 décembre 2009 (1er tour) et du 18 décembre 2009 (2ème tour) ; que d'une part, il convient de constater que les élections intervenues le 15 décembre 2010 (1er tour) et le 6 janvier 2011 (2ème tour), sur la base du protocole d'accord électoral, ont mis fin à leur mandat ; que d'autre part, il n'est pas contesté que malgré les procédures prud'homales en cours, madame Eléonore X... et madame Jacqueline Y... demeurent encore salariées au sein de l'entreprise de sorte qu'elles peuvent toujours prétendre au statut d'élues ; qu'au vu de ces éléments, les requérantes, salariées électeurs appartenant aux collèges électoraux dans lesquels ont eu lieu les élections, ont manifestement intérêt à agir dans la présente procédure qui vise précisément à remettre en cause le protocole d'accord préélectoral, fondement des élections critiquées ;
ALORS QUE le candidat inscrit sur la liste du syndicat qui a signé le protocole d'accord préélectoral n'est pas recevable à en contester la validité ; que pour écarter la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de mesdames X... et Y..., le tribunal a retenu qu'en leur qualité d'électrices dans l'entreprise, les salariées avaient intérêt à remettre en cause le protocole d'accord, fondement des élections critiquées ; qu'en statuant par ce motif inopérant sans vérifier qu'en leur seule qualité de candidates présentées par la CFDT signataire du protocole, mesdames X... et Y... étaient dépourvues d'intérêt à agir, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile, ensemble des articles L. 2311-1 et s. du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR annulé le protocole d'accord signé le 29 novembre 2010 par la Sarl Cymbeline Boutiques et la CFDT et les opérations électorales qui en sont découlées les 15 décembre 2010 et 6 janvier 2011 et dit que le terme du mandat d'élues de madame X... et de madame Y... expire le 24 novembre 2012 ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 2314-26 du code du travail dispose que les délégués du personnel sont élus pour quatre ans ; que leur mandat est renouvelable ; que leurs fonctions prennent fin par le décès, la démission, la rupture du contrat de travail ou la perte des conditions requises pour l'éligibilité ; qu'ils conservent leur mandat en cas de changement de catégorie professionnelle ; que l'article L. 2314-27 du même code ajoute que par dérogation aux dispositions de l'article L. 2314-26, un accord de branche, un accord de groupe ou un accord d'entreprise, selon le cas, peut fixer une durée du mandat de délégués du personnel comprise entre deux et quatre ans ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que le 24 novembre 2008, la Sarl Cymbeline Boutiques a organisé des élections de délégués du personnel et ce, sans protocole d'accord préélectoral en raison de la carence des organisations syndicales représentatives ; qu'ainsi la note de service établie par l'employeur déterminait les conditions et modalités de ces élections sans toutefois préciser la durée du mandat des délégués du personnel ; que le 13 novembre 2009, la Sarl Cymbeline Boutiques éditait une nouvelle note de service après avoir vainement convié les organisations syndicales représentatives pour établir un protocole d'accord préélectoral en vue des élections de délégués du personnel, nécessaires en raison de l'absence de représentants, pour cause de démission des élus de 2008 ; qu'à l'instar de la note de service de 2008, celle émise en 2009 par la gérante de la Sarl, ne comportait pas davantage d'indication relative à la durée du mandat des délégués du personnel à élire ; que ces deux notes de service ne peuvent en aucun cas s'analyser comme des accords d'entreprise dans la mesure où elles émanent du seul employeur ; que dès lors, les élections organisées en 2008, conformément à la note de service, doivent respecter les dispositions posées par l'article L. 2314-26 du code du travail relatives à la durée du mandat des délégués du personnel ; que celle-ci était nécessairement de quatre ans et aucune des pièces versées aux dossiers ne permettent de conclure à l'existence d'une cause dérogatoire à cet ordre public absolu ; qu'en effet, les moyens tenant à la rédaction de PV d'élections de 2009 stipulant des élections partielles et faisant référence au précédent de scrutin d'une durée de deux ans, à la connaissance établie de tous les salariés et élus du terme du mandat de délégué, à la participation du syndicat CFDT à la rédaction du protocole d'accord préélectoral de 2010, sont inopérants ; que les circonstances tendant à démontrer une volonté de l'employeur, de certains salariés et élus d'abréger la durée du mandat légal des délégués du personnel ne peuvent remettre en cause une durée d'ordre public, sauf à produire un accord de branche, un accord de groupe ou un accord d'entreprise signé par tous les syndicats présents dans l'entreprise, en ce sens, ce qui n'est pas le cas ; qu'enfin, la signature du syndicat CFDT au protocole d'accord préélectoral ne saurait davantage annihiler les effets du mandat d'élus dont sont investies madame Eléonore X... et madame Jacqueline Y... et ce, jusqu'au 24 novembre 2012 ; que sur ce point, il sera précisé que les élections partielles de 2009 devant se dérouler dans les mêmes conditions légales que les élections ordinaires, sur la base des dispositions en vigueur lors de l'élection précédente, elles ne peuvent proroger le mandat légal de quatre ans ayant débuté en décembre 2008 ; qu'il résulte du tout que la Sarl Cymbeline Boutiques ne pouvait convier les organisations syndicales représentatives à négocier un protocole d'accord préélectoral pour des élections fin 2010 compte tenu des mandats toujours en cours des élues madame X... et madame Y... ; que dès lors, le protocole d'accord préélectoral du 29 novembre 2010 est nul et entache d'irrégularité les élections de délégués du personnel intervenues les 15 décembre 2010 et 6 janvier 2011 ; qu'il sera donc fait droit à la demande de madame Eléonore X... et madame Jacqueline Y... tendant à voir annuler le protocole d'accord et les élections de mesdames Caroline A... et Isabelle Z..., litigieux ;
1) ALORS QU'il n'appartient pas au juge, saisi d'une demande d'annulation d'un protocole d'accord préélectoral, de modifier la durée du mandat des délégués du personnel résultant d'élections antérieures non contestées ; qu'en décidant dès lors qu'à défaut d'accord de branche, d'accord de groupe ou d'accord d'entreprise réduisant la durée légale des mandats pour les élections des délégués du personnel de 2008 et l'élection partielle de 2009, cette durée était nécessairement de quatre ans de sorte que les nouvelles élections avaient été organisées pendant que les mandats étaient encore en cours, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2314-26 et L. 2314-27 du code du travail ;
2) ALORS QU'en retenant qu'aucune pièce du dossier ne permet de conclure à l'existence d'un accord dérogatoire à la durée légale des mandats quand il lui appartenait seulement de vérifier pour quelle durée les déléguées du personnel avaient été réellement élues lors des élections de 2008 et des élections partielles de 2009, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2314-26 et L. 2314-27 du code du travail ;
3) ALORS QU'en retenant d'une part qu'il nerésultait d'aucune pièce du dossier que la durée du mandat avait été fixée à deux ans tout en relevant d'autre part que les procès-verbaux d'élections de 2009 stipulant des élections partielles faisaient référence au précédent scrutin d'une durée de deux ans, et que tous les salariés et les élus avaient connaissance de cette durée, le tribunal a statué par des motifs contradictoires, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.