LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société SMEG que sur le pourvoi incident relevé par la société Rothelec ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 23 novembre 2010), que la société Rothelec, fabricant de plaques de cuisson électriques, a vendu des tables à induction à la société SMEG entre 2003 et 2005 ; que certaines d'entre elles s'étant révélées défectueuses, la société SMEG a notifié le 13 janvier 2006 à la société Rothelec la rupture de leurs relations commerciales et, le 20 février 2007, l'a assignée en résolution de la vente pour vices cachés, subsidiairement pour erreur sur les qualités substantielles et non-conformité ; que la société Rothelec a formé contre la société SMEG une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale de relations commerciales et a appelé en garantie la société Ego France, fabricant de composants électroniques ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que la société SMEG reproche à l'arrêt d'avoir constaté qu'elle était déchue de son droit de se prévaloir d'un défaut de conformité en application de l'article 39.2° de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises (CVIM) et d'avoir rejeté ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que dans ses écritures d'appel, la société Rothelec se bornait à soutenir que la société SMEG avait méconnu les dispositions de l'article 39.1 de la CVIM et, subsidiairement, l'article 1648 du code civil, en exerçant son action au-delà d'un « délai raisonnable », courant à compter du jour où elle avait eu connaissance du vice ; que la cour d'appel, qui, rejetant ce moyen, estime néanmoins que la société SMEG devait être déchue de son droit de se prévaloir d'un défaut de conformité, faute d'avoir agi dans un délai de deux ans à compter de la livraison des marchandises, en application de l'article 39.2 de la Convention de Vienne, a méconnu les termes du litige, et violé les articles 4, 5 et 7 du code de procédure civile ;
2°/ que la société Rothelec n'a jamais soutenu que l'action aurait été forclose pour avoir été introduite à l'expiration du délai de deux ans fixé par l'article 39.2 de la CVIM, ce qui eût impliqué qu'elle rapporte la preuve, pour chacune des marchandises atteinte d'un vice, de la date de livraison de celle-ci, question sur laquelle elle ne prenait pas partie dans ses écritures ; que l'arrêt attaqué, qui relève d'office le moyen tiré de la méconnaissance par la société SMEG de l'article 39.2 de la CVIM, texte dont la société Rothelec ne se prévalait pas pour faire juger tardive ou prescrite l'action de l'exposante, sans inviter les parties à s'expliquer sur les conditions, en fait, de l'application de ce texte en l'espèce, a violé les articles 12 et 16 du code de procédure civile ;
3°/ que dans ses écritures d'appel, la société SMEG faisait valoir que les tables de cuisson étaient toutes atteintes du même vice, ayant pour origine la même panne technique, commune à l'ensemble des tables de cuisson, qui avaient été livrées successivement dans le temps ; qu'elle en déduisait que le délai de l'article 39.2 de la Convention, devait commencer à courir à compter des premières livraisons, intervenues à partir d'octobre 2003, et que la dénonciation à la société Rothelec du défaut de conformité, intervenue en décembre 2004 valait pour toutes les autres livraisons affectées du même vice ; que la cour d'appel, qui omet de répondre à ce moyen déterminant des écritures de la société SMEG, établissant qu'elle avait agi à l'intérieur du délai de deux ans prévu par le texte susvisé, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que celui qui se prétend libéré d'une obligation doit justifier le fait qui a produit l'extinction de l'obligation ; que la société Rothelec, qui se prétendait libérée par l'expiration du délai butoir de l'article 39.2 de la Convention de Vienne, avait la charge de prouver qu'un délai de deux ans s'était écoulé depuis la livraison sans que la société SMEG dénonce à son fournisseur le défaut de conformité des marchandises livrées, ce qui supposait que soit rapportée la preuve de la date à laquelle les marchandises lui avaient été remises ; que la société Rothelec n'a ni prouvé cette date ou ces dates s'agissant d'un contrat à exécution échelonnée ni offert de les prouver ; que la cour