LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 16 mai 2011), qu'engagée le 1er avril 1991 par l'Association Mosellane d'action éducative et sociale en milieu ouvert (AMAESMO) en qualité d'éducatrice, Mme X... a été licenciée pour faute par une lettre du 16 avril 2007 ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de rappel de salaire correspondant aux temps de trajets, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en se déterminant par reprise d'une pure affirmation, abstraite et incompréhensible, de l'employeur qui, en ce qu'elle faisait état d'une "amplitude de travail" ne correspondant pas à un travail effectif, ne reposait sur aucune disposition conventionnelle ou contractuelle prévoyant un horaire d'équivalence la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, ses propres éléments sur les horaires effectivement réalisés ; que constitue un tel élément un décompte unilatéralement établi par le salarié, dès lors que l'employeur peut y répondre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la demande en paiement de ses temps de trajet par la salariée était étayée par ce décompte, auquel l'employeur pouvait répondre ; qu'en la déboutant cependant de sa demande la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la salariée s'était bornée à fournir un tableau mentionnant l'heure à laquelle elle quittait son domicile et celle à laquelle elle le rejoignait, sans indication des temps de pause ni des familles visitées, la cour d'appel a estimé qu'elle ne fournissait pas, pour étayer sa demande, des éléments suffisants et auxquels l'employeur pouvait répondre ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement de Madame X... par l'Association Mosellane d'Action Educative et Sociale en Milieu Ouvert et débouté en conséquence cette salariée de ses demandes de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE "la lettre d'énonciation des motifs de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, l'Association Mosellane d'Action Educative et Sociale en Milieu Ouvert reproche à Madame X... deux niveaux de griefs relevant tous deux de l'insubordination :- le refus de renseigner complètement les fiches de frais,- le refus de se présenter à une convocation de sa directrice (…) ; que bien que non qualifiée, la faute est simple, le préavis étant exécuté ;
QUE le premier grief visé et développé dans la lettre de licenciement aux paragraphes 1 à 6, a trait au refus de la salariée de se conformer aux règles édictées par la direction relativement aux demandes de remboursement des frais de déplacement ; qu'en se fondant sur l'avenant du 10/05/2004 de la Convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes handicapées ou inadaptées, applicables au contrat de travail de Madame Laurence X..., laquelle prévoit que "les frais de transport autorisés par l'employeur sont remboursés sur la base de la dépense réellement engagée et justifiée dans le cadre de la mission", l'association intimée a édicté une note de service le 22/12/2006 ; qu'il en résulte, comme visé dans les demandes individuelles à Madame Laurence X... par la Direction de l'Association, que le formulaire de remboursement des frais de déplacement établi mensuellement doit indiquer "le lieu de déplacement et le nom des familles rencontrées dans la journée" ; que cette note précise que ces états seront vérifiés par Madame Y..., directrice de l'AMAESMO et par la chef de service et resteront également "en" interne au service ; que cette note répond à une opposition manifestée par Madame Laurence X..., notamment dans une lettre du 13/12/2006 aux termes de laquelle elle relève qu'elle n'a pas été remboursée de ses frais de septembre à décembre 2006 "aux motifs que le nom des usagers ne figurait pas sur ces fiches" ;
QUE Madame Laurence X... s'est sciemment opposée à la mention du nom des familles suivies sur les fiches en litige, en faisant état des dispositions de l'article 378 du Code pénal relatives au secret professionnel ; qu'elle considère y être soumise et ne devoir faire bénéficier sa direction du "secret partagé" que dans un but directement nécessaire à l'action engagée et au but recherché ; que cependant, tel que relevé par les premiers juges, la supérieure hiérarchique de Madame Laurence X... est elle-même tenue à un devoir de discrétion, le secret professionnel étant réservé aux assistantes sociales, et que la notion de secret partagé est inapplicable au cas d'espèce, dès lors que c'est l'Association Mosellane d'Action Educative et Sociale en Milieu Ouvert elle-même qui est chargée d'une mesure éducative en milieu ouvert, et non Madame Laurence X..., qui n'en est que délégataire ; qu'ainsi la notion de secret partagé, s'agissant d'une famille suivie, ne saurait être sérieusement invoquée par une subordonnée de l'association désignée, qui ensuite confie à ses subordonnés l'exécution de ces missions ;
