LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1645 du code civil, ensemble l'article 1250 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Scania a commandé à la société Actia, devenue Actia automotive, la fabrication de dévolteurs ; que la société Alcyon, sa filiale, qu'elle a absorbée, procédait à l'assemblage des composants des dévolteurs fournis par la société Sifelmet ; qu'à la suite de dysfonctionnements constatés, la société Scania a obtenu la réparation de son dommage dans le cadre d'un protocole d'accord conclu avec les sociétés Actia automotive, Alcyon et leur assureur, la société Allianz iard, lesquels ont assigné la société Sifelmet et les sociétés Swiss life assurance de biens et Swiss life suisse accidents, ses assureurs, en indemnisation de leurs préjudices ; que la société Sifelmet ayant été mise en redressement judiciaire, MM. X... et Y..., ses administrateur et mandataire judiciaires, ont été mis en cause ;
Attendu que pour limiter à la somme de 80 000 euros le montant des dommages-intérêts dus à la société Actia automotive, l'arrêt retient que la demande de cette dernière au titre de l'indemnisation du préjudice subi par la société Scania, mise à sa charge par l'accord transactionnel, ne peut relever que d'un recours subrogatoire, qu'il déclare irrecevable ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la société Actia automotive, dont l'action était également fondée sur la garantie des vices cachés, faisait valoir que son préjudice personnel comprenait d'un côté la somme versée au titre du recours exercé par la société Scania et de l'autre le dommage résultant de la dégradation de son image et des frais exposés lors du règlement du litige, ce dont il résultait qu'elle était fondée à réclamer l'indemnisation de son préjudice personnel, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le premier des textes susvisés et le second, par fausse application ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 mars 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Sifelmet, M. X..., pris en qualité d'administrateur judiciaire de la société Sifelmet et M. Y..., pris en qualité de mandataire judiciaire de la société Sifelmet aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Actia Automotive.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, fixé au montant de 80. 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2002, le montant de la créance indemnitaire de la société ACTIA AUTOMOTIVE, en son nom personnel et aux droits de la société ALCYON, au passif de la société SIFELMET, au contradictoire de ses administrateur et mandataire judiciaire, Maître Guy Y... et Maître Christian X..., d'avoir en conséquence dit que la société SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS est tenue de garantir le préjudice subi personnellement par la société ACTIA AUTOMOTIVE, en son nom personnel et aux droits de la société ALCYON, à concurrence d'un montant de 72. 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2002 et condamné la société ACTIA AUTOMOTIVE, en son nom personnel et aux droits de la société ALCYON, à rembourser à la société SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS la somme de 468. 000 euros, soit 540. 000 euros après déduction de sa créance de 72. 000 euros, dont devront en outre être déduits les intérêts au taux légal sur la somme de 72. 000 euros à compter du 13 novembre 2002 ;
Aux motifs que « sur l'intérêt à agir des sociétés ACTIA/ ALCYON et ALLIANZ IARD sur le fondement de la subrogation : (…) qu'un protocole d'accord est intervenu le 30 avril 2002 entre la société SCANIA et les sociétés ACTIA, ALCYON et AGF ; que son article 3 « arrête transactionnellement, définitivement et pour solde de tout compte à la somme de 14. 800. 000 francs soit 2. 256. 245 € l'indemnité globale » à la charge de ses sociétés ACTIA, ALCYON et de leur assureur devant être payée « dans les 15 jours de la signature par la société AGF IART par virement bancaire d'un montant de 1. 648. 093 € et, par la société ACTIA pour son compte et celui de la société ALCYON par un avoir de 608. 152 € valable à compter de sa date d'émission sur les paiements des factures émises avant ou après cette date » ; que par l'article 4 de ce protocole d'accord, les signataires ont renoncé à toute instance ou action relative audit litige devant quelque juridiction que ce soit, la société SCANIA : pour et contre elle-même et ses filiales et moyennant les règlements énoncés à l'article 3 ; qu'aux termes de l'article 5 de ce protocole « SCANIA déclare, moyennant les paiements prévus à l'article 3 dans le délai énoncé, subroger expressément et à date de ces paiements, les sociétés ACTIA, ALCYON et AGF IART dans tous ses droits et actions contre tous responsables ; (…) que la société ACTIA justifie de l'émission de l'avoir à la date du 31 mai 2005 sic mais ne produit pas les factures sur lesquelles a été réalisée la déduction de cet avoir en constituant le paiement effectif ; qu'ainsi, malgré le protocole transactionnel, établissant la réalité d'une volonté expresse de subroger de la société SCANIA, les sociétés ACTIA, ALCYON et ALLIANZ IARD, anciennement AGF, ne justifient pas avoir procédé au paiement des indemnités dues à SCANIA et être ainsi subrogées conformément à ce protocole et aux dispositions de l'article 1250 du code civil qui conditionnent la subrogation conventionnelle du tiers subrogé à la réception du paiement fait par celui-ci au créancier, assurant la concomitance du paiement et de cette subrogation ainsi convenue ; que ce paiement ne peut s'induire de l'absence d'action diligentée par SCANIA ou des références de l'expert M. Claude Z... à ce protocole au cours de ses opérations d'expertise ; (…) que l'action de la société ACTIA/ ALCYON tendant à l'indemnisation du préjudice subi par la société SCANIA et mis à sa charge à hauteur de 608. 152 € par le protocole d'accord (…) ne peut s'inscrire que dans un recours subrogatoire dans les droits et actions de cette société ; (…) que, sur le fondement de l'article 31 du code de procédure civile, la société ACTIA/ ALCYON n'est pas recevable à agir par subrogation aux droits et actions de la société SCANIA ; (…) sur le préjudice : (…) que sur le fondement des articles 1644 et 1647 du Code civil, le vendeur n'est tenu qu'à la restitution du prix ainsi que le soutient la société SIFELMET qui s'en réfère à la nécessité de fixer le montant de l'indemnité par une expertise judiciaire ; qu'en l'état du rejet du recours subrogatoire la société SIFELMET et la société SWISS LIFE Assurances de Biens soutiennent avec pertinence que les éléments du chiffrage du préjudice de la société ACTIA/ ALCYON ne peuvent se confondre avec ceux du préjudice de la société SCANIA ; (…) qu'en indiquant que la société ACTIA connaissait la fragilité de la technique choisie pour l'en avoir informée, la société SIFELMET et la société SWISS LIFE Assurances de Biens indiquent ainsi qu'a fortiori la société SIFELMET connaissait le vice de ce circuit imprimé en sérigraphie ; que sur le fondement de l'article 1645 du code civil, outre le paiement du prix, la société ACTIA/ ALCYON est fondée à demander le paiement de tous les dommages et intérêts » (cf. arrêt pp. 7, 8 et 11) ;
Alors, d'une part, que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur ; que l'acheteur est ainsi en droit d'obtenir réparation des dommages de toute nature que lui a causé le vice caché ; que l'indemnité que, par l'émission d'un avoir, l'acheteur s'est engagé à verser à son propre cocontractant à raison du vice caché de la chose constitue un dommage certain et personnellement subi par lui, dont il est en droit de demander directement réparation à son vendeur ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que la société SIFELMET connaissait le vice des circuits imprimés en sérigraphie qu'elle avait vendus à la société ACTIA AUTOMOTIVE et que celle-ci était donc fondée à demander le paiement de tous les dommages et intérêts ; que la société ACTIA AUTOMOTIVE faisait valoir que le préjudice qu'elle avait personnellement subi à raison du vice affectant lesdits circuits imprimés incluait la somme de 608. 152 euros restée à sa charge, par l'émission d'un avoir, à la suite du protocole d'accord qu'elle avait dû conclure avec sa propre cliente, la société SCANIA, du fait de ce vice ; qu'en retenant que la société ACTIA AUTOMOTIVE demandait ainsi réparation d'un préjudice subi par la société SCANIA qui ne pourrait s'inscrire que dans le cadre d'un recours subrogatoire, la Cour d'appel a violé l'article 1645 du Code civil ;