d'appel, qui a rejeté les demandes de la société SMEG au prétexte que la société SMEG n'apportait pas les éléments probants établissant qu'elle avait respecté le délai butoir de deux ans pour chaque table à induction litigieuse, de sorte qu'elle était déchue du droit de dénoncer un défaut de conformité des marchandises au sens de la CVIM, lorsqu'il incombait à la société Rothelec, demanderesse à l'exception de déchéance de l'article 39.2, d'établir que les conditions d'application de cette règle étaient réunies en prouvant les dates des livraison successives qui constituaient le point de départ du délai de déchéance, a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du code civil et 39.2 de la Convention ;
5°/ qu'aux termes de l'article 39.2 de la CVIM, dans tous les cas, l'acheteur est déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité s'il ne le dénonce pas au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises, à moins que ce délai ne soit incompatible avec la durée d'une garantie contractuelle ; que ce délai dit délai butoir de l'article 39.2 n'est pas un délai de prescription mais le délai dans lequel se trouve enfermée la dénonciation du défaut de conformité de l'article 39.1 ; qu'en jugeant que ce délai était un délai de prescription susceptible d'être interrompu par une demande en référé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Mais attendu, en premier lieu, que dans ses conclusions d'appel, la société Rothelec invoquait l'expiration du délai de deux ans prévu par l'article 39.2 de la CVIM, de sorte que la cour d'appel n'a ni méconnu les termes du litige ni violé le principe de la contradiction ;
Attendu, en second lieu, qu'après avoir énoncé que le délai de l'article 39.2 de la CVIM court à compter de la date à laquelle les marchandises ont été effectivement remises à l'acheteur, ce qui suppose de connaître précisément la date de chaque vente Rothelec intervenue auprès de la société SMEG, notamment celle à laquelle la première a livré chaque table à induction, identifiable par son numéro de série, à la seconde, et qu'il n'est pas possible de se référer globalement aux livraisons au cours des années considérées, l'arrêt constate que la société SMEG, qui a la charge de prouver qu'elle a dénoncé le défaut de conformité dans le délai, omet de préciser et de justifier des différentes dates auxquelles elle a précisément obtenu livraison de chaque table litigieuse ; qu'en l'état de ces constatations, appréciations et énonciations, la cour d'appel, qui a répondu au grief de la troisième branche, a, abstraction faite du motif surabondant critiqué à la cinquième branche, légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli dans ses première et deuxième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce ;
Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée par la société Rothelec contre la société SMEG pour rupture brutale de relations commerciales établies, l'arrêt retient que même si la société SMEG se trouve déchue du droit de se prévaloir des défauts de conformité en application de l'article 39.2 de la CVIM, il est constant entre les parties qu'un nombre non négligeable de tables à induction, vendues par la société Rothelec à cette société, était atteint de vices cachés qui les rendaient inutilisables, et que la société venderesse a accepté, après examen des tables retournées, de procéder au remboursement de plusieurs dizaines d'entre elles et de dédommager la société SMEG pour les frais exposés, allant jusqu'à présenter ses excuses pour l'ensemble des désagréments subis, et que ces manquements paraissent suffisamment graves pour que la société Rothelec ne puisse prétendre obtenir le bénéfice d'un préavis, fût-il limité à trois mois ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les réparations réalisées par la société Rothelec n'avaient pas retiré toute gravité aux défauts invoqués par la société SMEG, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle formée par la société Rothelec contre la société SMEG en dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce, l'arrêt rendu le 23 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar, autrement composée ;
Condamne la société SMEG aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société SMEG, demanderesse au pourvoi principal.
