LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., alors salarié de la société Ateliers AS (l'employeur), a déclaré le 10 juillet 2008 à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la caisse) un accident de travail survenu le 3 octobre 2007 ; que celle-ci ayant refusé de prendre en charge cet accident au titre de la législation professionnelle, il a saisi une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour accueillir sa demande, l'arrêt retient que la matérialité du fait accidentel invoqué par M. X... est établie par le « bon de sortie », portant la mention « malade » qui lui a été délivré par un responsable de l'employeur le 3 octobre 2007, par le certificat du docteur Y... du 17 juin 2008, faisant état du mal-être ressenti le 3 octobre 2007 par M. X... auquel il avait, le 5 octobre 2007, prescrit un traitement qui ne l'avait pas soulagé puis qu'il avait adressé à l'hôpital à l'issue d'un nouvel examen du 12 octobre 2008, par le certificat du docteur Y... du 17 juillet 2008 indiquant avoir examiné M. X... le 3 octobre 2007 ainsi que par le certificat du docteur Z..., pneumologue, du 29 avril 2008, rapportant que M. X... avait présenté, sur son lieu de travail, une gêne respiratoire importante qui avait abouti à son hospitalisation ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser un fait accidentel au sens de la disposition susvisée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Ateliers AS ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé et prononcé par M. Héderer, conseiller le plus ancien non empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du onze octobre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Ateliers AS
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que Monsieur X... a été victime le 3 octobre 2007 d'un accident du travail devant être pris en charge au titre de la législation professionnelle ;
AUX MOTIFS QUE « les éléments suivants permettent de retenir la matérialité du fait accidentel invoqué par Monsieur X... :- le « bon de sortie », mentionnant comme motif : « malade », délivré par un responsable de la société appelante à Monsieur
X...
, le 3 octobre 2007,- le certificat médical du Docteur Y... en date du 17 juin 2008 faisant état des éléments suivants : (Monsieur X...) a senti un mal être le 3 octobre 2007. Le médecin l'a examiné le 5 octobre 2007, lui a prescrit un traitement qui ne l'a pas soulagé, l'a revu le 12 octobre 2008 pour le même problème et l'a adressé à l'hôpital de BOURGOIN JALLIEU,- le certificat du Docteur Y... du 17 juillet 2008 indiquant avoir examiné Monsieur X... le 3 octobre 2007,- le certificat du Docteur Z..., pneumologue, du 29 avril 2008, rapportant que Monsieur X... a présenté, le 2 octobre 2007 (en réalité le 3 octobre 2007) sur son lieu de travail une gêne respiratoire importante qui a abouti à une insuffisance respiratoire aiguë avec hospitalisation en réanimation, avec hypoxie majeure en rapport avec une pneumopathie aiguë aésinophile. Le fait accidentel invoqué par Monsieur X... est bien survenu au temps et sur les lieux du travail. Dans ces conditions, Monsieur X... bénéficie de la présomption d'imputabilité. Il importe peu que la déclaration d'accident du travail ait été faite tardivement. Ce n'est que dans l'hypothèse où le fait accidentel survient hors temps et lieu de travail que la présomption d'imputabilité ne produit pas effet. Dans cette situation, l'assuré est dans l'obligation de prouver que son travail est à l'origine de l'accident. Ni la Caisse, ni la société appelante n'établissement que la lésion présentée par Monsieur X... procède d'une cause totalement étrangère au travail. Le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions » ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « il y a lieu de statuer par jugement contradictoire en application des articles R. 142-17 du Code de la Sécurité Sociale et 469 du Code de Procédure Civile. La recevabilité du recours n'est pas contestée. En droit la notion d'accident du travail implique d'une part un fait accidentel, caractérisé par une action soudaine, génératrice d'une lésion, d'autre part son origine professionnelle. La présomption de l'imputabilité de la lésion au travail, posée par l'article L. 411-1 du Code de la Sécurité Sociale, ne dispense