LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 25 janvier 2011), qu'engagé par M. X... le 21 avril 2008 en qualité d'ouvrier monteur de grue, M. Y... a été en arrêt de travail pour maladie ; qu'à l'issue d'une unique visite de reprise, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste en raison d'un danger immédiat, avec reclassement possible à tout poste au sol ; que le salarié, licencié le 24 novembre 2008 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que le caractère loyal d'une offre de reclassement suppose qu'elle constitue une proposition " sérieuse, concrète et personnalisée " ; que ne constitue pas une telle proposition l'offre ainsi formulée, dans les derniers paragraphes d'une lettre de six pages rédigée en " termes particulièrement sarcastiques " : " Dans le registre des bonnes nouvelles, vous avez peur en hauteur, soit, en accord avec le médecin du travail, nous allons inverser les postes, vous travaillerez désormais au sol et moi ou le monteur en haut " ; que l'employeur qui propose ainsi à un salarié de 20 ans, totalement inexpérimenté, non formé, " d'inverser les postes ", c'est à dire de lui confier son propre poste ou celui occupé par un monteur qualifié tandis que lui-même occuperait un poste d'aide monteur, ne saurait prétendre avoir formulé une offre loyale et concrète de reclassement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1226-2 du code du travail ;
2°/ que l'offre de reclassement doit porter sur un poste adapté aux capacités du salarié ; que la cour d'appel a constaté que le chef d'entreprise assurait " … à la fois des tâches techniques, administratives et de direction … " ; qu'en jugeant que constituait une proposition loyale de reclassement l'offre faite à M. Y... par l'employeur d'échanger leurs postes de travail sans plus de précision sur la nature des tâches " au sol " qu'il se proposait ainsi de lui confier et son aptitude à les accomplir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
3°/ qu'en ne recherchant pas si le poste ainsi offert était approprié aux capacités techniques et professionnelles du salarié, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
4°/ que le courrier du 23 octobre 2008 égrenait, sur six pages, des accusations d'incompétence, de gaspillage (" … vous nous faîtes perdre de l'argent et énormément de temps … "), mais également de " fautes de type sabotage, vol, volonté de nuire ou nuisant volontairement au bon fonctionnement de l'entreprise ", fautes professionnelles graves, mise en danger de ses collègues, proférées par un employeur à l'encontre de M. Y..., déjà " averti pour fautes graves " le 16 octobre précédent ; que l'employeur y énonçait notamment : " … je suis en bas et vous en haut car c'est le principe même du montage. Il n'y a aucun risque pour que je vous laisse seul car vous ne savez pas faire tout seul. De plus, ces derniers temps principalement, je vous ai toujours laissé le grutier avec vous alors qu'effectivement vous devriez faire le travail seul et il devrait m'aider à manipuler et assembler les éléments au sol, très difficile et dangereux tout seul (…) " ; qu'en jugeant que constituait une " offre sérieuse et loyale de reclassement " l'offre d'occuper un tel poste adressée à un salarié dénoncé dans le même courrier comme " jeune sans diplôme et sans expérience " (p. 2 dernier alinéa in fine), la cour d'appel a violé l'article L. 1226-2 du code du travail ;
5°/ qu'en toute hypothèse le refus, par le salarié, du poste de reclassement proposé ne suffit pas à justifier son licenciement dès lors qu'existent dans l'entreprise d'autres possibilités de reclassement ; qu'en l'espèce, M. Y... s'était prévalu dans ses conclusions d'un courrier du médecin du travail adressé à l'employeur le 28 juillet 2009, qu'il produisait aux débats, dont il ressortait que l'employeur, dans le cadre de ses recherches de reclassement, avait envisagé deux possibilités, soit " un poste strictement au sol correspondait parfaitement aux préconisations de la fiche du 17 octobre 2008 " ou " un poste (selon les termes de votre premier courrier) " au maximum de hauteur, les bras levés 4 mètres 50, hauteur d'un semi-remorque chargé " c'est-à-dire pieds à environ 2, 5 mètres " qui, précisait le médecin du travail, " aurait nécessité que je revoie le salarié pour évaluer l'aptitude à un