IL EST REPROCHE à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté que la société SMEG était déchue de son droit de se prévaloir d'un défaut de conformité en application de l'article 39.2° de la Convention de Vienne et d'avoir, en conséquence, rejeté toutes les prétentions de la société SMEG dirigées contre la SAS ROTHELEC ;
AUX MOTIFS QUE « il ressort des pièces versées aux débats, en particulier des mails échangés, que la société SMEG a régulièrement fait parvenir à la SAS ROTHELEC la liste des nouvelles tables à induction concernées pour lui permettre de prendre position ; que la société venderesse, qui reconnaissait le caractère endémique des pannes, sollicitait le retour des tables à induction concernées pour les soumettre à un examen technique dans ses ateliers ; qu'ainsi, dans un mail du 17 novembre 2005, elle indiquait clairement que "seules les tables retournées, expertisées et réellement flashées/brûlées" pouvaient "donner droit à compensation du préjudice subi » ; que ce n'est qu'après le retour dans ses ateliers de plusieurs dizaines d'appareils et leur examen individuel qu'elle acceptait de reconnaître les vices affectant 74 tables (54 renvoyées d'Espagne et 20 tables renvoyées de France) sur un ensemble de 100 tables retournées comme ayant été "flashées" ou "brûlées" ; que par un mail du 12 décembre 2005, elle devait émettre un avoir de 115 675,13 euros au profit de la société SMEG ; Qu'il ne fait également guère de doute, et cela est conforté par l'établissement des multiples documents "SMEG-Echange Technique" produits aux débats, remplis à l'occasion de chaque retour d'une table par les distributeurs de la société SMEG, que la société demanderesse a toujours transmis avec diligence les informations qui lui parvenaient de ses distributeurs, et qu'aucun reproche ne saurait donc lui être opposé au regard de l'application de l'article 39.1 de la Convention de Vienne ; Que cependant la SAS ROTHELEC fait encore grief à la société SMEG de ne pas avoir respecté le délai butoir de l'article 39.2 de la Convention de Vienne, au-delà duquel un acquéreur ne peut plus se prévaloir d'un défaut de conformité ; Que, de son côté, la société SMEG estime avoir parfaitement respecté ces dispositions, dans la mesure où elle a dénoncé le défaut de conformité dans le délai de deux ans à compter de la remise effective de la marchandise ; Que cependant le délai de deux ans prévu à l'article 39.2 court à compter de la date à laquelle les marchandises ont été effectivement remises à l'acheteur (en l'occurrence la société SMEG) ; Que cela suppose de connaître précisément la date de chaque vente ROTHELEC intervenue au profit de la société SMEG, et surtout la date à laquelle la société venderesse a livré chaque table à induction, identifiable par son numéro de série, à la société italienne ; Qu'en effet, pour appliquer les dispositions de l'article 39 de la Convention de Vienne, et plus précisément celles visant le délai butoir de deux ans, il est impossible, comme l'ont fait les premiers juges à la suite de la société demanderesse, de se référer globalement aux livraisons intervenues au cours des années 2003, 2004 et 2005, et pareillement de prendre ensuite en compte les retours globalement inventoriés à certaines dates ; qu'il importe en effet à la société SMEG, qui il la charge de prouver qu'elle a dénoncé le défaut de conformité comme requis par l'article 39, de produire pour chaque table le bon de commande afférent et surtout l'indication de la date à laquelle elle a obtenu la livraison, puisque cette date fait courir le délai butoir de deux ans, avec sa justification ; Que, comme le fait valoir la société appelante, la Cour ne peut que constater que la société SMEG omet à la fois de préciser et de justifier des différentes dates auxquelles elle a précisément obtenu livraison de chaque table litigieuse ; Que la panne pouvant affecter les tables à induction à tout moment (cela ressort d'ailleurs des documents "Echange Technique" produits par la société intimée, un appareil vendu par elle à l'un de ses distributeurs le 15 octobre 2004 donnant lieu à un échange du 21 mars 2006), et les premières livraisons remontant à l'année 2003 (déjà 262 tables livrées cette année-là), il en résulte que la date de livraison du matériel entre les