LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 juin 2011) rendu sur renvoi après cassation (Soc. 6 janvier 2010, pourvoi n° 08-44. 117), que Mme X... a été engagée le 22 mars 1996 en qualité d'artiste dramatique intermittent du spectacle par la Comédie Française, établissement public national à caractère industriel et commercial ; que, par contrat à durée indéterminée du 1er février 1997, elle a acquis le statut de pensionnaire ; qu'après un entretien préalable le 23 décembre 2003, elle a été licenciée par lettre recommandée le 26 décembre 2003 en raison du jugement artistique porté sur elle par ses pairs ; que son préavis de six mois s'est achevé, le 28 juin 2004 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à voir condamner la Comédie Française à lui verser divers rappels de rémunération, des compléments d'indemnité de licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts pour exploitation non autorisée de ses interprétations et de son image ; que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 juin 2008 qui a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la Comédie française à payer à Mme X... une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une somme à titre de dommages et intérêts pour exploitation non autorisée de ses enregistrements radiophoniques a été cassé, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement discriminatoire et pour exploitation non autorisée de ses interprétations dans le cadre des films le Legs et Georges Dandin ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt, en confirmant le jugement entrepris si ce n'est en ce qu'il l'a déboutée de sa demande indemnitaire au titre de l'exploitation sans autorisation de ses prestations artistiques, de rejeter les demandes de dommages et intérêts de la comédienne pour licenciement discriminatoire alors, selon le moyen, que lorsqu'un salarié, qui prétend être victime d'une mesure discriminatoire, justifie d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, il incombe à l'employeur qui conteste le caractère discriminatoire de sa décision, d'établir que celle-ci est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la cour d'appel ayant, en l'espèce, constaté que Mme X... justifiait de plusieurs éléments de fait laissant " supposer qu'elle a été victime de discrimination en raison de sa situation de famille ", il revenait à la Comédie française d'établir que le licenciement de la comédienne était justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que les juges du fond se sont néanmoins bornés à relever, pour débouter Mme X... de sa demande, que la Comédie française justifierait que les faits établis par la comédienne, dont elle avait elle-même constaté qu'ils laissaient supposer l'existence d'une discrimination, " s'expliquent par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination " ; qu'en statuant ainsi par un motif inopérant, sans rechercher si la Comédie française démontrait que sa décision de licencier Mme X..., et non les éléments produits par cette dernière, était fondée sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1134-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les éléments de fait présentés par la salariée pouvant laisser supposer que le caractère discriminatoire de son licenciement étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel qui en a déduit que par là-même le licenciement n'était pas discriminatoire a légalement justifié sa décision ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la Comédie française fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme X... pour toute la période courant jusqu'à son arrêt, à titre de dommages-intérêts, pour les communications au public non autorisées de ses prestations, la somme de 3 600 euros pour le film " George Dandin " et la somme de 3 000 euros pour l'oeuvre " Le Legs ", alors, selon le moyen :
1°/ que le producteur d'une oeuvre audiovisuelle s'entend de celui qui prend l'initiative et la responsabilité de la réalisation de l'oeuvre que cette qualité doit en conséquence être reconnue au coproducteur qui a pris l'initiative de la réalisation de l'oeuvre audiovisuelle, y investit des moyens humains, conserve le contrôle et la direction de l'oeuvre, en assume la promotion, participe au financement de la production et, plus largement, au risque de la création de l'oeuvre ; qu'en l'espèce, il résultait des contrats passés par la Comédie française pour la réalisation des films " George Dandin " et " le Legs " que l'exposante avait pris l'initiative de la réalisation de ces oeuvres, qu'elle assumait par ailleurs un rôle de direction sur leur conception et leur réalisation, qu'elle exerçait un contrôle permanent sur leur réalisation, participait à leur promotion et au risque de