tel poste ", ajoutant " Je vous ai mentionné le 29 juin 2009 que ce poste aurait probablement été compatible mais je ne peux en dire plus, n'ayant jamais revu le salarié pour ce type de poste (…) " ; qu'il ressortait de ce courrier que M. Y... était certainement apte à " un poste strictement au sol " et " probablement apte " à un poste à mi-hauteur, sous réserve d'une nouvelle appréciation par le médecin du travail ; que cependant l'unique proposition qui lui avait été faite, par lettre du 23 octobre 2008, avait consisté à échanger son poste de travail avec celui de son employeur pour, si l'on en croit la cour d'appel, " rester exclusivement au sol pendant toute l'opération " ; que son refus de ce premier poste de reclassement ne dispensait pas l'employeur de lui proposer le second, après avoir fait vérifier son aptitude par le médecin du travail ; qu'en considérant pour sa part que " l'employeur ne pouvait proposer d'autre solution de reclassement dans le cadre de mutation, transformation de postes de travail, ou aménagement du temps de travail " sans répondre aux écritures pertinentes du salarié appuyées sur cet élément de preuve déterminant, faisant valoir qu'existait dans l'entreprise un autre poste de reclassement que l'employeur avait expressément envisagé et soumis à l'appréciation du médecin du travail, et dont le praticien avait considéré, sous réserve d'un examen plus approfondi, qu'il lui aurait " probablement convenu ", la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé les termes de l'avis du médecin du travail et relevé que l'entreprise, qui n'avait pour activité que le montage de grue, ne comportait que trois personnes dont l'employeur, la cour d'appel, appréciant souverainement l'ensemble des éléments de fait et de preuve produits devant elle, a fait ressortir que cet employeur, qui avait proposé en vain au salarié de prendre le seul poste disponible au sol, justifiait de l'impossibilité de reclassement sur un autre poste ; qu'ayant ainsi, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation pour une période antérieure à l'avis d'inaptitude, tiré, par une décision motivée, les conséquences légales de ses constatations, elle a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Jonathan Y... de sa demande tendant à la condamnation de son employeur, Monsieur David X..., au paiement de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
AUX MOTIFS QUE " l'inaptitude du salarié ne peut justifier son licenciement que si aucun emploi approprié à ses capacités ne peut lui être proposé ; que l'employeur doit avoir tout mis en oeuvre pour remplir son obligation et démontrer que le reclassement est réellement impossible ; que pour exécuter loyalement son obligation de reclassement, l'employeur doit effectuer des recherches sérieuses et diverses, non seulement dans les emplois équivalents disponibles mais également dans le cadre de mutations transformations de postes de travail ou aménagements du temps de travail, ce au sein de l'entreprise mais également du groupe (…) ; que l'avis du médecin du travail, qui est seul habilité à apprécier l'aptitude du salarié à un poste de travail, concluant à l'inaptitude du salarié à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher une possibilité de reclassement (…) ; que si l'employeur n'est pas tenu d'énoncer, dans la lettre de licenciement, les diligences accomplies, il lui appartient toutefois, avant de justifier de recherches dans le cadre d'un reclassement externe, de démontrer l'existence de recherches sérieuses, concrètes et personnalisées de reclassement interne ;
QUE courant septembre 2008, alors qu'il se trouvait sur une grue, Monsieur Jonathan Y... prétend avoir glissé sur une plaque de graisse, mais grâce aux harnais de sécurité, il dit n'avoir pas chuté lourdement ; que suite à cet accident, le salarié indique avoir été très choqué et développé un sentiment chronique d'angoisse pour le travail effectué en hauteur ; que l'employeur expose n'avoir aucun souvenir d'un tel évènement et réfute toute notion d'accident ;
QU'un entretien est intervenu entre Monsieur David X... et Monsieur Jonathan Y... le 16 septembre 2008 (et) a donné lieu à un procès-verbal signé le même jour par les deux parties ; que l'employeur y égrène des griefs d'insuffisance professionnelle et de négligences à l'encontre du salarié ; que le salarié indique qu'il se met en congés payés jusqu'à la fin de la semaine pour réfléchir ; que le 6 octobre 2008, l'employeur notifiait au salarié le document du 16 septembre 2008 à titre d'avertissement ;
