LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mme X... de ce qu'elle s'est désistée de son pourvoi incident ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 février 2011), que Jeanne X... est décédée le 18 janvier 1997 et que son époux, Varham X..., est décédé le 10 juillet 1997 ; qu'ils ont laissé leurs deux enfants, M. Richard X... et Mme Martine X..., celle-ci ayant été instituée par son père sa légataire universelle ; qu'au cours des opérations de liquidation et partage des successions des difficultés ont opposé les deux héritiers notamment, d'une part, quant à l'occupation par M. X... d'un garage situé... et d'un immeuble... à Bordeaux ainsi que d'une partie d'une villa à Arcachon, d'autre part, sur le sort des fruits de ces immeubles ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande de suppression des indemnités d'occupation dont il a été reconnu débiteur, de fixer au 28 février 2007 la date de réévaluation de celles-ci et de confirmer le jugement sur leur montant ;
Attendu que la cour d'appel a écarté le moyen tiré du commodat dont se prévalait devant elle M. X... pour soutenir qu'il ne devait aucune indemnité d'occupation, en retenant exactement que celui-ci ne pouvait remettre en cause ses obligations dont le principe avait déjà été jugé par son arrêt du 14 juin 2004 pour le garage et l'immeuble de la... à Bordeaux et qu'il en avait accepté le principe pour la villa d'Arcachon suivant les énonciations de son arrêt du 15 février 2007 ; que les critiques du moyen sont sans portée, l'arrêt du 8 octobre 2009, invoqué par M. X... étant intervenu dans une instance en référé et s'étant borné à dire " que M. X... disposant d'un titre apparent (commodat) n'est pas occupant sans droit " de la villa dont son expulsion était poursuivie, de sorte qu'il n'a pas statué sur le même objet ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de juger que les fruits et intérêts des trois immeubles attribués à Mme X... appartiennent à celle-ci depuis l'ouverture de la succession ;
Attendu qu'ayant, dans ses conclusions d'appel, admis que son père n'avait pas légué la chose d'autrui à sa soeur, M. X... est irrecevable à soutenir devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures ; qu'en aucune de ses branches le moyen ne peut donc être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande de M. Richard X... en suppression des indemnités d'occupation dont il a été reconnu débiteur, réformé partiellement sur la date de réévaluation de ces indemnités, pour la fixer au 28 février 2007, et d'avoir confirmé les dispositions non contraires du jugement concernant ces indemnités,
AUX MOTIFS QUE le principe d'une indemnité d'occupation du garage situé... et de l'immeuble situé ... a été retenu par l'arrêt du 14 juin 2004 et celui d'une indemnité d'occupation pour la villa d'Arcachon a été accepté par M. X... suivant les énonciations de l'arrêt du 15 février 2007 ; QUE M. X... est irrecevable à invoquer des commodats pour remettre en cause ses obligations dont le principe a déjà été jugé ; QUE le rapport étant clos le 28 février 2007, c'est à cette date de référence qu'il convient de faire courir la réévaluation du montant de l'indemnité d'occupation de la villa d'Arcachon dont l'étage inférieur était occupé par M. X... suivant la constatation de l'expert dans son courrier du 8 février 2007, et non pas à la date du 28 juillet 2007, comme il est indiqué par erreur dans le jugement ; QUE la revalorisation des indemnités des deux autres immeubles doit également s'opérer à compter du rapport d'expertise ; QUE l'indemnité d'occupation pour l'immeuble de la... est due jusqu'au 15 décembre 2004, date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de l'entreprise dirigée par M. X... suivant l'extrait K bis produit ; QUE la demande en paiement d'une soulte à la charge de Mme X... est présentement irrecevable tant que les opérations de compte-liquidation partage ne sont pas achevées ; QUE l'arrêt de la cour de céans du 8 octobre 2009, rendu sur appel d'une ordonnance de référé, ne s'étant pas réservé la liquidation de l'astreinte prononcée contre Mme X..., le juge de l'exécution est seul compétent pour en connaître ; QUE selon l'article 1014 du code civil, le legs donne un droit au légataire au jour du décès du testateur, l'arrêt du 14 juin 2004 