LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 juin 2011), que,
par acte du 23 décembre 2005, les époux X..., propriétaires de locaux à usage commercial donnés à bail aux époux Y..., leur ont délivré congé avec offre de renouvellement, moyennant un certain loyer ; que les parties ne s'étant pas accordées sur le prix du bail renouvelé, le juge des loyers commerciaux a été saisi ;
Attendu que les époux Y... font grief à l'arrêt d'écarter la règle du plafonnement et de fixer le loyer à une certaine somme, alors, selon le moyen :
1°/ que seule une modification notable d'un élément de la valeur locative ayant une incidence favorable sur l'activité commerciale exercée par le preneur est susceptible de faire échec au principe du plafonnement du loyer du bail renouvelé ; qu'une modification d'un élément de la valeur locative ayant déjà engendré en cours de bail une révision du loyer compensant une éventuelle incidence favorable sur l'activité du preneur ne saurait servir, de surcroit, de fondement à un déplafonnement du loyer du bail renouvelé ; qu'en décidant en l'espèce que l'avenant du 16 décembre 2002 permettant l'extension de la destination contractuelle à « tous produits de téléphonie » constituait une modification notable justifiant de porter le loyer du bail renouvelé à la valeur locative cependant que cette extension avait déjà engendré, en contrepartie, une augmentation du loyer du preneur au cours du bail expiré et ne pouvait donc être prise en compte une seconde fois au titre d'une modification notable des éléments de la valeur locative n'ayant pas d'incidence favorable sur le commerce considéré, la cour d'appel a violé l'article L 145-34 du code de commerce ;
2°/ que les époux Y... faisaient expressément valoir dans leurs écritures que ni leur compétence de simples buralistes ni l'exiguïté des lieux loués ne permettaient une exploitation de « tous les produits de téléphonie », de sorte que l'extension d'activité prévue par l'avenant du 16 décembre 2002 ne recouvrait en réalité que la vente des seules cartes et recharges téléphoniques – activité constituant l'accessoire de celle de buraliste et ne pouvant ainsi justifier le principe d'un déplafonnement du loyer – ; qu'en décidant néanmoins de l'existence d'une extension d'activité constituant une modification notable justifiant le déplafonnement du loyer, sans répondre à ce chef déterminant des écritures des exposants, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que seule une modification notable des obligations respectives des parties au cours du bail à renouveler ayant eu une incidence favorable sur l'activité commerciale exercée par le preneur est susceptible de faire échec au principe du plafonnement du loyer du bail renouvelé ; qu'en décidant en l'espèce qu'une augmentation du loyer au cours du bail expiré, par nature défavorable au preneur, constituait une modification notable d'un élément de la valeur locative justifiant le déplafonnement du loyer du bail renouvelé, la cour d'appel a violé l'article L 145-34 du code de commerce.
Mais attendu qu'ayant relevé que l'avenant du 16 décembre 2002 avait autorisé une activité, non incluse dans celles initialement prévues au bail, de vente de tous produits de téléphonie et avait stipulé une augmentation du loyer en contrepartie de cette extension d'activité, la cour d'appel, qui a pu retenir que ces modifications conventionnelles intervenues au cours du bail expiré s'analysaient en des modifications, qu'elle a souverainement qualifiées de notables, de la destination des lieux et des obligations respectives des parties, en a déduit à bon droit qu'à elles seules ces modifications justifiaient que le loyer soit fixé hors plafonnement ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux Y... à payer aux époux X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils pour M. Y... et Mme Z...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir écarté le principe du plafonnement du loyer et d'avoir fixé en conséquence le montant du loyer en renouvellement à compter du 1er juillet 2006 à la somme annuelle de 56. 000 € ;
AUX MOTIFS QUE « les époux X... sollicitent la fixation du loyer de renouvellement à compter du 1er juillet 2006, à la valeur locative, soutenant que pour le commerce exercé et pendant la durée du bail écoulé, il convient d'écarter la règle du plafonnement au regard de la modification des facteurs locaux de commercialité et de la modification contractuelle de la destination des lieux par adjonction de nouvelles activités, ainsi que de la modification des obligations respectives des parties ; que les époux Y... répliquent que la règle du déplafonnement ne saurait être écartée dès lors qu'aucune modification notable de l'un des éléments de la valeur locative ne s'est produite au cours du bail expiré ; que selon les observations de l'expert judiciaire :- le fonds de commerce est situé dans la partie ancienne de Levallois-Perret, 31/ 33 rue Carnot, artère en sens unique, commençant rue Kléber et s'achevant à hauteur de la porte de Champerret ;- que ce fonds de commerce, qui dépend d'un