QUE Monsieur Jonathan Y... a bénéficié d'arrêts de travail (maladie) du 29 septembre au 13 octobre 2008 ; qu ('il) ne reprenait pas le travail le 14 octobre 2008 ; qu'il écrivait à l'employeur pour lui reprocher l'absence de visite médicale de reprise et suggérait " un dialogue en vue d'une éventuelle rupture négociée " ; qu'entre le 13 et le 16 octobre 2008, les parties échangeaient par écrit sur la reprise du travail et divers griefs ; que l'employeur ne semblait pas adhérer à l'idée d'une rupture négociée ;
QUE le 17 octobre 2008, lors de la visite de reprise, le médecin du travail déclarait Monsieur Y... inapte à occuper son poste avec une seule visite médicale compte tenu du danger imminent dans les termes suivants : " Inaptitude médicale à reprendre son poste antérieur. En raison du danger immédiat pour le salarié à reprendre son poste, il ne sera pas procédé à la seconde visite prévue à l'article R. 4324-31 du Code du travail. Reclassement possible à tout poste au sol " ; qu'à l'issue de l'avis d'inaptitude du 17 octobre 2008, Monsieur David X... a écrit le 23 octobre 2008 une lettre recommandée de six pages à Monsieur Jonathan Y... ; que l'employeur fixe au salarié un rendez-vous pour le 27 octobre 2008, disserte sur l'historique des relations contractuelles et mentionne " Dans le registre des bonnes nouvelles, vous avez peur en hauteur, soit, en accord avec le médecin du travail, nous allons inverser les postes, vous travaillerez désormais au sol et moi ou le monteur en haut " ; que par un courrier du 28 octobre 2008, Monsieur Jonathan Y... répondait : " Depuis le 17 octobre 2008, suite à mon inaptitude, j'étais dans l'attente d'une proposition de reclassement de votre part. Apparemment, vous semblez m'en faire une, suite à votre lettre AR, lettre que je viens de recevoir ce jour (28 octobre 2008), reclassement que je refuse par la présente " ; que le 5 novembre 2008, Monsieur Y... est convoqué à un entretien préalable, fixé au 15 novembre 2008 ; que la lettre de licenciement évoque l'inaptitude et l'impossibilité de reclassement, le refus de la proposition de reclassement, l'impossibilité de créer un nouveau poste, même à temps partiel ;
QU'il n'y a pas lieu de disserter outre sur l'existence d'une glissade ou chute courant septembre 2008, les parties s'accordant sur l'origine non professionnelle de l'inaptitude ; que le salarié ne conteste pas avoir été embauché en avril 2008 en qualité d'ouvrier monteur de grue pour effectuer notamment des travaux en hauteur, avoir reçu une formation pratique de la part de l'employeur en ce sens, avoir développé une angoisse seulement à compter de septembre 2008 alors qu'il " s'est fait peur " sur un chantier ; que des courriers échangés ensuite à compter de septembre 2008 entre le salarié et l'employeur, il apparaît effectivement que Monsieur Y... ne souhaitait plus travailler dans l'entreprise et aurait voulu bénéficier d'une rupture négociée de son contrat de travail ; que cela ne dispensait en rien l'employeur de son obligation de reclassement à compter de l'avis d'inaptitude rendu le 17 octobre 2008 ;
QUE des documents versés aux débats, il est établi que :
- l'entreprise Avedis avait pour seule activité le montage de grue et employait deux salariés (dont Monsieur Y...) outre Monsieur David X...,- sur l'équipe de trois personnes nécessaires au montage d'une grue, deux devaient travailler nécessairement en hauteur (du moins partiellement), seule une personne pouvait rester exclusivement au sol pendant toute l'opération ; que Monsieur Y... était parfaitement informé de toutes ces caractéristiques, comme cela apparaît clairement dans les courriers échangés que dans ce contexte, dans le cadre d'une entreprise employant trois personnes, dont le chef d'entreprise assurant à la fois des tâches techniques, administratives et de direction, nonobstant des longueurs, commentaires et digressions inadéquats, c'est donc bien une proposition précise et personnalisée de reclassement que l'employeur a formulée par courrier en date du 21 octobre 2008 ; que Monsieur Y... ne pouvait ignorer la nature et les