qui a reconnu à Mme X... une attribution particulière résultant du testament de son auteur ne lui a pas pour autant conféré la propriété des biens à cette date mais a constaté un droit de propriété né depuis l'ouverture de la succession ; QU'en effet par exception à la règle suivant laquelle le légataire ne peut prétendre aux fruits qu'à compter de la demande en délivrance, le légataire cumulant la qualité d'héritier saisi de plein droit des biens du défunt n'a pas à en demander la délivrance ; QU'il s'ensuit que l'attribution particulière des immeubles et, en conséquence, celle des fruits et intérêts des trois immeubles légués, prennent effet du jour de l'ouverture de la succession ; QU'en revanche les fruits des autres immeubles successoraux accroissent l'indivision ;
1° ALORS QUE le commodat est un contrat, essentiellement gratuit, par lequel un commodant livre une chose à un commodataire pour qu'il s'en serve, à charge pour lui de la rendre après usage ; QUE le droit personnel et gratuit d'usage en résultant, qui ne cesse pas au décès de commodant, ne s'identifie pas au droit de jouissance privatif des coïndivisaire à user des choses de l'indivision moyennant le paiement d'une indemnité d'occupation ; QU'en l'espèce, M. X... avait soutenu devant la cour de Bordeaux que le paiement d'une telle indemnité n'était donc possible ni pour le garage situé au..., ni pour le rez-de-chaussée de la villa située..., dès lors que ses parents lui avaient consenti l'usage gratuit du premier par un commodat du 20 février 1981, pour tout le temps où il continuerait à demeurer à la même adresse, et l'usage gratuit du second par un commodat à titre viager du 6 juillet 1985 ; QUE M. X... avait de surcroît invoqué dans ses conclusions l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu par la même cour le 8 octobre 2009, lequel a jugé que le commodat du 6 juillet 1985 constituait un titre justifiant l'occupation, nécessairement gratuite, du rez-de-chaussée de la villa d'Arcachon par M. X..., à l'encontre des prétentions que tirait Mme X... du fait qu'elle était de plein droit saisie de l'ensemble de l'hérédité dès l'ouverture de la succession ; QUE l'existence du titre relatif au garage entraînait la même conséquence ; QU'en décidant dès lors que M. X... était irrecevable à invoquer les commodats dont il était bénéficiaire, au motif que le principe de son obligation à indemnités avait déjà été constaté par arrêts du 14 juin 2004, pour le garage, et du 15 février 2007, pour la villa d'Arcachon, la cour a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à sa décision du 8 octobre 2009, en violation de l'article 1351 du Code civil ;
2° ALORS QUE la contrariété de jugements peut être invoquée lorsque la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée a en vain été opposée devant les juges du fond ; QU'en ce cas, le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement second en date ; QUE lorsque la contrariété est constatée, elle se résout au profit du premier ; QU'en l'espèce, M. X... soutenait dans ses conclusions, pour s'opposer à sa condamnation à payer des indemnités d'occupation au titre de son usage d'une partie de la villa d'Arcachon et du garage du..., que, par un arrêt du 8 octobre 2009, la même cour de Bordeaux avait jugé qu'il justifiait, à l'égard de l'usage du rez-de-chaussée de la villa d'Arcachon, du commodat consenti par ses parents le 6 juillet 1985, lequel faisait obstacle aux prétentions que tirait Mme X... du fait qu'elle était de plein droit saisie de l'ensemble de l'hérédité dès l'ouverture de la succession ; QU'il en résultait notamment que cet usage, nécessairement gratuit, était exclusif d'indemnités d'occupation, conséquence qui pouvait être d'ailleurs tirée du commodat du 20 février 1980 à l'égard du garage ; QU'en décidant dès lors de condamner M. X... au paiement d'indemnités d'occupation notamment pour l'usage du rez-de-chaussée de la villa d'Arcachon, quand cette contrepartie était exclue par le constat qu'elle a fait, dans son arrêt du 8 octobre 2009, de l'existence, pour ce même usage, d'un commodat, la cour s'est déterminée de manière contradictoire, justifiant la censure de l'arrêt déféré par application de l'article 617 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement attaqué en ce qu'il a autorisé Mme Martine X... à passer seule l'acte de vente de l'immeuble indivis du... (Bordeaux), en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en paiement d'une soulte par Mme X... et en ce qu'il a rejeté la demande tendant à faire dire que les fruits des immeubles attribués à Mme X... accroissaient l'indivision jusqu'au partage et d'avoir dit que les fruits et intérêts des trois immeubles attribués à Mme X... (garage du... et... et villa du...) appartenaient à celle-ci depuis l'ouverture de la succession ;