pas celui qui s'en prévaut d'établir au préalable la preuve de la matérialité de l'accident du travail, cette preuve ne pouvant résulter de ses seules affirmations non corroborées par des éléments objectifs ou par des présomptions graves, précises et concordantes. S'agissant d'une présomption simple, elle peut être détruite par la preuve d'une cause totalement étrangère au travail, qui incombe en l'espèce à la Caisse et à l'employeur. Enfin, si l'apparition aux temps et lieu du travail d'une lésion constitue en principe un accident présumé imputable au travail, cette présomption peut être écartée lorsque la déclaration et la constatation de la lésion invoquée interviennent tardivement. En J'espèce Monsieur X... a indiqué dans sa lettre de recours qu'il a commencé à se sentir mal vers la fin de sa journée de travail du 2 octobre 2007, et que son état a ensuite empiré, ce qui l'a amené à se rendre à l'infirmerie le 3 octobre à 14h40 et à quitter l'entreprise pour se rendre chez son médecin traitant. Aux termes de ses déclarations recueillies lors de l'enquête administrative diligentée par la CPAM, il a précisé qu'il s'est rendu le jour-même chez son médecin, le Dr Y..., et y est retourné le 5 octobre, car il n'allait pas mieux ; que le 12 octobre, son état ne s'étant pas amélioré malgré le changement de traitement, il lui a été prescrit une prise de sang et il a été hospitalisé au vu des résultats, à Bourgoin-Jallieu puis à Lyon où il a passé un mois en réanimation avec un traitement corticoïde ; que quand il est sorti de réanimation, un poumon a « lâché » et qu'il a dû subir une intervention. Il est constant que la déclaration d'accident du travail a été établie par Monsieur X... lui-même, et non par l'employeur, le 10 juillet 2008, soit neuf mois après les faits invoqués. Cette déclaration fait état de « sorte de malaise : la tête tournant, difficultés à respirer, visage rouge ». Mais il produit le bon de sortie établi le 3 octobre 2007 par son employeur, indiquant comme motif de sortie « malade ». Le certificat médical initial a été quant à lui établi le 17 juin 2008 par le Dr SAID Y..., soit huit mois après la lésion invoquée. Il fait état de « Dyspnée aiguë, douleur thoracique, pneumothorax ». Mais ce médecin a établi le 17 juillet 2008 un certificat médical indiquant qu'il avait examiné Monsieur X... le 3 octobre 2007. Enfin le Dr Z..., pneumologue, indique dans son courrier du 29 avril 2008 versé aux débats, que Monsieur X... a présenté le 2 octobre 2007 « sur son lieu de travail une gêne respiratoire importante qui a abouti à une insuffisance respiratoire aiguë avec hospitalisation en réanimation (…) ». Il est ainsi établi par ces éléments du dossier que Monsieur X... a ressenti les premiers symptômes de la lésion au temps et au lieu de travail ; que le 3 octobre 2007 à 14h40 il s'est rendu à l'infirmerie et a obtenu un bon de sortie du fait de son état de santé ; qu'il a consulté le médecin le jour-même, et a fait l'objet d'un suivi médical ayant abouti à une hospitalisation une dizaine de jours plus tard. Monsieur X... rapporte donc la preuve que son employeur a eu connaissance le 3 octobre 2007 d'une lésion ayant interrompu sa journée de travail, et que la lésion a été constatée médicalement dans un temps voisin. Dès lors la présomption de l'imputabilité de la lésion au travail, posée par l'article L. 411-1 du Code de la Sécurité Sociale, doit s'appliquer, même si les formalités de déclaration d'accident du travail et d'établissement d'un certificat médical initial ont été effectuées plusieurs mois après. S'agissant d'une présomption simple, elle pourrait être détruite par la preuve d'une cause totalement étrangère au w, cette preuve incombant à la Caisse et à l'employeur. Or cette preuve n'est pas rapportée : en effet, Monsieur X... a indiqué, aux termes de ses déclarations recueillies lors de l'enquête administrative diligentée par la CPAM, que les spécialistes du service de Pathologie de Lyon n'ont pas pu déterminer si sa pneumopathie était liée aux solvants utilisés dans son travail ou pas ; et le Dr Z..., spécialiste en pneumologie, indique dans son courrier précité du 29 avril 2008 qu'il ne faut pas que Monsieur X... « soit exposé à son ancien poste où a eu lieu son accident du travail bien qu'on ne