création de ces oeuvres ; qu'il s'en évinçait que la Comédie française avait la qualité de producteur et bénéficiait, à ce titre, de la présomption de cession de droit d'exploitation ; qu'en affirmant pourtant, pour dénier à la Comédie française la qualité de producteur, qu'il résultait clairement des stipulations de chacun des contrats que la Comédie française n'était pas responsable de la conception, de la réalisation et de la commercialisation desdites oeuvres et qu'elle ne participait pas non plus aux risques de la production, la cour d'appel a violé l'article L. 132-23 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ qu'en se bornant, pour dénier à la Comédie française la qualité de producteur, à affirmer, sans autre précision et sans se référer à aucune stipulation contractuelle, qu'il résultait des stipulations de chacun des contrats que la Comédie française n'était pas responsable de la conception, de la réalisation et de la commercialisation desdites oeuvres et qu'elle ne participait pas non plus aux risques de la production, quand la Comédie française démontrait qu'il résultait à l'inverse des contrats litigieux qu'elle assumait concrètement les fonctions de producteur, notamment en ce qu'elle participait au financement du coût de la production, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-23 du code de la propriété intellectuelle ;
3°/ que la présomption de cession des droits d'exploitation n'est soumise à aucune autre exigence que celle d'un contrat entre un producteur et un auteur ; qu'en affirmant pourtant qu'à " supposer même que la présomption de cession de droit d'exploitation puisse bénéficier au producteur en l'absence de contrat fixant une rémunération distincte au titre de la cession des droits de l'artiste de celle rétribuant sa prestation artistique ", la cour d'appel a finalement imposé que ce contrat définisse également une rémunération spécifique correspondant à la cession du droit d'exploitation ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a ajouté à l'article L. 132-24 du code de la propriété intellectuelle une exigence qui n'y figure pas, et violé les dispositions de cet article ;
4°/ que l'écrit par lequel un artiste interprète autorise l'exploitation de ses interprétations n'est soumis à aucune condition de forme ; qu'il s'en évince que la preuve de l'autorisation donnée par l'artiste peut être rapportée par tous moyens, notamment par la signature, par l'artiste-salarié, d'un contrat de travail prévoyant sa participation à des oeuvres audiovisuelles ; qu'en l'espèce, l'exposante démontrait que l'accord de Mme X... à l'exploitation de ses interprétations résultait de son contrat de travail mais également de sa participation aux spectacles dont elle savait qu'ils seraient enregistrés et retransmis ; qu'en affirmant pourtant que Mme X... n'avait pas donné son accord et que la circonstance qu'elle avait été rémunérée au titre de l'exploitation ne suppléait pas à l'absence de contrat individuel acquis requis pour chacune des oeuvres, l'arrêt attaqué a de fait posé une exigence non visée par les articles L. 212-3 et L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle et, partant, violé les dispositions de ces articles ;
Mais attendu, d'abord, qu'ayant exactement rappelé que le producteur audiovisuel est celui qui a l'initiative et la responsabilité de l'oeuvre, la cour d'appel, qui a constaté par une appréciation souveraine de la volonté des parties résultant des contrats conclus par la Comédie française et sans être tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties que la Comédie française ne pouvait être regardée comme ayant la qualité de producteur des oeuvres en cause, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel n'a fait qu'appliquer les dispositions des articles L. 212-3 et L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle en constatant l'absence d'accord de l'artiste-interprète à l'exploitation de ses interprétations ;
D'où il suit, que le moyen, qui en sa troisième branche critique un motif surabondant, n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, en confirmant le jugement entrepris si ce n'est en ce qu'il a débouté Madame X... de sa demande indemnitaire au titre de l'exploitation sans autorisation de ses prestations artistiques, rejeté les demandes de dommages et intérêts de la comédienne pour licenciement discriminatoire ;