QU'ainsi, dans un objectif légitime de contrôle de l'effectivité et du nombre de frais engagés, l'AMAESMO est parfaitement en droit de solliciter le détail des lieux fréquentés, des familles visitées et du nombre de kilomètres parcourus, sans que la salariée ne soit légitimée à lui opposer une quelconque violation déontologique ; qu'enfin le mode de traitement de l'information requise dans le cadre du lien de subordination hiérarchique exercé légitimement par la direction de l'Association ne relève pas de la sphère professionnelle de la salariée ; que le cas échéant, le manquement au devoir de discrétion à ce stade ne pourrait être opposé qu'à la direction si tel était le cas ; qu'ainsi l'attitude de Madame Laurence X... qui, sous couvert de motifs déontologiques, manifeste uniquement une insubordination à sa hiérarchie, est constitutive d'une faute ; que le caractère réel et surtout sérieux de cette faute résulte non seulement de la nature du manquement mais encore de son caractère réitéré nonobstant deux avertissements et deux observations écrites qui lui ont été adressés par sa hiérarchie (les 13/05/2004, 14/09/2004, 31/08/2005 et 26/01/2007) ; qu'il justifie à lui seul le licenciement de Madame Laurence X..., s'agissant d'une insubordination caractérisée, rendant impossible toute poursuite du contrat de travail dans de telles conditions" (arrêt p.6 in fine, p.7, p.8 alinéas 1 et 2) ;
QUE de manière surabondante, s'agissant du second grief, il y a lieu de privilégier l'appréciation de l'ordre de priorité des tâches et rendez-vous confiés à la salariée, telle que faite par la direction de l'AMAESMO, plutôt que la sienne, d'autant que Madame Y..., directrice, avait informé les interlocuteurs de Madame X... d'un retard à une synthèse pour cause de rendez-vous au siège de l'AMAESMO ; que le pouvoir hiérarchique s'exerçant sur Madame Laurence X... permet à l'employeur de la convoquer dans ce cadre en toute connaissance de cause d'une mission déjà programmée ; qu'il échet de rappeler que la salariée est elle-même désignée par l'AMAESMO en vue de l'exécution de la mission confiée, l'association étant in fine responsable de sa bonne exécution auprès du service mandant et non l'inverse ; que ce grief est également établi (…) ; que les demandes en paiement relatives aux conséquences pécuniaires d'une rupture irrégulière du contrat de travail seront écartées" ;
ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE "le refus de remplir les fiches de frais comportant le nom des familles visitées trahirait le secret professionnel auquel elle est assujettie ; que (cependant) la directrice de l'établissement est elle aussi sous le sceau du même secret professionnel (de sorte) qu'en remplissant les fiches comme elle le souhaitait Madame X... n'aurait en aucun cas trahi son secret professionnel …peu import(ant) la personne qui par la suite aurait eu en mains ces relevés, la trahison du secret professionnel (étant) à la charge de la tierce personne qui aurait transmis le document ; que par ailleurs le secret professionnel s'entend de la non divulgation à l'égard des tiers de tout ce qui concerne les informations qu'elle aurait pu obtenir dans l'exercice de ses fonctions, et que le nom et l'adresse des familles n'en font pas partie, dans la mesure où l'Association les détient, puisqu'elles servent à déterminer les lieux pour l'aide à apporter ; que si le relevé journalier des frais permet de les rembourser, il permet aussi un contrôle de l'activité réelle du salarié pour l'Association ; que de ce fait, le nom des familles visitées relève d'une obligation ; que la demanderesse ne s'est pas pliée aux directives de l'établissement …malgré plusieurs mises en demeure et un avertissement ; qu'elle s'est mise en position fautive" ;
1°) ALORS QUE tenue comme "toute personne participant aux missions du service de l'aide sociale à l'enfance" au secret professionnel, une éducatrice spécialisée est en droit de l'opposer à son chef de service, le fait que ce dernier soit lui-même astreint au secret professionnel n'étant pas de nature à autoriser la transmission des informations hors celles "strictement nécessaires à l'accomplissement de la mission d'aide sociale" ; que Madame X... était donc fondée à se prévaloir de ce devoir déontologique pour refuser de transmettre à son chef de service, qui les exigeait dans l'optique de contrôler ses frais professionnels, le nom des familles qu'elle visitait ; qu'en décidant le contraire au motif inopérant que la directrice de l'Association employeur était elle-même tenue au secret professionnel, la Cour d'appel a violé les articles L.121-6-2 et L.221-6 du Code de l'action sociale et des familles, ensemble l'article L.226-13 du Code pénal ;
2°) ALORS QUE la circonstance que les faits couverts par le secret professionnel aient pu être connus du destinataire de l'information n'est pas exonératoire de cette obligation ; qu'en refusant à Madame X... le droit de taire à son employeur le nom des familles qu'elle visitait au motif inopérant que l'Association détenait le nom et l'adresse des familles confiées, la Cour d'appel a violé derechef les textes susvisés ;
3°) ALORS en outre QU'en l'espèce, si l'Association connaissait le nom de chaque famille dont le suivi éducatif lui avait été confié, la révélation, par la salariée, du nom des familles destinataires de chacun de ses déplacements était de nature à donner à un tiers des informations sur la fréquence et la durée de ses visites et, partant, l'évolution des difficultés, et le caractère plus ou moins intensif du suivi qu'elles exigeaient ; que le refus de divulguer l'information sollicitée n'était donc nullement le prétexte déontologique d'une insubordination mais la rigoureuse observance, par la salariée, de ses devoirs professionnels ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé derechef les textes susvisés ;
4°) ALORS en toute hypothèse QU'un licenciement disciplinaire ne peut être prononcé qu'en raison de faits constituant un manquement du salarié à ses obligations professionnelles ; que ne constitue pas un tel manquement son refus de transmettre à l'employeur les justificatifs des frais professionnels dont il demande le remboursement, cette transmission ne constituant pas une obligation professionnelle du salarié mais uniquement la condition de son droit d'exiger de l'employeur le remboursement de tels frais ; que dès lors la carence du salarié dans la justification des frais engagés ne peut, le cas échéant, être sanctionnée que par l'exonération de l'employeur de son obligation au remboursement de frais non justifiés ; qu'en autorisant le licenciement disciplinaire de Madame X... par l'Association Mosellane d'Action Educative et Sociale en Milieu Ouvert sur la considération de ce qu'elle aurait mis obstacle, par son attitude, à un "objectif légitime de contrôle de l'effectivité et du nombre de frais engagés par la salariée" la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L.1235-1 du Code du travail ;
5°) ALORS subsidiairement QUE la lettre de licenciement fixe les termes du litige ; que la lettre du 16 avril 2007 reprochait à la salariée le refus de renseigner complètement ses notes de frais entendu comme rendant "impossible de vérifier si les frais déclarés sont exacts et justifiés par (sa) mission" à l'exclusion de tout contrôle de son activité professionnelle, dont la qualité n'avait jamais été mise en cause par l'employeur ; qu'à supposer qu'elle ait fait siens les motifs du jugement ayant retenu "… que si le relevé journalier des frais permet de les rembourser, il permet aussi un contrôle de l'activité réelle du salarié pour l'Association" la Cour d'appel, qui aurait alors retenu comme motif de licenciement un refus du contrôle de l'employeur sur l'activité réelle de la salariée quand la lettre de licenciement n'invoquait qu'une méconnaissance de la procédure de déclaration des frais professionnels, aurait violé l'article L.1232-6 du Code du travail ;
6°) ALORS enfin QU'en ne répondant pas aux conclusions de Madame X... faisant valoir que sa collègue Thérèse Z..., qui avait également refusé de mentionner sur ses feuilles de frais le nom des familles visitées, n'avait fait l'objet d'aucune sanction ni même d'aucun refus du remboursement de ces frais, moyen de nature à rendre le licenciement illégitime en raison d'une atteinte au principe d'égalité de traitement la Cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande en remboursement de rémunération de ses temps de trajet ;
AUX MOTIFS QUE " Madame Laurence X... expose que, disposant d'un véhicule de service, elle se rendait directement en mission de son domicile, ce qui justifie la rémunération de ses "temps de trajet" ; qu'elle chiffre sa demande à la somme de 140 h 55 mn (pièce 31) ;
QUE cependant, l'AMAESMO ne conteste pas la rémunération du temps de trajet comme temps de travail mais indique que la pièce produite par la salariée apparaît comme prenant en compte l'amplitude de son temps de travail et non les heures réellement effectuées ;
QU'au demeurant, ce décompte effectué unilatéralement n'est étayé par aucun élément probant objectif de nature à en démontrer le bien fondé ; que partant le jugement déféré sera confirmé à cet égard, la demande de Madame Laurence X... n'étant pas fondée" ;
1°) ALORS QU' en se déterminant par reprise d'une pure affirmation, abstraite et incompréhensible, de l'employeur qui, en ce qu'elle faisait état d'une "amplitude de travail" ne correspondant pas à un travail effectif, ne reposait sur aucune disposition conventionnelle ou contractuelle prévoyant un horaire d'équivalence la Cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, ses propres éléments sur les horaires effectivement réalisés ; que constitue un tel élément un décompte unilatéralement établi par le salarié, dès lors que l'employeur peut y répondre ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que la demande en paiement de ses temps de trajet par la salariée était étayée par ce décompte, auquel l'employeur pouvait répondre ; qu'en la déboutant cependant de sa demande la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L.3171-4 du Code du travail.