LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (Soc. 7 juillet 2009, pourvoi n° 08-42. 117), que M. X..., engagé le 22 septembre 1992, en qualité d'attaché commercial, par le " cabinet Y... " exploité sous la forme d'une société en participation créée par MM. Jean-Yves et Jacques Y..., s'est vu consentir, le 15 novembre 1993, un prêt de somme d'argent pour faire face aux conséquences financières de son installation, remboursable suivant des modalités prévues à l'acte ; que son contrat de travail a été transféré à la société Y... en 2001 ; qu'il a démissionné de son emploi, le 3 septembre 2003 ; que Jacques Y... l'ayant assigné devant le tribunal de grande instance pour obtenir le remboursement du prêt, une ordonnance du 21 janvier 2005 du juge de la mise en état a décliné la compétence de cette juridiction au profit du conseil de prud'hommes ; que la cour d'appel a confirmé cette décision ; que, par un arrêt du 6 mars 2008, la cour d'appel a confirmé, hormis sur le point de départ des intérêts, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes, le 28 septembre 2006, condamnant M. X... à rembourser à M. Y... le prêt en capital et intérêts ; que la Cour de cassation a censuré cette décision par un arrêt du 7 juillet 2009 et a renvoyé l'affaire devant une autre cour d'appel ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'action en paiement de M. X..., l'arrêt retient que la lecture de l'acte de prêt permet de constater que Jacques Y... s'est domicilié non à son adresse personnelle mais à celle de son cabinet, que les remboursements doivent être faits au cabinet puisque l'échéance se voit reportée si elle tombe un jour de fermeture de la structure, que l'emploi de M. X... au sein de l'entreprise est l'un des éléments conditionnant l'éventuelle déchéance du terme, et que les fins de non-recevoir soulevées par M. X... sur le défaut de qualité comme d'intérêt à agir de M. Y..., agissant en son nom personnel et non pour le compte de la société Y..., doivent être accueillies ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'acte de prêt désigne comme parties " M. Jacques Y... " et " M. Patrice X... " et mentionne à l'article 1 que " Jacques Y... consent à M. X... un prêt d'un montant de 150 000 francs ", à l'article 6 que " M. X... pourra se libérer par anticipation... en notifiant le remboursement anticipé à M. Y... ", et à l'article 9 que " les sommes indiquées ci-dessus, ainsi que les intérêts et accessoires y afférents, seront exigibles par M. Jacques Y... de plein droit ", la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mars 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'action en paiement de monsieur Y... contre monsieur X... ;
AUX MOTIFS QUE monsieur Patrice X... a été engagé par le cabinet Y..., le 22 septembre 1992, en qualité d'attaché commercial ; que le cabinet Y... était, à l'époque, exploité dans le cadre d'une société en participation, créée entre MM. Jean-Yves Y... et Jacques Y... ; qu'il a pris, ensuite, la forme d'une société par actions simplifiée, avec une immatriculation au registre du commerce et des sociétés au mois de décembre 2001 ; que monsieur Patrice X... a démissionné de la société Y... le 3 septembre 2003 ; que monsieur Patrice X... n'a jamais contesté avoir reçu une somme, alors de 150. 000 francs, ainsi qu'il résulte de l'acte signé entre monsieur Jacques Y... et lui-même, le 15 novembre 1993 ; que ce document s'intitule « projet de contrat de prêt » et est rédigé comme suit :
« Entre les soussignés
* Monsieur Jacques Y...
...
29 000 QUIMPER D'une part,
et
* Monsieur Patrice X...
Demeurant...
29 000 QUIMPER D'autre part,
Après avoir exposé :
* Que monsieur X... s'est installé récemment dans la région de Quimper ;
* Que Monsieur Jacques Y... désire favoriser cette intégration ;
* Que dans ces circonstances, monsieur Jacques Y... est déterminé dans une certaine mesure à aider monsieur X... à faire face aux conséquences financières de son installation en lui consentant un prêt.
Il a été convenu ce qui suit :
Article 1- Montant du prêt
Jacques Y... consent à monsieur X... un prêt d'un montant de 150 000 francs...
Article 2- Durée de remboursement
Ce prêt sera remboursé en cinq mensualités payables à compter de 1994. Les échéances sont donc les suivantes :
1994 } 1995 } 1996 } annuités constantes, annuellement, fin d'année. 1997 } 1998 }
Article 3- Mise à disposition
L'intégralité du prêt sera mis (e) à disposition de monsieur X... à la date du 15 novembre 1993. Il lui sera versé par un chèque tiré sur la banque 00 N° 491 223.