AUX MOTIFS QUE la demande en paiement d'une soulte à la charge de Mme Martine X... est irrecevable tant que les opérations de compte-liquidation partage ne sont pas achevées ; QUE, selon les dispositions de l'article 1014 du Code civil, le legs donne un droit au légataire au jour du testateur ; QUE l'arrêt du 14 juin 2004, qui a reconnu à Mme X... une attribution particulière résultant du testament de son auteur, ne lui a pas pour autant conféré la propriété des biens à cette date mais a constaté un droit de propriété né depuis l'ouverture de la succession ; QU'en effet, par exception à la règle suivant laquelle le légataire ne peut prétendre aux fruits qu'à compter de la demande en délivrance, le légataire cumulant la qualité d'héritier saisi de plein droit des biens du défunt n'a pas à en demander la délivrance ; QU'il s'ensuit que l'attribution particulière des immeubles et, en conséquence, celle des fruits et intérêts des trois immeubles légués prennent effet du jour de l'ouverture de la succession ; QU'en revanche les fruits des autres immeubles successoraux accroissent l'indivision ;
1° ALORS QUE les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit de tous les biens, droits et actions du défunt par le fait même de sa mort ; QUE le conjoint survivant, qui opte pour le quart en pleine propriété et les trois quarts en usufruit, en présence de deux enfants nés du mariage, n'a pas lui-même qualité d'hériter réservataire ; QUE l'exercice des droits qu'il tire de l'option qu'il a faite est limité par les droits des héritiers réservataires avec lesquels il est en concours ; QU'il ne peut dès lors disposer des droits ou des biens indivis pour en faire attribution particulière à l'un de ses enfants, en méconnaissance des droits réservés que l'autre tire de sa propre succession ; QU'en l'espèce, après le décès de son épouse, Varham X..., après avoir fait ladite option, a, par testament du 18 février 1997, exprimé le voeu que les deux immeubles du cours d'Alsace-Lorraine et de la rue Saint-Genès (Bordeaux) et la villa d'Arcachon soient attribués à sa fille ; QU'en décidant dès lors, avant tout partage, que Mme X... avait acquis de Varham X..., par cet acte, un droit de propriété sur les biens susvisés et l'attribution particulière de leurs fruits et intérêts dès l'ouverture de la succession, quand M. X... n'avait pas le droit d'en disposer ainsi en raison de l'indivision, la cour a violé les articles 724 et 1004 du Code civil, ensemble l'article 1014 du même code par fausse application ;
2° ALORS, subsidiairement, QUE le jugement qui accorde l'attribution préférentielle d'un bien n'en confère pas la propriété et ne produit son effet déclaratif qu'au terme du partage ; QUE, de même, les fruits et les revenus des biens indivis accroissent à l'indivision, à défaut de partage provisionnel ou de tout autre accord établissant la jouissance divise, les cohéritiers coïndivisaires en bénéficiant à proportion de leurs droits jusqu'au partage ; QU'en l'espèce, l'arrêt du 14 juin 2004, qui n'a pas fixé le jour de jouissance divise, ne s'est pas prononcé sur les droits de M. X... et n'a pas davantage jugé que Mme X... pouvait disposer, avant tout partage, des immeubles qui lui étaient attribués, non plus que de leurs fruits, s'est borné à constater qu'il « résulte des dispositions testamentaires la volonté du défunt d'imposer à son fils héritier la charge de procurer à la légataire la propriété entière des biens légués » ; QU'en décidant dès lors que « l'attribution particulière des immeubles et, en conséquence, celles des fruits et intérêts des trois immeubles légués, prenaient effet du jour de l'ouverture de la succession », quand cette prise d'effet ne pouvaient intervenir qu'au terme du partage, la cour a violé les articles 724, 825-10, 834 et 1004 du Code civil.