mains de la société SMEG est évidemment déterminante pour pouvoir apprécier si la société SMEG se trouvait encore dans le délai de deux ans pour se prévaloir du défaut de conformité ; Que la société SMEG ne prétend pas que le délai de deux ans prévu par l'article 39.2° de la Convention de Vienne serait incompatible avec la durée de la garantie contractuelle (selon un mail émanant du vendeur, la garantie contractuelle était de deux ans pour les pièces électroniques) ; Qu'elle ne soutient pas davantage que la SAS ROTHELEC aurait, explicitement ou implicitement, renoncé à son droit de contester le délai butoir de deux ans, et notamment que le vendeur aurait pu donner à tort à l'acheteur l'impression qu'il n'avait pas d'objection à opposer à la dénonciation du défaut de conformité ; qu'en tout état de cause, comme cela a été dit plus haut, il ressort des pièces versées aux débats que la société venderesse ROTHELEC n'a jamais accepté de rembourser systématiquement les tables à induction retournées, mais uniquement celles qui présentaient la caractéristique de "flashage" ou de "brûlage" (Cf mail du 17 novembre 2005), et encore à titre de "geste commercial" (mail du 12 avril 2005) ; que, s'agissant de la prétendue reconnaissance de responsabilité évoquée par la société intimée et relative à 165 autres tables à induction ayant fait l'objet d'un mail du 18 juillet 2006, il apparaît que la SAS ROTHELEC ne reconnaît pas davantage sa responsabilité et se contente d'accepter le retour de ces tables dans ses usines aux fins d'expertise, selon la procédure suivie jusqu'alors d'un commun accord, afin de lui permettre de se déterminer "cas par cas" ; Que si la société SMEG a pu dans un premier temps légitimement croire que la procédure consensuelle de restitution des tables à induction en panne et de leur examen individuel par ROTHELEC continuerait à s'appliquer aux tables à induction nouvellement déclarées en panne, tel ne pouvait plus être le cas postérieurement à la rupture des relations d'affaires, notifiée le 13 janvier 2006 par la société italienne ; qu'en effet, à partir de ce moment-là, et en dépit de la promesse d'examen de 165 nouveaux appareils donnée dans un mail du 18 juillet 2006, la société SMEG ne pouvait plus raisonnablement espérer un effort commercial de la part de la SAS ROTHELEC, qui avait jusqu'alors accepté de rembourser purement et simplement les plaques reconnues défectueuses, alors que la garantie contractuelle ne portait que sur les éléments électroniques et qu'un changement standard des composants électroniques défaillants aurait pu être imposé à la société SMEG (cela a d'ailleurs été clairement énoncé par la SAS ROTHELEC dans un mail du 12 avril 2005, dans lequel il est expressément dit que "habituellement" les tables ne sont pas reprises et que le vendeur est amené en l'occurrence à faire un "geste commercial" ; qu'à partir du moment où, postérieurement à la rupture, la SAS ROTHELEC ne faisait plus le geste commercial de procéder à l'examen technique des tables à induction retournées et de dédommager l'acheteur pour les tables reconnues défectueuses, la seule solution pour la société SMEG, demanderesse, eût été d'obtenir dans le meilleur délai une expertise judiciaire des tables à induction restant en litige ; qu'en effet, c'était à elle de prouver la réalité de son préjudice, étant constant que, parmi les tables encore en panne, il était impossible de savoir a priori combien étaient affectées d'un "flashage" ou d'un "brûlage" ; que la société demanderesse s'est cependant toujours opposée à une telle expertise judiciaire, laquelle n'a été réclamée que par la société défenderesse qui n'avait pourtant pas la charge de la preuve ; Qu'en définitive, la société SMEG n'apporte pas les éléments probants établissant qu'elle a respecté le délai butoir de deux ans pour chaque table à induction litigieuse, de sorte qu'elle est déchue du droit de dénoncer un défaut de conformité au sens de la Convention de Vienne ; » ;