Article 4- Rémunération
Le taux d'intérêt applicable au présent prêt est de 7 %. Les intérêts sont stipulés payables ainsi qu'il suit : par cinquième aux échéances précisée à l'article 2 ci-dessus.
Article 5- Lieu de paiement
Tous paiements en principal, intérêts et accessoires, auront lieu à Quimper (désignation de la banque, numéro du compte).
Article 6- Libération par anticipation
Monsieur X... pourra se libérer par anticipation, en totalité ou en partie, à tout moment, sans pénalité, en notifiant le montant du remboursement anticipé, à monsieur Y..., par lettre recommandée avec accusé de réception.
Article 7- Capitalisation d'intérêts
Conformément à l'article 1154 du code civil, les intérêts seront capitalisés s'ils sont dus pour une année entière.
Article 8- Jours chômés
Si le jour du paiement en capital et en intérêts est un jour chômé au Cabinet Y..., le paiement interviendra le premier jour ouvré après cette date.
Article 9- Exigibilité anticipée
Les sommes indiquées ci-dessus, ainsi que les intérêts et accessoires y afférents, seront exigibles par monsieur Jacques Y..., de plein droit, par anticipation, dans les cas suivants :
- Départ de monsieur X... du Cabinet Y... de sa propre initiative
-Inexécution par monsieur X... d'une obligation résultant des présentes
-En cas d'inexactitude des déclarations faites au présent acte » ;
que monsieur Jacques Y... indique que c'est à titre personnel et non en tant qu'employeur de monsieur Patrice X... que ce document a été souscrit ; que, certes, la société d'expertise comptable du cabinet
Y...
a fait, le 3 décembre 2004, une attestation selon laquelle « les comptes annuels de la société Y..., relatifs à l'exercice clos le 31 décembre 1993, ne comportent pas d'avance ou de prêts versés au cours de cet exercice 1993 au profit de monsieur Patrice X... » ; qu'il n'en demeure pas moins que monsieur Jacques Y... ne fournit pas la copie du chèque dont il est fait mention, pas plus que le nom de la banque et le numéro du compte sur lequel ce chèque a été tiré ; que, par ailleurs, la lecture de l'acte permet de constater que monsieur Jacques Y... s'est domicilié, non à son adresse personnelle, mais à celle du cabinet, que les remboursements doivent être faits au cabinet, puisque l'échéance se voit reportée si elle tombe un jour de fermeture de la structure, que l'emploi de monsieur Patrice X... au sein de l'entreprise est l'un des éléments conditionnant l'éventuelle déchéance du terme ; que dans ces conditions, les fins de non-recevoir soulevées par M. Patrice X... sur le défaut de qualité comme d'intérêt à agir de M. Jacques Y..., agissant en son nom personnel et non pour le compte de la société Y... devront être accueillies ; que, dès lors, conformément à l'article 122 du code de procédure civile, il ne pourra y avoir aucun examen quant au fond de l'affaire ;
1°) ALORS QUE l'acte du 15 novembre 1993 avait pour partie monsieur Jacques Y..., à titre personnel, et non pas le Cabinet Y... ou la société en participation créée entre messieurs Jean-Yves Y... et Jacques Y..., et ce quand bien même le prêt avait été accordé à l'occasion de l'embauche de monsieur X... par le Cabinet Y... ; qu'en retenant que le prêt litigieux avait été consenti par monsieur Y... en qualité d'employeur de monsieur X..., la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte du 15 novembre 1993, et a violé l'article 1134 du code civil ;
2°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE la société en participation n'étant pas une personne morale ne peut être créancière d'une obligation ; qu'à supposer que le prêt litigieux ait été octroyé par le cabinet Y..., exerçant en 1993 son activité sous la forme d'une société en participation, seul monsieur Y... pouvait être considéré comme le créancier du remboursement du prêt, en sorte qu'il avait intérêt et qualité à agir contre l'emprunteur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1871 du code civil ainsi que l'article 31 du code de procédure civile ;
3°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'en retenant que seule la société Y... avait intérêt et qualité à agir en remboursement du prêt, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la créance relative à ce prêt consenti par monsieur Y... avait été régulièrement transmise à la SAS Y... à l'occasion du transfert du contrat de travail de monsieur X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1165 du code civil, ensemble l'article L. 122-12 devenu L. 1224-1 du code du travail.