LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Transal du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Calberson et DHL express France ;
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Transal que sur le pourvoi incident relevé par la société DHL holding France (la société DHL), venant aux droits de la société Danzas ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 février 2011), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 1er décembre 2009, pourvoi n° 08-15.015), que le 16 juillet 2003, la société Bruker Biospin a confié à la société Danzas l'acheminement de matériels scientifiques de Lyon à Wissembourg ; que la société Danzas a confié le transport à la société Calberson, qui s'est substitué la société Transal ; que le 18 juillet 2003, le chauffeur de la société Transal s'est assoupi et a perdu le contrôle de son véhicule, renversant ainsi la marchandise ; que celle-ci a été livrée le 24 juillet 2003, des réserves sur la lettre de voiture étant émises par la société Bruker Biospin ; que la société Allianz Versicherungs AG (la société Allianz) a indemnisé son assurée, la société Bruker Biospin, après déduction d'une franchise ; que la société Allianz et la société Bruker Biospin ont assigné les sociétés Danzas et Transal aux fins de les voir solidairement condamnées à payer à la société Allianz le coût du matériel et à la société Bruker Biospin la franchise restée à sa charge ; que la société Danzas a appelé en garantie les sociétés Calberson et Transal tandis que la société Calberson a appelé en garantie la société Transal ; que devant la cour de renvoi, la société DHL a soulevé, en sa qualité de voiturier, la fin de non-recevoir tirée de l'article L. 133-3 du code de commerce ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident, qui est préalable :
Attendu que la société DHL fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'application de l'article L. 133-3 du code de commerce et d'avoir déclaré recevable l'action engagée par le destinataire et son assureur, alors, selon le moyen :
1°/ que l'accomplissement des formalités prévues par l'article L. 133-3 du code de commerce ne cesse, par exception, d'être obligatoire que si le destinataire a formulé, au moment même de la livraison, des réserves motivées acceptées par le transporteur ; qu'en l'espèce, la société DHL faisait valoir, dans ses écritures, qu'elle était en droit de se prévaloir de la forclusion de l'article L. 133-3 du code de commerce dès lors que les réserves portées sur la lettre de voiture en date du 24 juillet 2003 n'étaient ni précises, ni motivées ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que seule l'acceptation par le transporteur de réserves précises et motivées peut dispenser le destinataire des formalités de l'article L. 133-3 du code de commerce ; que tel n'est pas le cas de réserves mentionnant uniquement « manque un colis – colis endommagés » ; qu'ainsi, au cas où il serait considéré que la cour d'appel s'est fondée sur la réserve imprécise en date du 24 juillet 2003, contresignée par le chauffeur de DHL, pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société DHL, la cassation est encourue pour violation de l'article L. 133-3 du code de commerce ;
3°/ que la réception des objets transportés éteint toute action contre le voiturier pour avarie ou perte partielle si dans les trois jours, non compris les jours fériés qui suivent celui de cette réception, le destinataire n'a pas notifié au voiturier, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée, sa protestation motivée sauf à rapporter la preuve d'un cas de force majeure ou d'une fraude du voiturier ou avoir formulé des réserves acceptées ; que ne saurait constituer une protestation motivée faisant obstacle à l'invocation de cette fin de non-recevoir la lettre recommandée faisant état, comme en l'espèce, de «colis endommagés» sans préciser l'importance et la nature des dommages ; qu'en jugeant néanmoins que les formalités prévues ont été accomplies et en déboutant la société DHL de la fin de non-recevoir par elle soulevée, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article L. 133-3 du code de commerce ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que le destinataire a apposé des réserves sur la lettre de voiture, "manque un colis-colis endommagés", lesquelles ont été contresignées par le chauffeur, puis a adressé, dans le délai requis, une lettre de protestation valant déclaration de sinistre dans laquelle il rappelle l'accident et ses conséquences sur l'état des colis, l'arrêt, appréciant souverainement les éléments du débat, retient, par une décision motivée, que les réserves ont été acceptées et qu'elles ont été confirmées par la lettre de protestation et en déduit que les formalités prévues par l'article L. 133-3 du code de commerce ont été accomplies ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que les réserves émises étaient précises et motivées, et la lettre de protestation motivée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches, et le second moyen du pourvoi incident, qui sont rédigés en termes similaires, réunis, ainsi que sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche, réunis :