AUX MOTIFS QUE : « la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt du 19 avril 2008 en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement discriminatoire pour défaut de base légale pris en substance de ce que, pour décider que Mme X... n'apportait pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence de la discrimination alléguée, la cour d'appel n'avait pas tenu compte de la proximité entre la seconde grossesse de Mme X... et la décision de la licencier, qui découlait des données de fait, et de la lettre d'une sociétaire de la Comédie-Française, dont le contenu pouvait laisser supposer que la situation de famille de Mme X... avait motivé son licenciement ; Que si le salarié qui se prétend victime d'une discrimination présente des éléments de fait laissant supposer l'existence de celle-ci, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; Qu'en l'espèce, pour prétendre à l'infirmation du jugement, Mme X... fait valoir qu'elle justifie d'éléments de fait laissant supposer que sa situation de famille a motivé son licenciement et que la Comédie-Française n'est plus en mesure de justifier que son licenciement reposait sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, puisque la cour d'appel a définitivement jugé le 19 avril 2008 que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; Que cependant l'autorité de la chose jugée attachée aux dispositions non cassées de l'arrêt rendu le 19 avril 2008, dont celle qui a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme X..., ne prive pas la Comédie-Française du droit de défendre à la présente instance et, partant, dans l'hypothèse, où Mme X... justifierait de faits laissant présumer l'existence d'un licenciement discriminatoire pris de la situation de famille de Mme X..., de faire la démonstration que ces faits n'ont pas procédé d'un comportement discriminatoire de sa part ; Qu'au titre des éléments de faits laissant supposer qu'elle a été victime d'une mesure discriminatoire à raison de sa situation de famille, Mme X... invoque son absence d'avancement depuis sa première grossesse, l'extrême proximité entre son deuxième accouchement et son licenciement, les reproches verbaux des membres du comité d'administration dictés par la jalousie des membres féminins du comité d'administration, ainsi qu'une lettre de soutien de Mme Y... ; Que si la lettre que Mme Y..., sociétaire de la Comédie-Française, a adressée à Mme X... dès après l'annonce de son licenciement, qui contenait la phrase suivante « les enfants sont pour moi ce qu'il y a de plus beau au monde et tu as fait le bon, le meilleur choix » pouvait laisser supposer que le choix de Mme X... de fonder une famille et d'avoir des enfants avait motivé son licenciement, la Comédie-Française verse désormais au débat une attestation de Mme Y... aux termes de laquelle en substance celle-ci s'étonne que sa lettre de soutien à une camarade avec laquelle elle avait partagé une aventure théâtrale ait été utilisée à des fins accusatoires contre la Comédie-Française, indique qu'elle a été engagée par la Comédie-Française alors qu'elle était mère de quatre enfants en bas âge, qu'elle est « persuadée que si d'autres critères artistiques avaient été pris en considération », elle aurait été renvoyée avant Claudie X..., et ajoute : « … il est prétendu que je laisse sous-entendre que le choix de vie de Claudie X... était la cause de son licenciement. Je réfute cette assertion » ; Que Mme X... soutient certes que Mme Y... ne remet pas en cause le contenu de sa lettre du 18 décembre 2003 aux termes de laquelle elle indiquait aussi : « je vois que tout est toujours très subjectif dans cette drôle de maison » mais en éclaire le sens, à savoir un « témoignage d'amitié et une tentative de réconforter une camarade qui vient de subir un licenciement en valorisant son rôle maternel ; Qu'ensuite, il est constant qu'engagée le 1er février 1997, Mme X... a bénéficié de trois promotions, toutes les trois antérieures à l'année où elle a été pour la première fois enceinte, et qu'elle n'a plus alors été promue jusqu'en décembre 2003, date à laquelle, dans les semaines qui ont suivi sa reprise d'activité après son second congé de maternité, elle a été licenciée ; Que Mme X... justifie ainsi de faits pouvant laisser supposer que sa situation de famille a été à l'origine de son licenciement ; Que cependant, la Comédie-Française justifie que le comité d'administration appelé à statuer sur toutes les questions relatives à la troupe, dont notamment la poursuite ou la cessation du contrat de travail des pensionnaires, se réunit tous les ans pendant la première quinzaine du mois de décembre, de sorte ainsi que la proximité de date entre le retour de congé de maternité de Mme X... et la décision de la licencier est la conséquence mécanique de ce que le congé de maternité a pris fin au mois de novembre, quelques semaines avant la date de réunion annuelle du comité d'administration ; Que s'agissant de ce que Mme X... n'a plus bénéficié de promotion à compter de l'année 2002 où elle était enceinte de son premier enfant, la Comédie-Française justifie que Mme X... n'a pas non plus