LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Metz, 20 mai 2011) que le 17 décembre 2010 M. X... a été désigné en qualité de délégué syndical par la société Ficomirrors France ;
Attendu que l'Union départementale des syndicats Force ouvrière de la Moselle fait grief au jugement d'annuler cette désignation, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'aucun des candidats qu'elle a présentés et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles n'accepte d'être désigné en qualité de délégué syndical, une organisation syndicale représentative dans l'entreprise est en droit de désigner un délégué syndical parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ; qu'en subordonnant l'exercice d'une telle faculté à une cause étrangère au syndicat et indépendante de la volonté de ses membres pour en déduire que le refus des sept candidats Force ouvrière d'être désigné comme délégué syndical était constitutif d'un détournement de la loi, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2143-3 du code du travail, ensemble les articles 3 de la convention n° 87 de l'Organisation internationale du travail et 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que si, lorsque la procédure est orale, les moyens soulevés d'office sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience, il peut être apporté la preuve contraire ; que, dans ses conclusions récapitulatives du 18 avril 2010, dont le tribunal d'instance a constaté qu'elles avaient été reprises à l'audience, la société Ficcomirrors France ne contestait pas la qualité d'adhérent à Force ouvrière de M. X... ; que, dès lors, en relevant d'office ce moyen, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, le tribunal d'instance n'a pas satisfait aux exigences de l'article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que l'obligation faite par l'article L. 2143-3 du code du travail au syndicat représentatif de choisir, en priorité, le délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 % des voix et, lorsque le syndicat ne dispose plus d'aucun candidat remplissant cette condition, de désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise, ne heurte aucune prérogative inhérente à la liberté syndicale et que, tendant à assurer la détermination par les salariés eux-mêmes des personnes les plus aptes à défendre leurs intérêts dans l'entreprise et à conduire les négociations pour leur compte, elle ne constitue pas une ingérence arbitraire dans le fonctionnement syndical ;
Attendu, ensuite, que dès lors qu'il avait constaté que l'Union départementale des syndicats Force ouvrière de la Moselle disposait de candidats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles, le tribunal en a exactement déduit qu'elle ne pouvait désigner comme délégué syndical M. X... qui n'avait pas été candidat ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa seconde branche comme critiquant un motif surabondant, n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils pour l'Union départementale des syndicats Force ouvrière de la Moselle et M. X...
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR déclaré nulle et de nul effet la désignation faite le 18 mars 2011 par l'Union départementale des syndicats Force Ouvrière de la Moselle de M. X... en qualité de délégué syndical au sein de la société Ficomirrors France ;
AUX MOTIFS QUE M. X..., qui ne s'est présenté à aucune des élections professionnelles visées à l'article L. 2143-3 du code du travail, n'a pu obtenir le minimum requis des 10 % des suffrages exprimés ; qu'en application du premier alinéa de ce texte, il ne pouvait donc pas être désigné en qualité de délégué syndical FO ; que l'obligation prévue à l'article L. 2143-3 du code du travail ne constitue pas une ingérence arbitraire dans le fonctionnement syndical, d'une part, parce qu'elle ne heurte aucune prérogative inhérente à la liberté syndicale et, d'autre part, parce que cette obligation vise à assurer la détermination par les salariés eux-mêmes des personnes les plus aptes à défendre leurs intérêts dans l'entreprise et à conduire les négociations pour leur compte (cf. arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 14 avril 2010, n° 09-60.426) ; que l'alinéa 2 de l'article L. 2143-3 du code du travail, qui permet à toute organisation syndicale représentative de désigner un délégué syndical lorsque plus aucune personne n'est susceptible d'être désignée en tant que tel ne saurait avoir pour effet de permettre au syndicat de contourner les exigences légales prévues au premier alinéa ; que cette exception doit être interprétée strictement afin de ne pas avoir pour effet de permettre aux syndicats de déformer la loi et, finalement, de désigner qui bon leur semble indépendamment du suffrage exprimé par les salariés ; qu'ainsi, l'absence de candidat pouvant être désigné ne peut résulter que d'une cause étrangère au syndicat et indépendante de sa volonté et, partant de celle de ses membres ; que tel peut être le cas d'un candidat quittant l'entreprise ou l'établissement pour raison de décès, de congé maladie longue durée, de mise en disponibilité, de mutation, de licenciement, de démission, de fusion de société ; que prévoir la possibilité pour un syndicat d'écarter les candidats aux élections, soit directement par retrait de mandat à toute personne susceptible d'être délégué, soit indirectement par retrait de candidature de toutes les personnes susceptibles d'être désignées aux fonctions de délégué syndical, reviendrait à nier toute signification aux suffrages exprimés par les salariés et à déformer le sens de la loi pour en éluder l'application ; qu'en outre, l'alinéa 2 de l'article L. 2143-3 du code du travail prévoit expressément que le syndicat qui ne dispose plus d'un candidat représentatif doit désigner en priorité un délégué syndical parmi les autres candidats, et cela sans aucune obligation d'affiliation au syndicat désignant ; que ce n'est qu'à défaut d'un tel candidat que le syndicat peut alors, en dernier recours, se permettre de désigner l'un de ses adhérents ; qu'en l'espèce, les attestations de Mme Z..., de MM. A..., B..., C..., D..., E... et F... indiquant toutes qu'aucun des sept candidats aux élections professionnelles n'entend être délégué syndical ne sauraient suffire à établir l'impossibilité pour le syndicat Force ouvrière de désigner un délégué syndical parmi les autres candidats (y compris d'un autre syndicat) et, à défaut, l'un de ses adhérents ; qu'en outre, ce désistement général a pour effet de contourner les exigences légales ; qu'enfin, le syndicat FO ne démontre pas qu'au moment de la désignation, M. X... était l'un de ses adhérents (aucune fiche d'adhésion, aucun carnet, etc.) ;
ALORS, 1°) QUE lorsqu'aucun des candidats qu'elle a présentés et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles n'accepte d'être désigné en qualité de délégué syndical, une organisation syndicale représentative dans l'entreprise est en droit de désigner un délégué syndical parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ; qu'en subordonnant l'exercice d'une telle faculté à une cause étrangère au syndicat et indépendante de la volonté de ses membres pour en déduire que le refus des sept candidats Force Ouvrière d'être désigné comme délégué syndical était constitutif d'un détournement de la loi, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2143-3 du code du travail, ensemble les articles 3 de la convention n° 87 de l'Organisation internationale du travail et 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, 2°) QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que si, lorsque la procédure est orale, les moyens soulevés d'office sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience, il peut être apporté la preuve contraire ; que, dans ses conclusions récapitulatives du 18 avril 2010, dont le tribunal d'instance a constaté qu'elles avaient été reprises à l'audience, la société Ficcomirrors France ne contestait pas la qualité d'adhérent à Force Ouvrière de M. X... ; que, dès lors, en relevant d'office ce moyen, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, le tribunal d'instance n'a pas satisfait aux exigences de l'article 16 du code de procédure civile.