LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 26 mars 2009), que Mme X... a été engagée par la société Socopoint en qualité de décoratrice ; qu'elle était titulaire de différents mandats de représentant du personnel ; qu'ayant exercé à compter du 18 octobre 2006 son droit de retrait d'une situation dangereuse tel que prévu par les articles L. 4131-1 et L. 4131-3 du code du travail, elle a saisi la formation des référés de la juridiction prud'homale en décembre 2006 afin d'obtenir le paiement des salaires dus depuis le mois de novembre 2006 ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors selon le moyen, que le non-paiement du salaire à un salarié ayant exercé son droit de retrait constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient à la juridiction des référés de faire cesser, même en présence d'une contestation sérieuse ; qu'ayant constaté que l'autorité administrative avait estimé que l'exercice par Mme X... de son droit de retrait était justifié, ce qui excluait que l'employeur puisse effectuer quelque retenue sur son salaire, ce dont il résultait que le non-paiement de celui-ci constituait effectivement un trouble manifestement illicite dans les circonstances de l'espèce, peu important que la décision du ministre ait fait l'objet d'un recours, non suspensif, devant la juridiction administrative, la cour d'appel qui a méconnu la portée de ses propres énonciations a violé les articles R. 1455-6, L. 4131-1 et L. 4131-3 du code du travail ;
Mais attendu que le salarié qui se retire d'une situation de travail au motif qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé peut faire l'objet d'une retenue sur salaire s'il n'avait pas un motif raisonnable de penser que la situation présentait un tel danger ; que le juge du fond apprécie souverainement l'existence de ce motif raisonnable ;
Et attendu qu'ayant relevé que, si l'inspecteur du travail avait bien estimé que la salariée avait un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa santé, cette décision avait été déférée devant le juge administratif, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il n'y avait pas lieu à référé, le juge du fond étant seul compétent pour se prononcer sur l'existence d'un motif raisonnable ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame X... de sa demande tendant à voir condamner son employeur à lui payer les salaires échus depuis le mois de novembre 2006 et à lui remettre sous astreinte les bulletins de paye rectifiés correspondants ;
Aux motifs que bien que la société ait cru devoir fonder sa demande d'autorisation administrative de licenciement du 2 mars 2007 non seulement sur le refus de Madame Francette X... « de reprendre son poste » mais également, pour faire bonne mesure, sur « son attitude systématique d'opposition, de contestation, de harcèlement … », il est constant que l'inspecteur du travail, dans sa décision de refus en date du 3 mai 2007, soutient notamment que « Madame X... avait un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa santé et sa sécurité ; qu'il résulte de ce qui précède que l'employeur a manqué aux obligation précitées relatives à la sécurité et à la santé des travailleurs … ; que dans ces conditions le maintien de Madame X... au poste de travail était impossible ; que dès lors le motif d'absence injustifiée et de refus de reprendre son poste n'est pas avéré et ne justifie pas le licenciement de l'intéressée » ; que plus explicitement encore, la décision ministérielle du 31 octobre 2007 affirme que « l'exercice du droit de retrait par Madame X... est donc justifié » ; que dès lors que cette dernière décision fait l'objet d'un recours devant le tribunal administratif et qu'elle n'est donc pas définitive, le juge judiciaire ne peut considérer qu'elle s'impose aux parties au contrat de travail et que le défaut de rémunération d'une absence, qui reste justifiée par le seul exercice du droit de retrait depuis 30 mois, caractérise un trouble manifestement illicite ; que c'est en effet au juge administratif qu'il appartiendra de se prononcer sur le bien-fondé du recours à la notion de « droit de retrait » pour justifier l'absence au travail de la salariée protégée, après avoir établi comment l'exercice d'un « droit de retrait » à compter du 5 octobre 2006, fondé par la salariée concernée sur l'apparition de « démangeaisons » dues à l'utilisation d'un « siège inadapté » et circonscrites aux parties du corps en contact avec ce siège situé dans un local non sécurisé, situation amenant l'inspecteur du travail à évoquer un possible acte de malveillance et l'utilisation de « poil à gratter » (22 novembre 2006), peut être déclaré par ce même inspecteur du travail ( 3 mai 2007) en considération de la toxicité et de la nocivité des « produits chimiques » susceptibles d'être manipulés par la salariée dans l'exercice de son emploi, dont il fait la description exhaustive et l'analyse approfondie sans autre indication sur la date à laquelle l'intéressée aurait manipulé l'un ou l'autre de ces produits pour la dernière fois, et être compatible avec l'affirmation du ministre (30 octobre 2007) selon laquelle « Madame X..., souffrant de démangeaisons à cause du stockage de produits chimiques irritants et nocifs dans son atelier a exercé son droit de retrait … » ; que cette évolution du langage n'ayant rien de sémantique, le recours devant le tribunal administratif constitue incontestablement une contestation très sérieuse qui s'oppose à ce que le juge des référés retienne sa compétence, sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer sur ce point ;
Alors que le non-paiement du salaire à un salarié ayant exercé son droit de retrait constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient à la juridiction des référés de faire cesser, même en présence d'une contestation sérieuse ; qu'ayant constaté que l'autorité administrative avait estimé que l'exercice par Madame X... de son droit de retrait était justifié, ce qui excluait que l'employeur puisse effectuer quelque retenue sur son salaire, ce dont il résultait que le non-paiement de celui-ci constituait effectivement un trouble manifestement illicite dans les circonstances de l'espèce, peu important que la décision du Ministre ait fait l'objet d'un recours, non suspensif, devant la juridiction administrative, la Cour d'appel qui a méconnu la portée de ses propres énonciations a violé les articles R.1455-6, L.4131-1 et L.4131-3 du Code du travail ;