caractéristiques du poste au sol proposé par l'employeur au titre du reclassement et ce après avoir travaillé dans l'entreprise pendant plusieurs mois et au regard des caractéristiques techniques spécifiques des trois seuls emplois existants ; que ceci est confirmé par les longs échanges de courriers produits ; que dans son courrier du 28 octobre 2008, il apparaît que Monsieur Y... a bien considéré qu'il s'agissait d'une proposition de reclassement mais a refusé clairement celle-ci, sans solliciter plus de détails sur le reclassement proposé, alors que l'employeur ne lui contestait ni le maintien de sa rémunération, ni le maintien de sa qualification ; que le salarié n'a plus sollicité l'avis du médecin du travail sur ce poste au sol, ni objecté un problème d'aptitude complémentaire à cette époque ; qu'au regard du contexte spécifique de l'espèce, l'employeur ne pouvait proposer d'autre solution de reclassement dans le cadre de mutation, transformation de postes de travail, ou aménagement du temps de travail ; qu'il ne pouvait être imposé à Monsieur David X... de créer un nouvel emploi salarié ; qu'au regard des éléments d'appréciation susvisés, il apparaît que Monsieur David X... a exécuté loyalement son obligation de reclassement à l'égard de Monsieur Jonathan Y... (…) " (arrêt p. 10 et 11) ;
ET AUX MOTIFS QUE " Monsieur Y... a été mis à la disposition de la Sté Avedis du 14 au 18 avril 2008 par l'entreprise de travail temporaire d'insertion ADEF + pour un surcroît temporaire d'activité dû à l'installation d'une grue à tour ; qu'un avis médical d'aptitude à été délivré dans le cadre d'une visite d'embauche en date du 11 août ou du 11 septembre 2007 (…) à la demande de l'entreprise de travail temporaire pour des activités de manutention, déménagement et manoeuvre ; que Monsieur Jonathan Y... a été embauché à compter du 21 avril 2008 en qualité d'ouvrier monteur de grue pour effectuer notamment un travail spécifique en hauteur ; que le document concernant la visite d'embauche en date du 11 août ou du 11 septembre 2007 révèle une visite effectuée plus de six mois avant l'embauche pour une mise à disposition concernant un poste de manutention, déménagement et manoeuvre, mais nullement dans le cadre de la mission d'intérim effectuée en avril 2008 au sein de la Sté Avedis ; qu'il ne s'agit pas du même employeur ; que Monsieur David X... ne peut invoquer les dispositions de l'article R. 4624-12 du Code du travail pour s'exonérer de son obligation en matière de visite d'embauche ; (qu'il) sera condamné à payer à Monsieur Jonathan Y... une somme de 500 € à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de faire passer une visite médicale d'embauche " ;
ALORS QUE le salarié doit bénéficier avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai d'un examen médical ayant pour finalité de s'assurer qu'il est médicalement apte au poste de travail auquel l'employeur envisage de l'affecter ; que faute de l'avoir fait bénéficier d'un tel examen, l'employeur commet une faute en relation avec l'inaptitude, médicalement constatée par la suite, du salarié à son poste de travail de sorte que le licenciement prononcé en conséquence de cette inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que Monsieur X... avait embauché Jonathan Y... le 21 avril 2008 et l'avait affecté à un poste d'aide monteur de grue sans faire procéder à la visite médicale d'embauche destinée à faire constater son aptitude à ce poste, faute pour laquelle elle l'a condamné à payer au salarié une somme de 500 € à titre de dommages et intérêts ; qu'en jugeant cependant que constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement l'inaptitude du salarié à son poste de travail médicalement constatée le 17 octobre suivant la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles R. 4624-10, R. 4624-11, R. 4624-31, ensemble les articles L. 1226-2 et L. 1226-4 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Jonathan Y... de sa demande tendant à la condamnation de son employeur, Monsieur David X..., au paiement de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