Attendu que les sociétés Transal et DHL font grief à l'arrêt de les avoir condamnées solidairement à indemniser la société Bruker Biospin et son assureur, la société Allianz, de leurs préjudices, alors, selon le moyen :
1°/ que la faute lourde du transporteur, qui implique une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant son inaptitude à accomplir la mission qu'il a acceptée, ne peut se déduire des seules cadences et délais de livraison imposés à un chauffeur, dès lors qu'aucun manquement à la réglementation sur la durée du travail et les temps de repos n'est, pour autant, établi ; qu'en reprochant à la société Transal, pour lui imputer une faute lourde, d'avoir fait prendre à son chauffeur des risques excessifs et inconsidérés, et de lui avoir imposé un rythme stressant et une forte tension, ne tenant pas compte de ses nécessités biologiques, l'ayant amené à prendre un repos insuffisant, sans caractériser aucun manquement à la législation sur le temps de travail et les temps de repos, dont le respect est vérifiable par le contrôle des disques chrono tachygraphes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 133-1 du code de commerce et l'article 1150 du code civil ;
2°/ que la faute lourde du transporteur, qui implique une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant son inaptitude à accomplir la mission qu'il a acceptée, ne peut se déduire des seules cadences et délais de livraison imposés à un chauffeur, dès lors qu'aucun manquement aux règles sur la limitation de vitesse n'est établi ; qu'en se bornant à relever que le chauffeur devait parcourir 336 km en 3 heures 20, ce qui aurait été manifestement déraisonnable même si l'essentiel du trajet se faisait sur voies rapides, et en reprochant à la société Transal, pour lui imputer une faute lourde, d'avoir fait prendre à son chauffeur des risques excessifs et inconsidérés, de lui avoir imposé un rythme stressant, et des horaires rigides l'ayant amené à devoir rattraper son retard avec une forte tension, sans à aucun moment faire ressortir un quelconque manquement aux règles de limitation de vitesse, dont le respect est lui aussi vérifiable à l'aide des disques chrono tachygraphes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 133-1 du code de commerce, ensemble l'article 1150 du code civil ;
3) que la faute lourde du transporteur, qui implique une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant son inaptitude à accomplir la mission qu'il a acceptée, ne peut se déduire du seul assoupissement du chauffeur intervenu dans des circonstances normales de conduite ; qu'en l'espèce, pour établir une faute lourde du chauffeur de la société Transal, la cour d'appel a retenu un excès de vitesse «considérable» dans la bretelle d'autoroute qu'il a prise involontairement et un défaut de maîtrise «particulièrement grave et caractérisé» avant de s'interroger sur les causes de son assoupissement ; qu'en se déterminant ainsi par des motifs inopérants, dès lors que la vitesse excessive et le défaut de maîtrise retenus étaient les conséquences de l'endormissement du chauffeur et non sa cause, et étaient partant involontaires, et sans à aucun moment caractériser un dépassement des vitesses autorisées avant que le chauffeur s'engage involontairement sur la bretelle de sortie où l'accident est survenu, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 133-1 du code de commerce, ensemble l'article 1150 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt constate que le conducteur s'est engagé à une vitesse excessive, 110 km/h selon le tachygraphe, sur la bretelle d'autoroute avant de finir la course en contrebas de la route, et relève que la société Transal explique l'excès de vitesse par un assoupissement du chauffeur qui aurait involontairement pris la bretelle ; qu'il relève encore que l'excès de vitesse sur la bretelle d'autoroute était considérable et le défaut de maîtrise particulièrement grave et caractérisé, que l'assoupissement au volant n'est pas une justification mais une faute dont il faut rechercher les causes pour en apprécier la gravité ; qu'il relève enfin que le chauffeur est parti avec retard en raison d'un temps de repos nocturne insuffisant, que le délai pour effectuer le trajet était déraisonnable puisqu'il fallait parcourir 336 km en moins de 3 heures 20, soit à plus de 100 km/h en moyenne, que le chauffeur a donc pris des risques excessifs et inconsidérés pour rattraper son retard et a été soumis à une forte tension induite par un rythme stressant ne tenant pas compte de ses nécessités biologiques ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir l'existence d'éléments aggravants, peu important qu'aucune infraction au code de la route et aucun manquement à la réglementation sur la durée du travail et les temps de repos n'aient été constatés, la cour d'appel a pu retenir l'existence d'une faute d'une extrême gravité confinant au dol et constituant une faute lourde ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Condamne la société Transal et la société DHL holding France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produitss au pourvoi principal par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Transal.
La société Transal fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée, solidairement avec la société DHL Holding France venant aux droits de la société Danzas et la société Calberson, à régler à la société Allianz Versicherungs AG la somme de 263.844 euros et celle de 500 euros à la société Bruker Biospin, outre les intérêts au taux légal à compter du 17 avril 2004 et les frais irrépétibles de première instance et d'appel;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la nature de la faute du transporteur TRANSAL, la Cour de cassation a déclaré que les motifs de l'arrêt précité étaient impropres à caractériser la faute lourde mais que la Cour de renvoi demeure libre d'apprécier la nature de la faute, de la qualifier et d'en tirer les conséquences ; Qu'il est constant et qu'il résulte des procès-verbaux de gendarmerie que l'accident s'est produit sur la bretelle de sortie 16A de l'autoroute près de SELESTAT le 17juillet 2003 à 5 H 35, le conducteur s'étant engagé à une vitesse excessive, 110km/h selon le tachygraphe, sur la bretelle d'autoroute avant de finir la course en contrebas de la route dans les arbustes le camion se couchant sur le côté le conducteur étant légèrement blessé et les marchandises entièrement déversées ; Que l'excès de vitesse dans une bretelle d'autoroute était considérable et le défaut de maîtrise particulièrement grave et caractérisé; que TRANSAL l'explique, sans que ce soit établi, par un assoupissement du chauffeur qui aurait pris la bretelle de manière involontaire ; Que l'assoupissement ou l'inattention au volant d'un camion roulant à 110km/h ne sont pas des justifications mais des fautes dont il faut rechercher les causes pour en apprécier la gravité ; que chauffeur s'est arrêté à Dijon à 21 H selon TRANSAL, 22 H selon la déclaration du chauffeur à la gendarmerie aux termes de laquelle il avait circulé avec un autre camion le même jour entre 18 H 30 et 22 H ; qu'ALLIANZ remarque qu'il aurait dû partir à 17 H 40 et était en retard ; qu'il est reparti à 2 H 40 soit après moins de 5 H de sommeil alors qu'il avait déjà roulé avant de se reposer 3 H 30 ; que 1'accident a eu lieu alors que le chauffeur roulait depuis près de 3 heures ; que la distance à parcourir était de 336 km; que le camion devait arriver avant 6 H à Cronembourg dans la banlieue de Strasbourg ; qu'il devait parcourir 336 km en moins de 3 H 20 soit plus de 100 km/h en moyenne, ce qui est manifestement déraisonnable, même si 1'essentiel du trajet se faisait sur des voies rapides; que selon Transal la consigne était un départ à 2 H 15 et non 2 H 40 ; que le chauffeur est parti avec 25 minutes de retard, manifestement en raison d'un repos nocturne insuffisant, résultant lui-même du retard de la veille, et a tenté de rattraper son retard, ce qu'il a fait en partie, mais n'a pu faire, en raison d'un horaire rigide, qu'avec une forte tension, mettant en péril tant la sécurité publique que celle de son camion de la marchandise et la sienne propre ;·qu'il a ainsi pris des risques excessifs et inconsidérés, comportement au demeurant induit par le rythme stressant, ne tenant pas compte des nécessités biologiques du chauffeur, imposé par la société Transal sans considération de prudence laquelle a ainsi elle-même et par on chauffeur, commis des fautes d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant son inaptitude à l'accomplissent de la mission qu'elle avait acceptée ; qu'il s'ensuit ainsi que des motifs non contraires du Tribunal que la Cour adopte expressément, quant à la caractérisation de la faute, que la limitation de responsabilité ne peut recevoir application ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé des condamnations, sauf à l'encontre de la SA CALBERSON, la prescription de l'action d'ALLIANZ et BRUKER à son encontre étant définitivement jugée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il résulte du planning de la société TRANSAL, établi pour organiser les tournées entre Strasbourg et Dijon du chauffeur, M. X..., que ce dernier avait repris le volant à 2 H 40 du matin avec un retard de 30 minutes, qu'au moment de l'accident il avait rattrapé 22 minutes sur son départ tardif, qu'il avait de même différé le départ de sa précédente tournée, qu'ayant ainsi systématiquement différé ses départs par rapport au planning il a roulé constamment dans un état de tension consécutif à ses efforts de rattrapage pour arriver à temps ;
1) ALORS QUE la faute lourde du transporteur, qui implique une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant son inaptitude à accomplir la mission qu'il a acceptée, ne peut se déduire des seules cadences et délais de livraison imposés à un chauffeur, dès lors qu'aucun manquement à la réglementation sur la durée du travail et les temps de repos n'est, pour autant, établi ; qu'en reprochant à la société Transal, pour lui imputer une faute lourde, d'avoir fait prendre à son chauffeur des risques excessifs et inconsidérés, et de lui avoir imposé un rythmer stressant et une forte tension, ne tenant pas compte de ses nécessités biologiques, l'ayant amené à prendre un repos insuffisant, sans caractériser aucun manquement à la législation sur le temps de travail et les temps de repos, dont le respect est vérifiable par le contrôle des disques chrono tachygraphes, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.133-1 du Code de commerce et l'article 1150 du code civil ;
2) ALORS QUE la faute lourde du transporteur, qui implique une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant son inaptitude à accomplir la mission qu'il a acceptée, ne peut se déduire des seules cadences et délais de livraison imposés à un chauffeur, dès lors qu'aucun manquement aux règles sur la limitation de vitesse n'est établi ; qu'en se bornant à relever que le chauffeur devait parcourir 336 km en 3h20, ce qui aurait été manifestement déraisonnable même si l'essentiel du trajet se faisait sur voies rapides, et en reprochant à la société Transal, pour lui imputer une faute lourde, d'avoir fait prendre à son chauffeur des risques excessifs et inconsidérés, de lui avoir imposé un rythme stressant, et des horaires rigides l'ayant amené à devoir rattraper son retard avec une forte tension, sans à aucun moment faire ressortir un quelconque manquement aux règles de limitation de vitesse, dont le respect est lui aussi vérifiable à l'aide des disques chrono tachygraphes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.133-1 du Code de commerce, ensemble l'article 1150 du code civil ;
3) ALORS QUE la faute lourde du transporteur, qui implique une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant son inaptitude à accomplir la mission qu'il a acceptée, ne peut se déduire du seul assoupissement du chauffeur intervenu dans des circonstances normales de conduite ; qu'en l'espèce, pour établir une faute lourde du chauffeur de la société Transal, la Cour d'appel a retenu un excès de vitesse « considérable » dans la bretelle d'autoroute qu'il a prise involontairement et un défaut de maîtrise « particulièrement grave et caractérisé » avant de s'interroger sur les causes de son assoupissement ; qu'en se déterminant ainsi par des motifs inopérants, dès lors que la vitesse excessive et le défaut de maîtrise retenus étaient les conséquences de l'endormissement du chauffeur et non sa cause, et étaient partant involontaires, et sans à aucun moment caractériser un dépassement des vitesses autorisées avant que le chauffeur s'engage involontairement sur la bretelle de sortie où l'accident est survenu, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L.133-1 du Code de commerce, ensemble l'article 1150 du code civil.
Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société DHL Holding France, venant aux droits de la société Danzas.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le commissionnaire de transport, la société Danzas aux droits de laquelle vient la société DHL Holding France, mal fondé à demander l'application de l'article L. 133-3 du Code de commerce et d'avoir, en conséquence, déclaré le destinataire, la société Bruker Biospin, et son assureur, la société Allianz Versicherung AG, recevables et non forclos en leur action ;
AUX MOTIFS QUE la société DHL n'est pas fondée à opposer la fin de nonrecevoir triée de l'article L. 133-3 du Code de commerce ; que ce n'est que le 24 juillet 2003 que la livraison a eu lieu ; que le destinataire a apposé des réserves sur la lettre de voiture ; « manque un colis-colis endommagés », réserves contre-signées par le chauffeur de DHL Express et donc acceptées ; que, dès le 25 juillet, Brucker Biospin adressait au Directeur régional de Strasbourg de DHL Express une lettre recommandée AR ayant pour objet « déclaration de sinistre » rappelant que le matériel réparti en 6 colis pour un poids total de 850 kg avait été enlevé le 17 juillet, que l'accident avait eu lieu dans la nuit du 17 au 18 juillet, se plaignant de n'en avoir pas été avisé avant le 22, indiquant que les colis endommagés avaient été livrés le 24 juillet et réclamant un avoir concernant les frais de transport ainsi que « les frais de dédommagement couverts par votre assurance » ; que la lettre a, selon le cachet de la poste de Wissembourg, été envoyée le 26 juillet ; qu'il importe peu qu'elle n'ait été présentée au destinataire que le 2 août ; que les formalités prévues par l'article L. 133-3 du Code de commerce ont été accomplies ;
1° ALORS QUE l'accomplissement des formalités prévues par l'article L. 133-3 du Code de commerce ne cesse, par exception, d'être obligatoire que si le destinataire a formulé, au moment même de la livraison, des réserves motivées acceptées par le transporteur ; qu'en l'espèce, la société DHL Holding France faisait valoir, dans ses écritures, qu'elle était en droit de se prévaloir de la forclusion de l'article L. 133-3 du Code de commerce dès lors que les réserves portées sur la lettre de voiture en date du 24 juillet 2003 n'étaient ni précises, ni motivées ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
2° ALORS QUE seule l'acceptation par le transporteur de réserves précises et motivées peut dispenser le destinataire des formalités de l'article L. 133-3 du Code de commerce ; que tel n'est pas le cas de réserves mentionnant uniquement « manque un colis – colis endommagés » ; qu'ainsi, au cas où il serait considéré que la Cour d'appel s'est fondée sur la réserve imprécise en date du 24 juillet 2003, contresignée par le chauffeur de DHL Express, pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société DHL Holiding France, la cassation est encourue pour violation de l'article L. 133-3 du Code de commerce ;
3° ALORS QUE la réception des objets transportés éteint toute action contre le voiturier pour avarie ou perte partielle si dans les trois jours, non compris les jours fériés qui suivent celui de cette réception, le destinataire n'a pas notifié au voiturier, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée, sa protestation motivée sauf à rapporter la preuve d'un cas de force majeure ou d'une fraude du voiturier ou avoir formulé des réserves acceptées ; que ne saurait constituer une protestation motivée faisant obstacle à l'invocation de cette fin de non-recevoir la lettre recommandée faisant état, comme en l'espèce, de « colis endommagés » sans préciser l'importance et la nature des dommages ; qu'en jugeant néanmoins que les formalités prévues ont été accomplies et en déboutant la société DHL Express de la fin de non-recevoir par elle soulevée, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article L. 133-3 du Code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le commissionnaire de transport, la société Danzas aux droits de laquelle vient la société DHL Holding France, solidairement avec le transporteur, la société Transal, à indemniser le destinataire, la société Bruker Biospin, et son assureur, la société Allianz Versicherung AG, de leur entier préjudice ;
AUX MOTIFS QUE, sur la nature de la faute du transporteur Transal, la Cour de cassation a déclaré que les motifs de l'arrêt du 5 mars 2008 étaient impropres à caractériser la faute lourde mais que la Cour de renvoi demeure libre d'apprécier la nature de la faute, de la qualifier et d'en tirer les conséquences ; qu'il est constant et qu'il résulte des procès-verbaux de gendarmerie que l'accident s'est produit sur la bretelle de sortie 16 A de l'autoroute près de Selestat le 17 juillet 2003 à 5h35, le conducteur s'étant engagé à une vitesse excessive, 110km/h selon le tachygraphe, sur la bretelle d'autoroute avant de finir la course en contrebas de la route dans les arbustes, le camion se couchant sur le côté, le conducteur étant légèrement blessé et les marchandises entièrement déversées ; que l'excès de vitesse dans une bretelle d'autoroute était considérable et le défaut de maîtrise particulièrement grave et caractérisé ; que Transal l'explique, sans que ce soit établi, par un assoupissement du chauffeur qui aurait pris la bretelle de manière involontaire ; mais que l'assoupissement ou l'inattention au volant d'un camion roulant à 110 km/h ne sont pas des justifications mais des fautes dont il faut rechercher les causes pour un apprécier la gravité ; que le chauffeur s'est arrêté à Dijon à 21h selon Transal, 22h selon la déclaration du chauffeur à la gendarmerie aux termes de laquelle il avait circulé avec un autre camion le même jour entre 18h30 et 22h ; qu'Allianz remarque qu'il aurait dû partir à 17h40 et était en retard ; qu'il est reparti à 2h40, soit après moins de 5h de sommeil alors qu'il avait déjà roulé avant de se reposer 3h30 ; que l'accident a eu lieu alors que le chauffeur roulait depuis près de de 3 heures ; que la distance à parcourir était de 336 km ; que le camion devait arriver avant 6h à Cronembourg dans la banlieue de Strasbourg ; qu'il devait parcourir 336 km en moins de 3h20, soit plus de 100 km/h en moyenne, ce qui est manifestement déraisonnable, même si l'essentiel du trajet se faisait sur des voies rapides ; que, selon Transal, la consigne était un départ à 2h15 et non 2h40 ; que le chauffeur est parti avec 25 minutes de retard, manifestement en raison d'un repos nocturne insuffisant, résultant lui-même du retard de la veille, et a tenté de rattraper son retard, ce qu'il a fait en partie, mais n'a pu faire, en raison d'un horaire rigide, qu'avec une forte tension, mettant en péril tant la sécurité publique que celle de son camion, de la marchandise et la sienne propre ; qu'il a ainsi pris des risques excessifs et inconsidérés, comportement au demeurant induit par le rythme stressant, ne tenant pas compte des nécessités biologiques du chauffeur, imposé par la société Transal sans considération de prudence, laquelle a ainsi, elle-même et par son chauffeur, commis des fautes d'une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude à l'accomplissement de la mission qu'elle avait acceptée ; qu'il s'ensuit ainsi que des motifs non contraires du Tribunal que la Cour adopte expressément quant à la caractérisation de la faute, que la limitation de responsabilité ne peut recevoir application ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé des condamnations, sauf à l'encontre de la SA Calberson, la prescription de l'action d'Allianz et Bruker à son encontre étant définitivement jugée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il résulte du planning de la société Transal, établi pour organiser les tournées entre Strasbourg et Dijon du chauffeur, M. X..., que ce dernier avait repris le volant à 2h40 du matin avec un retard de 30 minutes, qu'au moment de l'accident il avait rattrapé 22 minutes sur son départ tardif, qu'il avait de même différé le départ de sa précédente tournée, qu'ayant ainsi systématiquement différé ses départs par rapport au planning, il a roulé constamment dans un état de tension consécutif à ses efforts de rattrapage pour arriver à temps ;
1° ALORS QUE la faute lourde suppose une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du transporteur à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il a acceptée ; qu'elle ne peut se déduire du seul défaut de maîtrise du véhicule, causé soit par un assoupissement du chauffeur, soit par une inattention, intervenu dans des circonstances normales de conduite ; qu'en l'espèce, pour retenir une faute lourde du chauffeur du transporteur, la société Transal, l'arrêt attaqué relève un excès de vitesse considérable dans la bretelle d'autoroute qu'il a prise involontairement, sans toutefois caractériser un dépassement des vitesses autorisées, et un défaut de maîtrise particulièrement grave et caractérisé, avant de s'interroger sur les causes de l'assoupissement ou de l'inattention du chauffeur ; qu'en se prononçant ainsi par des motifs inopérants, la vitesse excessive et le défaut de maîtrise retenus étant les conséquences de l'assoupissement ou de l'inattention du chauffeur et étant partant involontaires, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 133-1 du Code de commerce et de l'article 1150 du Code civil ;
2° ALORS QUE la faute lourde suppose une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du transporteur à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il a acceptée ; qu'elle ne peut se déduire des seules cadences et délais de livraison imposés à un chauffeur dès lors qu'aucun manquement à la réglementation sur la durée de travail et les temps de repos et aucun manquement aux règles sur la limitation de vitesse ne sont établis ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué énonce que le transporteur, la société Transal, a fait prendre à son chauffeur des risques excessifs et inconsidérés, qu'il lui a imposé un rythme stressant et des horaires rigides l'ayant amené à devoir rattraper son retard avec une forte tension ; qu'en déduisant de ces seules circonstances l'existence d'une faute lourde, sans caractériser aucun manquement à la législation sur le temps de travail et les temps de repos et aucun manquement aux règles de limitation de vitesse, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 133-1 du Code de commerce et de l'article 1150 du Code civil.