bénéficié de promotion au titre de l'année 2000 où elle n'était pas enceinte, que les trois promotions dont elle a bénéficié concernaient l'ensemble des échelons de la grille précédant la catégorie hors échelle et, exemples à l'appui, qu'il n'est pas exceptionnel de rester positionné plusieurs années en catégorie E4 ; Que Mme X... affirme mais ne justifie pas de reproches formulés par des membres du comité d'administration, qui, mûs selon elle par des sentiments de jalousie, lui auraient verbalement reproché de privilégier sa vie de famille sur son métier de comédienne, puisqu'elle n'est pas en mesure d'en établir l'effectivité et que la Comédie-Française nie avec force la réalité de tels reproches ; Que du tout, il résulte que la Comédie-Française justifie que les faits établis par Mme X... et susceptibles de laisser supposer qu'elle a été victime de discrimination en raison de sa situation de famille s'expliquent par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; Qu'il s'ensuit que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement discriminatoire ; Que les demandes indemnitaires nouvelles présentées par Mme X..., pour préjudice professionnel et pour préjudice moral résultant des faits de discrimination seront par suite également rejetées » ;
ALORS QUE lorsqu'un salarié, qui prétend être victime d'une mesure discriminatoire, justifie d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, il incombe à l'employeur qui conteste le caractère discriminatoire de sa décision, d'établir que celle-ci est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; Que la Cour d'appel ayant, en l'espèce, constaté que Madame X... justifiait de plusieurs éléments de fait laissant « supposer qu'elle a été victime de discrimination en raison de sa situation de famille » (arrêt, p. 5, § 2, et également, p. 4, § 4 et § 5), il revenait à la COMEDIE FRANCAISE d'établir que le licenciement de la comédienne était justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; Que les juges du fond se sont néanmoins bornés à relever, pour débouter Madame X... de sa demande, que la COMEDIE FRANCAISE justifierait que les faits établis par la comédienne, dont elle avait elle-même constaté qu'ils laissaient supposer l'existence d'une discrimination, « s'expliquent par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination » (arrêt, p. 5, § 2) ; Qu'en statuant ainsi par un motif inopérant, sans rechercher si la COMEDIE FRANCAISE démontrait que sa décision de licencier Madame X..., et non les éléments produits par cette dernière, était fondée sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1134-1 du Code du travail.
Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société La Comédie Française.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la COMÉDIE FRANÇAISE à payer à Mme X... pour toute la période courant jusqu'à son arrêt, à titre de dommages-intérêts, pour les communications au public non autorisées de ses prestations la somme de 3. 600 euros pour le film « George Dandin » et la somme de euros pour l'oeuvre « Le Legs ».
AUX MOTIFS QUE saisie par Mme X... d'une demande de dommages-intérêts pour l'exploitation non autorisée de ses interprétations dans le cadre des deux films précités et d'une demande d'interdiction d'exploiter ses interprétations, la Cour d'appel a jugé irrecevable la demande d'interdiction et rejeté la demande de dommages-intérêts aux motifs en substance que le contenu des contrats passés par la Comédie Française pour la création des oeuvres « Le Legs » et « George Dandin » mettait en évidence sa qualité de « coproducteur » à leur réalisation et que Mme X... ne pouvait invoquer le bénéfice de la présomption de cession des droits d'interprétation prévue par l'article L. 212-4 du Code de la propriété intellectuelle ; que la cour de cassation a cassé et annulé cette décision au motif qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel avait méconnu les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile en ne répondant pas à Mme X... qui faisait valoir qu'en ratifiant les contrats de production en question, la Comédie Française s'était engagée à appliquer aux artistes interprètes les dispositions de la convention collective des artistes engagés pour des émissions de télévision, dont l'article 3-2 imposait à l'employeur qui entendait exploiter l'interprétation d'un artiste de lui faire signer un contrat spécifique à chaque oeuvre, devant comprendre un certain nombre de mentions obligatoires, notamment en matière de rémunérations, et qu'en l'espèce, aucun contrat de ce type n'avait été signé avec la comédienne, ce qui rendait illicite l'exploitation des interprétations de celle-ci ; qu'il est constant, et au demeurant non discuté, que Mme X... a prêté son concours à la réalisation de deux oeuvres « Le Legs » et « George Dandin » en qualité d'artiste interprète au sens des articles L. 7121-2 du Code du travail et L. 212-1 du Code de la propriété intellectuelle ; qu'en apportant sa contribution à ces deux réalisations, Mme X... s'est conformée à la disposition de l'article 5 de son contrat de travail selon laquelle elle s'engageait expressément à « participer, lorsqu'elle en sera requise, à la réalisation des films, émissions de radio ou de télévision, enregistrement de disques, auxquels la Comédie Française apporte officiellement son concours. Les accords collectifs ou les règlements intérieurs fixent les conditions de sa participation et ses droits à rémunération à ce titre » ; que la participation à un enregistrement ne vaut toutefois pas acceptation de ses conditions d'exploitation et aucun écrit ne consacre l'autorisation de Mme X... d'exploiter ses interprétations des oeuvres « Le Legs » et George Dandin » ; que la Comédie Française prétend cependant bénéficier de la présomption de cession des droits de Mme X... résultant du régime dérogatoire propre aux producteurs audiovisuels dont elle soutient que la qualité doit lui être reconnue s'agissant de la réalisation des oeuvres objet du litige, aux motifs en substance qu'elle y est désignée comme coproductrice et qu'elle a participé au financement du coût de la production sous forme d'apport en industrie ; mais, à supposer même que la présomption de cession de droit d'exploitation puisse bénéficier au producteur en l'absence de contrat fixant une rémunération distincte au titre de la cession des droits de l'artiste de celle rétribuant sa prestation artistique, que l'article L. 215-1 du Code de la propriété intellectuelle définit le producteur audiovisuel comme celui qui a l'initiative et la responsabilité de la fixation d'une séquence d'images, sonorisées ou non, et l'analyse des contrats passés par la Comédie Française, le 2 juin 1997 avec les sociétés Euripide productions et Néria productions pour la réalisation de l'oeuvre de récréation « Le Legs » établit que, contrairement à ce qu'elle affirme, la Comédie Française ne peut se prévaloir de la qualité de producteur audiovisuel ; que la seule désignation de la Comédie Française par ses cocontractants comme coproducteur est en effet inopérante et il résulte clairement des stipulations de chacun des contrats que la Comédie Française n'était pas responsable de la conception, de la réalisation et de la commercialisation desdites oeuvres, et qu'elle ne participait pas non plus aux risques de la production ; qu'il s'ensuit que la Comédie Française ne peut invoquer utilement l'application du régime dérogatoire propre aux producteurs audiovisuels ; que pour prétendre échapper aux conséquences de l'application de la règle qui se déduit de ce qui est ci-avant jugé et selon laquelle chaque cession et chaque mode d'exploitation cédé doit faire l'objet d'une cession écrite spécifique, la Comédie Française fait subsidiairement valoir que l'autorisation écrite de l'artiste interprète édictée par l'article L. 212-3 du Code de la propriété intellectuelle est requise à titre probatoire et qu'en l'espèce la preuve de ce qu'elle bénéficiait de l'autorisation d'exploiter résulte d'une part des dispositions statutaires, conventionnelles et contractuelles, d'autre part de la participation en toute connaissance de cause auxdits spectacles de Mme X... qui a ainsi autorisé ces fixations ainsi que leur communication au public et ne peut donc prétendre ainsi avoir subi un préjudice ; mais que, par sa participation active aux deux spectacles ayant fait l'objet d'un enregistrement audiovisuel, Mme X... a fourni la prestation artistique à laquelle elle s'était engagée aux termes de son contrat de travail mais n'a pas donné son accord aux conditions dans lesquelles les enregistrements de ses interprétations à l'occasion de ces deux récréations seraient ensuite exploitées ; que la circonstance que Mme X... a été rémunérée au titre de l'exploitation de ses interprétations conformément à l'annexe des artistes pensionnaires et des barèmes conventionnels de la convention collective des artistes interprètes engagés pour des émissions de télévision auxquels le contrat de coproduction faisaient référence ne supplée pas à l'absence de contrat individuel écrit requis pour chacune des oeuvres ; qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme X... n'a pas cédé ses droits relatifs à la reproduction et à la communication au public des deux oeuvres audiovisuelles à la réalisation desquelles elle a participé dans les conditions de l'article L. 212-3 du Code de la propriété intellectuelle et qu'elle demande partant légitimement l'indemnisation des actes de contrefaçon qu'elle a subis.