AUX MOTIFS QUE " l'inaptitude du salarié ne peut justifier son licenciement que si aucun emploi approprié à ses capacités ne peut lui être proposé ; que l'employeur doit avoir tout mis en oeuvre pour remplir son obligation et démontrer que le reclassement est réellement impossible ; que pour exécuter loyalement son obligation de reclassement, l'employeur doit effectuer des recherches sérieuses et diverses, non seulement dans les emplois équivalents disponibles mais également dans le cadre de mutations transformations de postes de travail ou aménagements du temps de travail, ce au sein de l'entreprise mais également du groupe (…) ; que l'avis du médecin du travail, qui est seul habilité à apprécier l'aptitude du salarié à un poste de travail, concluant à l'inaptitude du salarié à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher une possibilité de reclassement (…) ; que si l'employeur n'est pas tenu d'énoncer, dans la lettre de licenciement, les diligences accomplies, il lui appartient toutefois, avant de justifier de recherches dans le cadre d'un reclassement externe, de démontrer l'existence de recherches sérieuses, concrètes et personnalisées de reclassement interne ;
QUE courant septembre 2008, alors qu'il se trouvait sur une grue, Monsieur Jonathan Y... prétend avoir glissé sur une plaque de graisse, mais grâce aux harnais de sécurité, il dit n'avoir pas chuté lourdement ; que suite à cet accident, le salarié indique avoir été très choqué et développé un sentiment chronique d'angoisse pour le travail effectué en hauteur ; que l'employeur expose n'avoir aucun souvenir d'un tel évènement et réfute toute notion d'accident ;
QU'un entretien est intervenu entre Monsieur David X... et Monsieur Jonathan Y... le 16 septembre 2008 (et) a donné lieu à un procès-verbal signé le même jour par les deux parties ; que l'employeur y égrène des griefs d'insuffisance professionnelle et de négligences à l'encontre du salarié ; que le salarié indique qu'il se met en congés payés jusqu'à la fin de la semaine pour réfléchir ; que le 6 octobre 2008, l'employeur notifiait au salarié le document du 16 septembre 2008 à titre d'avertissement ;
QUE Monsieur Jonathan Y... a bénéficié d'arrêts de travail (maladie) du 29 septembre au 13 octobre 2008 ; qu ('il) ne reprenait pas le travail le 14 octobre 2008 ; qu'il écrivait à l'employeur pour lui reprocher l'absence de visite médicale de reprise et suggérait " un dialogue en vue d'une éventuelle rupture négociée " ; qu'entre le 13 et le 16 octobre 2008, les parties échangeaient par écrit sur la reprise du travail et divers griefs ; que l'employeur ne semblait pas adhérer à l'idée d'une rupture négociée ;
QUE le 17 octobre 2008, lors de la visite de reprise, le médecin du travail déclarait Monsieur Y... inapte à occuper son poste avec une seule visite médicale compte tenu du danger imminent dans les termes suivants : " Inaptitude médicale à reprendre son poste antérieur. En raison du danger immédiat pour le salarié à reprendre son poste, il ne sera pas procédé à la seconde visite prévue à l'article R. 4324-31 du Code du travail. Reclassement possible à tout poste au sol " ; qu'à l'issue de l'avis d'inaptitude du 17 octobre 2008, Monsieur David X... a écrit le 23 octobre 2008 une lettre recommandée de six pages à Monsieur Jonathan Y... ; que l'employeur fixe au salarié un rendez-vous pour le 27 octobre 2008, disserte sur l'historique des relations contractuelles et mentionne " Dans le registre des bonnes nouvelles, vous avez peur en hauteur, soit, en accord avec le médecin du travail, nous allons inverser les postes, vous travaillerez désormais au sol et moi ou le monteur en haut " ; que par un courrier du 28 octobre 2008, Monsieur Jonathan Y... répondait : " Depuis le 17 octobre 2008, suite à mon inaptitude, j'étais dans l'attente d'une proposition de reclassement de votre part. Apparemment, vous semblez m'en faire une, suite à votre lettre AR, lettre que je viens de recevoir ce jour (28 octobre 2008), reclassement que je refuse par la présente " ; que le 5 novembre 2008, Monsieur Y... est convoqué à un entretien préalable, fixé au 15 novembre 2008 ; que la lettre de licenciement évoque l'inaptitude et l'impossibilité de reclassement, le refus de la proposition de reclassement, l'impossibilité de créer un nouveau poste, même à temps partiel ;