immeuble formant angle avec la rue Henri Barbusse, implanté en centre ville, en face du marché couvert tri-hebdomadaire, ouvert le dimanche, se trouve dans la proximité immédiate d'un des meilleurs pôles commerciaux de la commune constitué de ce marché et des voies semi-piétonnes attenantes, offrant toutes commodités en matière de commerces et services de proximité et à quelques minutes à pied des stations de métro Anatole France et Louise Michel ; qu'il est acquis aux débats que les locaux loués sont destinés aux activités de bar, brasserie, marchand de vins, traiteur, débit de tabac, articles pour fumeurs, loteries, lotos, titres de transport et hôtel meublé, et depuis la signature d'un avenant du 16 décembre 2002, à la vente de cartes téléphoniques fixes et mobiles, de recharges internet et plus généralement de tous produits de téléphonie ; qu'il est constant que ces locaux comprennent au rez-de-chaussée : une boutique, une cuisine, une réserve à tabac, un coin téléphone, un dégagement avec lavabo, deux WC et un vestiaire, au premier étage : un appartement d'habitation de trois pièces principales accessibles depuis les parties communes de l'hôtel, au n° 31, et par un escalier intérieur depuis la brasserie, le reste du premier étage et la totalité du deuxième étage étant constitués de seize chambres d'hôtel, la partie du premier étage située dans le bâtiment n° 33 étant accessible par deux escaliers donnant dans la cour de l'immeuble ; que selon le bail, le preneur supporte tous les travaux et charges du bâtiment sis 33 rue Carnot résultant des articles 605 et 606 du Code civil, y compris le ravalement et est tenu de supporter les charges et travaux du bâtiment sis 31 rue Carnot résultant de l'article 605 du Code civil ; que les époux Y... reprochent à l'expert judiciaire de ne pas avoir procédé à une étude précise de l'évolution des facteurs locaux de commercialité dans le quartier où se trouvent les locaux et d'avoir énoncé des généralités relatives à la ville de Levallois-Perret dans sa globalité ; qu'ils soutiennent que leur commerce est un commerce de quartier avec une clientèle de proximité, qu'aucune infrastructure importante n'a été modifiée dans ce secteur traditionnel, dit « Henri Barbusse 1 » dont la commercialité est restée stable au cours du bail expiré, que l'expert n'a pas recherché si le quartier avait connu une évolution de sa population, que l'augmentation de fréquentation de la station de métro Louise Michel n'est pas significative d'une quelconque amélioration de la commercialité du quartier concerné ; que relevant que 12 établissements de même nature sont implantés dans le quartier, ils ajoutent que leurs chiffres d'affaires et bénéfices n'ont pas augmenté depuis leur acquisition du fonds de commerce, leur activité étant en régression notamment en raison des augmentations successives du prix du tabac, de la baisse du pouvoir d'achat de la clientèle et de l'ouverture du marché téléphonique ; que l'expert, Philippe A... a indiqué que la population résidente était passée de 54. 700 habitants en 1999 à 63. 225 habitants en 2007, soit une augmentation de 15, 67 %, que le nombre de salariés employés sur la commune est passé de 43. 332 à 57. 572, soit une augmentation de 32, 86 %, que cette arrivée de population nouvelle se retrouve dans la fréquentation de la station de métro la plus proche des lieux loués, « Louise Michel » : 2. 295. 986 entrants en 1997, 2. 898. 986 en 2006, soit une augmentation de 26 % ; que l'expert relève que si, pour un commerce d'hôtel meublé, cette forte augmentation quantitative de la population résidente et de la population travaillant sur la commune est indifférente, en revanche elle est profitable aux activités de café, tabac, vente de jeux et de produits de téléphonie, alors qu'entre les mois de juillet 2004 et juin 2007, les preneurs ont réalisé près de 90 % de leur chiffre d'affaires grâce à la branche café-tabac-jeux et produits de téléphonie ; que les documents produits par les époux Y... révèlent un chiffre d'affaires au 30 juin 2005 de 578. 904 euros, de 560. 850 euros au 30 juin 2006, alors qu'il s'élevait à 460. 724 euros pour l'année 2000, 517. 363 euros pour l'année 2001 et 565. 000 euros pour l'année 2002 ; qu'à cet égard, l'expert retient que l'observation des éventuelles variations du chiffre d'affaires doit s'effectuer sur toute la durée du bail expiré et non sur ses deux dernières années et en comparaison avec celles des concurrents dans le secteur considéré et qu'elle ne peut suffire à trancher à elle seule la question d'une éventuelle modification des facteurs locaux de commercialité ; qu'il observe à juste titre que les évolutions de chiffres d'affaires ne sont pas nécessairement dictées par celles de la commercialité locale et peuvent résulter de facteurs économiques ou de circonstances particulières ; qu'en tout état de cause, les époux X... invoquent la modification contractuelle de la destination des lieux et des obligations respectives des parties ; qu'ils rappellent l'avenant établi le 16 décembre 2002, ayant autorisé les locataires à adjoindre les activités de vente de cartes téléphoniques fixes et mobiles, de recharges internet et plus généralement de tous produits de téléphonie ; que les époux Y... répliquent que l'activité de vente de produits de téléphonie mobile est un accessoire à l'activité de vente de tabac, de sorte qu'il n'y a pas eu, au cours du bail, une extension de l'activité contractuelle ; qu'ils font valoir que c'est sur la menace d'une résiliation du bail à l'initiative des bailleurs que les époux B..., précédents locataires, ont accepté de signer l'avenant, régularisant la vente de cartes téléphoniques avec augmentation du loyer, qui était en réalité sans cause ; que contrairement à ce que soulèvent les époux X..., cet argument ne constitue pas une demande nouvelle, formée pour la première fois devant la Cour, de sorte qu'il est recevable ; que cependant, force est de constater que les époux Y..., qui n'étaient pas parties à l'avenant, ne démontrent nullement que les époux B... auraient signé l'avenant sous la menace et que cet acte ne serait pas causé ; que les époux X... ne contestent pas que l'activité de débit de tabac est annexe et accessoire l'activité de vente de communications téléphoniques, mais font valoir qu'ont été autorisées des activités plus larges liées à la vente de tous produits de téléphonie ; que l'expert relève à cet égard que si la jurisprudence regarde la vente de cartes téléphoniques comme une activité incluse dans celle de débit de tabac, l'avenant du 16 décembre 2002 ne s'est pas limité à permettre la vente de ces seules cartes et a autorisé la vente de tous produits de téléphonique, qui ne constitue pas une activité complémentaire ou incluse dans celles initialement prévues au bail ; qu'il en conclut au caractère notable de cette extension justifiant que le loyer en renouvellement soit porté à sa valeur locative ; que la Cour faisant siennes les conclusions de l'expert, l'avenant du 16 décembre 2002 constitue une modification contractuelle notable de la destination des lieux ; que par ailleurs, il est acquis que la majoration hors indices du loyer survenue corrélativement à cette extension a modifié notablement les obligations financières respectives des parties, justifiant le déplafonnement ; qu'en effet, contrairement à ce que soutiennent les époux Y..., cette augmentation de loyer n'est pas sans cause dans la mesure où elle est la contrepartie de la modification de la destination contractuelle ; que par voie de conséquence, les règles du plafonnement doivent être écartées et le montant du loyer fixé selon la valeur locative » ;
1°/ ALORS QUE seule une modification notable d'un élément de la valeur locative ayant une incidence favorable sur l'activité commerciale exercée par le preneur est susceptible de faire échec au principe du plafonnement du loyer du bail renouvelé ; qu'une modification d'un élément de la valeur locative ayant déjà engendré en cours de bail une révision du loyer compensant une éventuelle incidence favorable sur l'activité du preneur ne saurait servir, de surcroit, de fondement à un déplafonnement du loyer du bail renouvelé ; qu'en décidant en l'espèce que l'avenant du 16 décembre 2002 permettant l'extension de la destination contractuelle à « tous produits de téléphonie » constituait une modification notable justifiant de porter le loyer du bail renouvelé à la valeur locative cependant que cette extension avait déjà engendré, en contrepartie, une augmentation du loyer du preneur au cours du bail expiré et ne pouvait donc être prise en compte une seconde fois au titre d'une modification notable des éléments de la valeur locative n'ayant pas d'incidence favorable sur le commerce considéré, la Cour d'appel a violé l'article L 145-34 du Code de commerce ;
2°/ ALORS QUE les époux Y... faisaient expressément valoir dans leurs écritures que ni leur compétence de simples buralistes ni l'exiguïté des lieux loués ne permettaient une exploitation de « tous les produits de téléphonie », de sorte que l'extension d'activité prévue par l'avenant du 16 décembre 2002 ne recouvrait en réalité que la vente des seules cartes et recharges téléphoniques – activité constituant l'accessoire de celle de buraliste et ne pouvant ainsi justifier le principe d'un déplafonnement du loyer – ; qu'en décidant néanmoins de l'existence d'une extension d'activité constituant une modification notable justifiant le déplafonnement du loyer, sans répondre à ce chef déterminant des écritures des exposants, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE seule une modification notable des obligations respectives des parties au cours du bail à renouveler ayant eu une incidence favorable sur l'activité commerciale exercée par le preneur est susceptible de faire échec au principe du plafonnement du loyer du bail renouvelé ; qu'en décidant en l'espèce qu'une augmentation du loyer au cours du bail expiré, par nature défavorable au preneur, constituait une modification notable d'un élément de la valeur locative justifiant le déplafonnement du loyer du bail renouvelé, la Cour d'appel a violé l'article L 145-34 du Code de commerce.