Alors, d'autre part, qu ‘ en retenant ainsi que la société ACTIA AUTOMOTIVE ne demandait réparation que d'un préjudice subi par la société SCANIA quand elle demandait aussi réparation du préjudice directement subi par elle du fait du recours de la société SCANIA contre elle et du protocole d'accord qu'elle avait dû conclure avec celle-ci qui, en application de son contrat d'assurance, avait laissé à sa charge la somme de 608. 152 euros, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
SUBSIDIAIREIl est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable, sur le fondement des articles 31 du Code de procédure civile et 1250 du Code civil, le recours subrogatoire aux droits et actions de la société SCANIA exercé par la société ACTIA AUTOMOTIVE, en son nom personnel et aux droits de la société ALCYON ;
Aux motifs que « un protocole d'accord est intervenu le 30 avril 2002 entre la société SCANIA et les sociétés ACTIA, ALCYON et AGF ; que son article 3 « arrête transactionnellement, définitivement et pour solde de tout compte à la somme de 14. 800. 000 francs soit 2. 256. 245 € l'indemnité globale » à la charge de ses sociétés ACTIA, ALCYON et de leur assureur devant être payée « dans les 15 jours de la signature par la société AGF IART par virement bancaire d'un montant de 1. 648. 093 € et, par la société ACTIA pour son compte et celui de la société ALCYON par un avoir de 608. 152 € valable à compter de sa date d'émission sur les paiements des factures émises avant ou après cette date » ; que par l'article 4 de ce protocole d'accord, les signataires ont renoncé à toute instance ou action relative audit litige devant quelque juridiction que ce soit, la société SCANIA : pour et contre elle-même et ses filiales et moyennant les règlements énoncés à l'article 3 ; qu'aux termes de l'article 5 de ce protocole « SCANIA déclare, moyennant les paiements prévus à l'article 3 dans le délai énoncé, subroger expressément et à date de ces paiements, les sociétés ACTIA, ALCYON et AGF IART dans tous ses droits et actions contre tous responsables ; que la société ALLIANZ IARD s'abstient de toute justification de paiement ; que la société ACTIA justifie de l'émission de l'avoir à la date du 31 mai 2005 mais ne produit pas les factures sur lesquelles a été réalisée la déduction de cet avoir en constituant le paiement effectif ; qu'ainsi, malgré le protocole transactionnel, établissant la réalité d'une volonté expresse de subroger de la société SCANIA, les sociétés ACTIA, ALCYON et ALLIANZ IARD, anciennement AGF, ne justifient pas avoir procédé au paiement des indemnités dues à SCANIA et être ainsi subrogées conformément à ce protocole et aux dispositions de l'article 1250 du code civil qui conditionnent la subrogation conventionnelle du tiers subrogé à la réception du paiement fait par celui-ci au créancier, assurant la concomitance du paiement et de cette subrogation ainsi convenue ; que ce paiement ne peut s'induire de l'absence d'action diligentée par SCANIA ou des références de l'expert M. Claude Z... à ce protocole au cours de ses opérations d'expertise ; (…) qu'en ce qui concerne l'action de la société ACTIA/ ALCYON tendant à l'indemnisation du préjudice subi par la société SCANIA et mis à sa charge à hauteur de 608. 152 € par le protocole d'accord, il ne peut s'inscrire que dans un recours subrogatoire dans les droits et actions de cette société ; qu'il s'ensuit que, sur le fondement de l'article 31 du code de procédure civile, la société ACTIA/ ALCYON n'est pas recevable à agir par subrogation aux droits et actions de la société SCANIA » ;
Alors que ni la société SIFELMET et ses représentants, ni les sociétés SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS et SWISS LIFE SUISSE ACCIDENTS ne prétendaient que, pour justifier du paiement effectif par la société ACTIA AUTOMOTIVE de la somme de 608. 152 euros à la société SCANIA, l'avoir du 31 mai 2002 (et non 2005 comme indiqué par la Cour d'appel) aurait dû être accompagné de la production des factures justifiant qu'il avait été effectivement déduit des dettes de la société SCANIA à l'égard de la société ACTIA AUTOMOTIVE ; qu'en retenant d'office, sans provoquer préalablement les observations des parties, que faute de production des factures sur lesquelles a été réalisée la déduction de l'avoir en constituant le paiement effectif, la société ACTIA AUTOMOTIVE ne justifiait pas avoir procédé au paiement des indemnités dues à la société SCANIA, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.