QU'il n'y a pas lieu de disserter outre sur l'existence d'une glissade ou chute courant septembre 2008, les parties s'accordant sur l'origine non professionnelle de l'inaptitude ; que le salarié ne conteste pas avoir été embauché en avril 2008 en qualité d'ouvrier monteur de grue pour effectuer notamment des travaux en hauteur, avoir reçu une formation pratique de la part de l'employeur en ce sens, avoir développé une angoisse seulement à compter de septembre 2008 alors qu'il " s'est fait peur " sur un chantier ; que des courriers échangés ensuite à compter de septembre 2008 entre le salarié et l'employeur, il apparaît effectivement que Monsieur Y... ne souhaitait plus travailler dans l'entreprise et aurait voulu bénéficier d'une rupture négociée de son contrat de travail ; que cela ne dispensait en rien l'employeur de son obligation de reclassement à compter de l'avis d'inaptitude rendu le 17 octobre 2008 ;
QUE des documents versés aux débats, il est établi que :
- l'entreprise Avedis avait pour seule activité le montage de grue et employait deux salariés (dont Monsieur Y...) outre Monsieur David X...,- sur l'équipe de trois personnes nécessaires au montage d'une grue, deux devaient travailler nécessairement en hauteur (du moins partiellement), seule une personne pouvait rester exclusivement au sol pendant toute l'opération ; que Monsieur Y... était parfaitement informé de toutes ces caractéristiques, comme cela apparaît clairement dans les courriers échangés que dans ce contexte, dans le cadre d'une entreprise employant trois personnes, dont le chef d'entreprise assurant à la fois des tâches techniques, administratives et de direction, nonobstant des longueurs, commentaires et digressions inadéquats, c'est donc bien une proposition précise et personnalisée de reclassement que l'employeur a formulée par courrier en date du 21 octobre 2008 ; que Monsieur Y... ne pouvait ignorer la nature et les caractéristiques du poste au sol proposé par l'employeur au titre du reclassement et ce après avoir travaillé dans l'entreprise pendant plusieurs mois et au regard des caractéristiques techniques spécifiques des trois seuls emplois existants ; que ceci est confirmé par les longs échanges de courriers produits ; que dans son courrier du 28 octobre 2008, il apparaît que Monsieur Y... a bien considéré qu'il s'agissait d'une proposition de reclassement mais a refusé clairement celle-ci, sans solliciter plus de détails sur le reclassement proposé, alors que l'employeur ne lui contestait ni le maintien de sa rémunération, ni le maintien de sa qualification ; que le salarié n'a plus sollicité l'avis du médecin du travail sur ce poste au sol, ni objecté un problème d'aptitude complémentaire à cette époque ; qu'au regard du contexte spécifique de l'espèce, l'employeur ne pouvait proposer d'autre solution de reclassement dans le cadre de mutation, transformation de postes de travail, ou aménagement du temps de travail ; qu'il ne pouvait être imposé à Monsieur David X... de créer un nouvel emploi salarié ; qu'au regard des éléments d'appréciation susvisés, il apparaît que Monsieur David X... a exécuté loyalement son obligation de reclassement à l'égard de Monsieur Jonathan Y... (…) " ;
1°) ALORS QUE le caractère loyal d'une offre de reclassement suppose qu'elle constitue une proposition " sérieuse, concrète et personnalisée " ; que ne constitue pas une telle proposition l'offre ainsi formulée, dans les derniers paragraphes d'une lettre de six pages rédigée en " termes particulièrement sarcastiques " : " Dans le registre des bonnes nouvelles, vous avez peur en hauteur, soit, en accord avec le médecin du travail, nous allons inverser les postes, vous travaillerez désormais au sol et moi ou le monteur en haut " ; que l'employeur qui propose ainsi à un salarié de 20 ans, totalement inexpérimenté, non formé, " d'inverser les postes ", c'est à dire de lui confier son propre poste ou celui occupé par un monteur qualifié tandis que luimême occuperait un poste d'aide monteur, ne saurait prétendre avoir formulé une offre loyale et concrète de reclassement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1226-2 du Code du travail ;
2°) ALORS en outre QUE l'offre de reclassement doit porter sur un poste adapté aux capacités du salarié ; que la Cour d'appel a constaté que le chef d'entreprise assurait " … à la fois des tâches techniques, administratives et de direction … " ; qu'en jugeant que constituait une proposition loyale de reclassement l'offre faite à Monsieur Y... par l'employeur d'échanger leurs postes de travail sans plus de précision sur la nature des tâches " au sol " qu'il se proposait ainsi de lui confier et son aptitude à les accomplir, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