parvienne pas jusque là à identifier la cause de son insuffisance respiratoire aiguë ». En conséquence Monsieur X... est fondé en sa demande de prise en charge d'un accident du travail à la date du 3 octobre 2007. Le présent jugement doit être déclaré opposable à la Société ATELIER AS, régulièrement mise en cause » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'accident du travail est un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle ; qu'il appartient au salarié qui prétend avoir été victime d'un accident du travail d'établir, autrement que par ses propres affirmations, les circonstances exactes et son caractère professionnel ; qu'en l'absence de témoin oculaire, la preuve de la matérialité de l'accident ne peut être rapportée que par des présomptions graves, précises et concordantes ; qu'il en résulte que la présomption d'imputabilité ne peut être mise en oeuvre qu'à condition que soient démontrées, d'une part, l'existence d'un événement soudain survenu au temps et lieu de travail et, d'autre part, la constatation médicale d'une lésion dans un temps proche de la fin du travail ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de la Cour d'appel, d'une part, que le bon de sortie établi par l'employeur le 3 octobre 2007 se limitait au motif « malade » sans faire état du moindre élément soudain survenu aux temps et lieu de travail et, d'autre part, que les certificats établis par le médecin traitant plusieurs mois après les faits, en juin et juillet 2008, ne faisaient état d'aucune lésion médicalement constatée lors de l'examen de Monsieur X... les 3 ou 5 octobre 2007 ; qu'en estimant néanmoins que « le fait accidentel invoqué par Monsieur X... est bien survenu au temps et sur le lieu de travail » de sorte que « Monsieur X... bénéficie de la présomption d'imputabilité », la Cour d'appel qui n'a constaté ni l'existence d'un événement soudain survenu aux temps et lieu de travail le 3 octobre 2007, ni la constatation médicale d'une lésion dans un temps proche de la cessation du travail ce jour-là, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la présomption d'imputabilité ne peut être mise en oeuvre qu'à condition que l'existence d'une lésion soit démontrée par un document médical établi à la date de l'accident ou à proximité de cette date ; que l'existence d'une lésion ne peut être établie de manière rétroactive par de simples affirmations du médecin traitant de l'assuré, faites plusieurs mois après le prétendu accident sans indiquer le moindre élément médical permettant de les corroborer ; qu'en se fondant sur les certificats médicaux du médecin traitant de Monsieur X... pour estimer que ce dernier devait bénéficier de la présomption d'imputabilité, cependant qu'elle avait constaté que ces certificats avaient été établis les 17 juin et 17 juillet 2008, soit plusieurs mois après la date prétendue de l'accident, la Cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'il résultait du courrier de saisine du TASS de Monsieur X..., qui était produit aux débats par la CPAM et la société ATELIERS AS, qu'il avait commencé à se sentir mal le mardi 2 octobre en fin de journée et qu'il avait alors « passé une très mauvaise nuit en raison d'une montée de fièvre subite » ; qu'en énonçant que « le fait accidentel invoqué par Monsieur X... est bien survenu au temps et sur le lieu de travail », sans tenir compte de ce document déterminant dont il résultait que l'état de Monsieur X... avait commencé à se dégrader antérieurement à sa venue dans l'entreprise le 3 octobre 2007 et qu'il n'avait donc pas été victime d'une lésion survenue soudainement aux temps et lieux de travail, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QUE les premiers juges ont constaté que Monsieur X... indiquait dans sa lettre de recours qu'il avait commencé à se sentir mal le 2 octobre 2007 et que son état avait ainsi empiré (Jugement p. 3 dernier alinéa) ; qu'il en résultait qu'aucune lésion n'était apparue de manière soudaine aux temps et lieu de travail ; qu'en énonçant que Monsieur X... aurait été victime d'un accident aux temps et lieu de travail le 3 octobre 2007, les premiers juges n'ont pas tiré les conséquence qui s'évinçaient de leurs propres constatations, en violation de l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale.