LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 16 septembre 2010), que M. X..., mis à la disposition de la société Mic France (la société) par le biais de quarante-cinq contrats de mission conclus du 14 septembre 2004 au 22 août 2008 aux motifs alternativement du remplacement d'un salarié absent ou d'un accroissement temporaire d'activité, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification de ces contrats en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'accueillir les demandes du salarié, alors, selon le moyen :
1°/ que l'autorisation de recourir au travail intérimaire en cas d'absence temporaire d'un salarié s'entend de son absence aussi bien de l'entreprise que de son poste habituel de travail ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que M. X... a fait l'objet de missions de travail temporaire en vue du remplacement de différents salariés et notamment à compter du 4 avril 2005 pour le remplacement de M. Y..., absent en raison de sa mutation provisoire ; qu'en décidant que l'absence d'un salarié dont le remplacement s'impose au sens du texte autorisant le recours au travail temporaire s'entend d'un salarié qui n'est plus présent dans l'entreprise et en aucun cas d'un salarié déplacé vers un autre poste, la cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article L. 1251-6 du code du travail ;
2°/ que les juges du fond privent leur décision de base légale en statuant par des motifs alternatifs fondés sur des causes juridiques distinctes ; qu'après avoir, dans un premier temps, affirmé que « l'absence d'un salarié dont le remplacement s'impose au sens du texte s'entend d'un salarié qui n'est plus présent dans l'entreprise et en aucun cas d'un salarié déplacé vers un autre poste », la cour d'appel a motivé sa décision en affirmant que « la société Mic France a recruté M. Olivier X... pour répondre à un manque structurel de main d'oeuvre » ; qu'une telle motivation, qui vise pour une part à interpréter la règle d'autorisation du recours au travail temporaire, est alternative par rapport à celle qui vise pour une autre part à montrer qu'en fait le salarié était recruté pour répondre à un manque structurel de main d'oeuvre ; qu'en fondant sa décision sur une telle alternative sans se déterminer par des motifs univoques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1251-6 du code du travail ;
3°/ que la circonstance qu'un salarié ait été engagé à plusieurs reprises pour remplir des misions de travail temporaire tantôt au titre d'un accroissement de l'activité de l'entreprise, tantôt pour le remplacement de divers salariés ne caractérise pas par elle-même qu'il ait occupé un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise ; qu'en se bornant à affirmer que M. X... avait été ainsi recruté pour répondre à un manque structurel de main d'oeuvre sans caractériser les circonstances propres à établir un tel manque structurel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1251-6 du code du travail ;
Mais attendu qu'abstraction faite des motifs surabondants justement critiqués par la première branche du moyen, la cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que le salarié avait pendant les quarante-cinq missions d'intérim du 14 septembre 2004 au 22 août 2008, et quels qu'en soient les motifs, conservé la même qualification d'agent de production grenailleur ; qu'elle a ainsi caractérisé un recours à des contrats de mission ayant pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice, justifiant légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Mic France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Mic France et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 € ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Brouchot, avocat aux Conseils pour la société Mic France
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné la requalification des contrats intérim de M. X... et d'AVOIR en conséquence condamné la société Mic France à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité de préavis, d'indemnité de congés payés sur préavis, d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité de requalification et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 124-2-1 du code du travail devenu l'article L. 1251-6 dans la nouvelle codification disposait que "Un utilisateur peut faire appel aux salariés des entreprises de travail temporaire que pour des tâches non durables dénommées "missions" et dans les seuls cas suivants : 1° remp lacement d'un salarié en cas d'absence, de passage provisoire à temps partiel conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur, de suspension de son contrat de travail, de départ définitif précédant la suppression de son poste de travail ayant fait l'objet d'une saisine