3°) ALORS QU'en ne recherchant pas si le poste ainsi offert était approprié aux capacités techniques et professionnelles du salarié, la Cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
4°) ALORS encore QUE le courrier du 23 octobre 2008 égrenait, sur six pages, des accusations d'incompétence (p. 2 alinéa 1er, p. 4 dernier alinéa), de gaspillage (" … vous nous faîtes perdre de l'argent et énormément de temps … " : p. 3 alinéa 3), mais également de " fautes de type sabotage, vol, volonté de nuire ou nuisant volontairement au bon fonctionnement de l'entreprise " (p. 3 alinéa 3), fautes professionnelles graves (p. 4 alinéa 4, p. 5 dernier alinéa), mise en danger de ses collègues (p. 5 dernier alinéa …), proférées par un employeur à l'encontre de Monsieur Y..., déjà " averti pour fautes graves " le 16 octobre précédent ; que l'employeur y énonçait notamment (p. 2 dernier paragraphe) : " … je suis en bas et vous en haut car c'est le principe même du montage. Il n'y a aucun risque pour que je vous laisse seul car vous ne savez pas faire tout seul. De plus, ces derniers temps principalement, je vous ai toujours laissé le grutier avec vous alors qu'effectivement vous devriez faire le travail seul et il devrait m'aider à manipuler et assembler les éléments au sol, très difficile et dangereux tout seul (…) " ; qu'en jugeant que constituait une " offre sérieuse et loyale de reclassement " l'offre d'occuper un tel poste adressée à un salarié dénoncé dans le même courrier comme " jeune sans diplôme et sans expérience " (p. 2 dernier alinéa in fine), la Cour d'appel a violé l'article L. 1226-2 du Code du travail ;
5°) ET ALORS en toute hypothèse QUE le refus, par le salarié, du poste de reclassement proposé ne suffit pas à justifier son licenciement dès lors qu'existent dans l'entreprise d'autres possibilité de reclassement ; qu'en l'espèce, Monsieur Y... s'était prévalu dans ses conclusions d'un courrier du médecin du travail adressé à l'employeur le 28 juillet 2009, qu'il produisait aux débats, dont il ressortait que l'employeur, dans le cadre de ses recherches de reclassement, avait envisagé deux possibilités, soit " un poste strictement au sol correspondait parfaitement aux préconisations de la fiche du 17/ 10/ 08 " ou " un poste (selon les termes de votre premier courrier) " au maximum de hauteur, les bras levés 4 m 50, hauteur d'un semi-remorque chargé " c'est à dire pieds à environ 2, 5 mètres " qui, précisait le médecin du travail, " aurait nécessité que je revoie le salarié pour évaluer l'aptitude à un tel poste ", ajoutant " Je vous ai mentionné le 29/ 06/ 09 que ce poste aurait probablement été compatible mais je ne peux en dire plus, n'ayant jamais revu le salarié pour ce type de poste (…) " ; qu'il ressortait de ce courrier que Monsieur Y... était certainement apte à " un poste strictement au sol " et " probablement apte " à un poste à mi-hauteur, sous réserve d'une nouvelle appréciation par le médecin du travail ; que cependant l'unique proposition qui lui avait été faite, par lettre du 23 octobre 2008, avait consisté à échanger son poste de travail avec celui de son employeur pour, si l'on en croit la Cour d'appel, " rester exclusivement au sol pendant toute l'opération " (arrêt p. 10 dernier alinéa, p. 11 alinéa 1er) ; que son refus de ce premier poste de reclassement ne dispensait pas l'employeur de lui proposer le second, après avoir fait vérifier son aptitude par le médecin du travail ; qu'en considérant pour sa part que " l'employeur ne pouvait proposer d'autre solution de reclassement dans le cadre de mutation, transformation de postes de travail, ou aménagement du temps de travail " sans répondre aux écritures pertinentes du salarié appuyées sur cet élément de preuve déterminant, faisant valoir qu'existait dans l'entreprise un autre poste de reclassement que l'employeur avait expressément envisagé et soumis à l'appréciation du médecin du travail, et dont le praticien avait considéré, sous réserve d'un examen plus approfondi, qu'il lui aurait " probablement convenu ", la Cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du Code de procédure civile.