ALORS QUE le producteur d'une oeuvre audiovisuelle s'entend de celui qui prend l'initiative et la responsabilité de la réalisation de l'oeuvre ; que cette qualité doit en conséquence être reconnue au coproducteur qui a pris l'initiative de la réalisation de l'oeuvre audiovisuelle, y investit des moyens humains, conserve le contrôle et la direction de l'oeuvre, en assume la promotion, participe au financement de la production et, plus largement, au risque de la création de l'oeuvre ; qu'en l'espèce, il résultait des contrats passés par la COMÉDIE FRANÇAISE pour la réalisation des films « George Dandin » et « le Legs » que l'exposante avait pris l'initiative de la réalisation de ces oeuvres, qu'elle assumait par ailleurs un rôle de direction sur leur conception et leur réalisation, qu'elle exerçait un contrôle permanent sur leur réalisation, participait à leur promotion et au risque de création de ces oeuvres ; qu'il s'en évinçait que la COMÉDIE FRANÇAISE avait la qualité de producteur et bénéficiait, à ce titre, de la présomption de cession de droit d'exploitation ; qu'en affirmant pourtant, pour dénier à la COMÉDIE FRANÇAISE la qualité de producteur, qu'il résultait clairement des stipulations de chacun des contrats que la COMÉDIE FRANÇAISE n'était pas responsable de la conception, de la réalisation et de la commercialisation desdites oeuvres et qu'elle ne participait pas non plus aux risques de la production, la Cour d'appel a violé l'article L. 132-23 du Code de la propriété intellectuelle.
ALORS QU'en se bornant, pour dénier à la COMÉDIE FRANÇAISE la qualité de producteur, à affirmer, sans autre précision et sans se référer à aucune stipulation contractuelle, qu'il résultait des stipulations de chacun des contrats que la COMÉDIE FRANÇAISE n'était pas responsable de la conception, de la réalisation et de la commercialisation desdites oeuvres et qu'elle ne participait pas non plus aux risques de la production, quand la COMÉDIE FRANÇAISE démontrait qu'il résultait à l'inverse des contrats litigieux qu'elle assumait concrètement les fonctions de producteur, notamment en ce qu'elle participait au financement du coût de la production, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-23 du Code de la propriété intellectuelle.
ALORS QUE la présomption de cession des droits d'exploitation n'est soumise à aucune autre exigence que celle d'un contrat entre un producteur et un auteur ; qu'en affirmant pourtant qu'à « supposer même que la présomption de cession de droit d'exploitation puisse bénéficier au producteur en l'absence de contrat fixant une rémunération distincte au titre de la cession des droits de l'artiste de celle rétribuant sa prestation artistique », la Cour d'appel a finalement imposé que ce contrat définisse également une rémunération spécifique correspondant à la cession du droit d'exploitation ; qu'en statuant de la sorte, la Cour d'appel a ajouté à l'article L. 132-24 du Code de la propriété intellectuelle une exigence qui n'y figure pas, et violé les dispositions de cet article.
ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE l'écrit par lequel un artiste interprète autorise l'exploitation de ses interprétations n'est soumis à aucune condition de forme ; qu'il s'en évince que la preuve de l'autorisation donnée par l'artiste peut être rapportée par tous moyens, notamment par la signature, par l'artiste-salarié, d'un contrat de travail prévoyant sa participation à des oeuvres audiovisuelles ; qu'en l'espèce, l'exposante démontrait que l'accord de Mme X... à l'exploitation de ses interprétations résultait de son contrat de travail mais également de sa participation aux spectacles dont elle savait qu'ils seraient enregistrés et retransmis ; qu'en affirmant pourtant que Mme X... n'avait pas donné son accord et que la circonstance qu'elle avait été rémunérée au titre de l'exploitation ne suppléait pas à l'absence de contrat individuel acquis requis pour chacune des oeuvres, l'arrêt attaqué a de fait posé une exigence non visée par les articles L. 212-3 et L. 212-4 du Code de la propriété intellectuelle et, partant, violé les dispositions de ces articles.