du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe, ou en cas d'attente de l'entrée en service effective du salarié recruté à durée indéterminée appelé à le remplacer ; 2° accroissement de l'activité de l'entreprise ; 3° emploi à caractère saisonnier (.. .) ; 4° remplacement d'un chef d'entreprise (...) ; 5° remplacement d'un chef d'exploitation agricole (...)" ; que dans le cadre des contrats de mission exécutés entre le 14 septembre 2004 et le 2 avril 2005, la société Mic France a recruté Olivier X... en remplacement de salariés nommément désignés ou pour des accroissements temporaires d'activité précisément identifiés conformément aux dispositions ci-dessus de sorte qu'ils n'encourent pas la requalification en contrat à durée indéterminée ; qu'il n'en va pas de même du contrat de mission en date du 4 avril 2005 qui vise le remplacement de M. Y... absent en raison de sa mutation provisoire au poste de chef d'équipe sans autre information ; que l'absence d'un salarié dont le remplacement s'impose au sens du texte s'entend d'un salarié qui n'est plus présent dans l'entreprise et en aucun cas d'un salarié déplacé vers un autre poste ; que c'est le nom de ce salarié absent de la société, dont le remplacement s'impose qu'il convient de mentionner dans le contrat, le cas échéant ; que l'hypothèse d'un remplacement en cascade toujours possible, mais qu'aucun élément revient confirmer dans le cas d'espèce en tout état de cause, supposait l'indication du nom du salarié absent de l'entreprise et non pas celui de l'agent muté provisoirement sur le poste provisoirement vacant ; qu'il s'ensuit que le contrat litigieux doit être requalifié en contrat à durée indéterminée ;
ALORS QUE l'autorisation de recourir au travail intérimaire en cas d'absence temporaire d'un salarié s'entend de son absence aussi bien de l'entreprise que de son poste habituel de travail ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que M. X... a fait l'objet de missions de travail temporaire en vue du remplacement de différents salariés de la société Mic France et notamment à compter du 4 avril 2005 pour le remplacement de M. Y..., absent en raison de sa mutation provisoire ; qu'en décidant que l'absence d'un salarié dont le remplacement s'impose au sens du texte autorisant le recours au travail temporaire s'entend d'un salarié qui n'est plus présent dans l'entreprise et en aucun cas d'un salarié déplacé vers un autre poste, la cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article L. 1251-6 du code du travail ;
ET AUX MOTIFS QUE surabondamment, ce motif de recours a été utilisé à de multiples reprises notamment du 29 août 2005 au 31 mai 2006, et du 1er octobre 2007 au 22 août 2008, ce qui démontre à l'évidence que la société Mic France a recruté M. Olivier X... pour répondre à un manque structurel de main d'oeuvre ainsi que l'ont constaté les premiers juges dont la décision doit être confirmée sauf à considérer que la requalification court à compter du 4 avril 2005 sans changement concernant l'indemnité de requalification qui revient de droit au salarié, évaluée au minimum soit un mois de salaire ;
ALORS D'UNE PART QUE les juges du fond privent leur décision de base légale en statuant par des motifs alternatifs fondés sur des causes juridiques distinctes ; qu'après avoir, dans un premier temps, affirmé que « l'absence d'un salarié dont le remplacement s'impose au sens du texte s'entend d'un salarié qui n'est plus présent dans l'entreprise et en aucun cas d'un salarié déplacé vers un autre poste », la cour d'appel a motivé sa décision en affirmant que « la société Mic France a recruté M. Olivier X... pour répondre à un manque structurel de main d'oeuvre » ; qu'une telle motivation, qui vise pour une part à interpréter la règle d'autorisation du recours au travail temporaire, est alternative par rapport à celle qui vise pour une autre part à montrer qu'en fait le salarié était recruté pour répondre à un manque structurel de main d'oeuvre ; qu'en fondant sa décision sur une telle alternative sans se déterminer par des motifs univoques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1251-6 du code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE la circonstance qu'un salarié ait été engagé à plusieurs reprises pour remplir des misions de travail temporaire tantôt au titre d'un accroissement de l'activité de l'entreprise, tantôt pour le remplacement de divers salariés ne caractérise pas par elle-même qu'il ait occupé un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise ; qu'en se bornant à affirmer que M. X... avait été ainsi recruté pour répondre à un manque structurel de main d'oeuvre sans caractériser les circonstances propres à établir un tel manque structurel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1251-6 du code du travail.