1. ALORS QUE dans ses écritures d'appel, la société ROTHELEC se bornait à soutenir que la société SMEG avait méconnu les dispositions de l'article 39.1 de la Convention de Vienne et, subsidiairement, l'article 1648 du Code civil, en exerçant son action au-delà d'un « délai raisonnable », courant à compter du jour où elle avait eu connaissance du vice ; que la Cour d'appel qui, rejetant ce moyen, estime néanmoins que la société SMEG devait être déchue de son droit de se prévaloir d'un défaut de conformité, faute d'avoir agi dans un délai de deux ans à compter de la livraison des marchandises, en application de l'article 39.2 de la Convention de Vienne, a méconnu les termes du litige, et violé les articles 4, 5 et 7 du CPC ;
2. ALORS QU'EN TOUT ETAT DE CAUSE, que la société ROTHELEC n'a jamais soutenu que l'action aurait été forclose pour avoir été introduite à l'expiration du délai de deux ans fixé par l'article 39.2 de la Convention de Vienne, ce qui eût impliqué qu'elle rapporte la preuve, pour chacune des marchandises atteinte d'un vice, de la date de livraison de celle-ci, question sur laquelle elle ne prenait pas partie dans ses écritures ; que l'arrêt attaqué, qui relève d'office le moyen tiré de la méconnaissance par la société SMEG de l'article 39.2 de la Convention de Vienne, texte dont la société ROTHELEC ne se prévalait pas pour faire juger tardive ou prescrite l'action de l'exposante, sans inviter les parties à s'expliquer sur les conditions, en fait, de l'application de ce texte en l'espèce, a violé les articles 12 et 16 du CPC ;
3. ALORS QUE dans ses écritures d'appel, l'exposante faisait valoir que les tables de cuissons étaient toutes atteintes du même vice, ayant pour origine la même panne technique, commune à l'ensemble des tables de cuisson, qui avaient été livrées successivement dans le temps ; qu'elle en déduisait que le délai de l'article 39.2 de la Convention, devait commencer à courir à compter des premières livraisons, intervenues à partir d'octobre 2003, et que la dénonciation à la société ROTHELEC du défaut de conformité, intervenue en décembre 2004 valait pour toutes les autres livraisons affectées du même vice ; que la Cour d'appel qui omet de répondre à ce moyen déterminant des écritures de la société SMEG, établissant qu'elle avait agi à l'intérieur du délai de deux ans prévu par le texte susvisé, a violé l'article 455 du CPC ;
4. ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE celui qui se prétend libéré d'une obligation doit justifier le fait qui a produit l'extinction de l'obligation ; que la société ROTHELEC qui se prétendait libérée par l'expiration du délai butoir de l'article 39.2 de la convention de Vienne avait la charge de prouver qu'un délai de deux ans s'était écoulé depuis la livraison sans que la société SMEG dénonce à son fournisseur le défaut de conformité des marchandises livrées, ce qui supposait que soit rapportée la preuve de la date à laquelle les marchandises lui avaient été remises ; que la société ROTHELEC n'a ni prouvé cette date ou ces dates s'agissant d'un contrat à exécution échelonnée ni offert de les prouver ; que la Cour d'appel qui a rejeté les demandes de la société SMEG au prétexte que la société SMEG n'apportait pas les éléments probants établissant qu'elle avait respecté le délai butoir de deux ans pour chaque table à induction litigieuse, de sorte qu'elle était déchue du droit de dénoncer un défaut de conformité des marchandises au sens de la Convention de Vienne, lorsqu'il incombait à la société ROTHELEC, demanderesse à l'exception de déchéance de l'article 39.2, d'établir que les conditions d'application de cette règle étaient réunies en prouvant les dates des livraison successives qui constituaient le point de départ du délai de déchéance, a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du Code civil et 39.2 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 ;
5. ALORS QU'aux termes de l'article 39.2 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 : Dans tous les cas, l'acheteur est déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité s'il ne le dénonce pas au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises, à moins que ce délai ne soit incompatible avec la durée d'une garantie contractuelle ; que ce délai dit délai butoir de l'article 39.2 n'est pas un délai de prescription mais le délai dans lequel se trouve enfermée la dénonciation du défaut de conformité de l'article 39.1 ; qu'en jugeant que ce délai était un délai de prescription susceptible d'être interrompu par une demande en référé, la Cour d'appel a violé le texte susvisé.
Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Rothelec, demanderesse au pourvoi incident.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi incident fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société ROTHELEC de l'action en responsabilité qu'elle avait formée à l'encontre de la société SMEG par la voie reconventionnelle pour rupture des relations commerciales établies sur le fondement de l'article L. 442-6.I.5° du Code de commerce ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'à titre reconventionnel, la SAS ROTHELEC réclame le paiement par la société SMEG d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, ainsi que d'une somme de 30.000 euros pour rupture brutale des relations d'affaires sur le fondement de l'article L. 442-6.I.5° du Code de commerce ; que, s'agissant de l'application de ce dernier texte, elle fait grief aux premiers juges d'avoir retenu que, les parties ayant entendu soumettre leurs relations commerciales à la Convention de Vienne, l'article L. 442-6.I.5 du Code de commerce, qui impose de ne pas rompre brutalement des relations commerciales établies, ne peut trouver à s'appliquer aux relations commerciales internationales entretenues par les deux sociétés ; que la SAS ROTHELEC fait ensuite valoir qu'en vertu de ce texte la responsabilité de la société SMEG est engagée et l'oblige à réparer le préjudice causé par le fait d'avoir rompu brutalement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée des relations commerciales et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce ; que subsidiairement, l'application de la Convention de Vienne ne fait pas obstacle à un dédommagement pour cause de rupture brutale des relations d'affaires ; qu'en effet, l'article 7 de la Convention se réfère à la nécessité d'assurer le respect de la bonne foi dans le commerce international ; qu'en l'occurrence, la société SMEG admettait elle-même être liée par un préavis de trois mois, qu'elle n'a cependant pas respecté, aucune table n'ayant été livrée au cours des trois mois ayant suivi sa décision de mettre fin aux relations commerciales ; qu'elle réclame un dédommagement sur la base de la marge brute perdue sur trois mois, en se référant à la moyenne des ventes des années 2004 et 2005 ; que cependant l'application de la Convention de Vienne, qui constitue en l'occurrence le droit substantiel français de la vente internationale de marchandises, dès lors que les parties ne l'ont pas exclue, et qui est relative à une vente ou des ventes internationales bien définies, ne suffit pas en soi pour écarter l'application de l'article L. 442-6.I.5° du Code de commerce qui ne régit pas le droit substantiel de la vente, mais qui vient sanctionner la rupture brutale de relations commerciales établies en droit interne français ; qu'en l'occurrence que la société de droit italien SMEG, qui n'a jamais demandé l'application du droit italien et qui se réfère au contraire constamment au droit français pour voir régler les questions non résolues par la Convention de Vienne, ne peut sérieusement soutenir que les parties n'auraient pas entendu soumettre l'ensemble du litige les opposant au droit français ; qu'elle ne conteste pas subsidiairement l'existence de relations commerciales établies avec la SAS ROTHELEC au sens de l'article L. 442-6.I.5° du Code de commerce ; que cependant, même si la société SMEG se trouve aujourd'hui déchue du droit de se prévaloir des défauts de conformité en application de l'article 39.2 de la Convention de Vienne, il est constant entre les parties qu'un nombre non négligeable de tables à induction vendues par la SAS ROTHELEC à cette société était atteint de vices cachés qui les rendaient inutilisables, et que la société venderesse a d'ailleurs accepté, après examen des tables retournées, de procéder au remboursement de plusieurs dizaines d'entre elles et de dédommager la société SMEG pour les frais exposés, allant jusqu'à présenter ses excuses pour l'ensemble des désagréments subis ; que ces manquements apparaissent suffisamment graves pour que la SAS ROTHELEC ne puisse prétendre obtenir le bénéfice d'un préavis, fût-il limité à trois mois ;
1. ALORS QUE le manquement du fournisseur à son obligation de délivrance conforme dispense son contractant de respecter un préavis à l'occasion de la rupture des relations commerciales établies à la condition qu'un tel manquement présente un caractère de gravité suffisant au regard de l'ancienneté des relations contractuelles et des efforts d'adaptation du vendeur qui a remédié aux défauts de la chose vendue ; qu'il résulte des constatations auxquelles la juridiction du second degré a procédé que la société ROTHELEC avait accepté de reprendre les tables à induction défectueuses livrées à la société SMEG, de les remplacer et de dédommager son cocontractant pour les frais exposés, allant jusqu'à présenter des excuses pour les désagréments occasionnés ; qu'en se déterminant en considération de la seule survenance d'un vice caché pour dispenser la société SMEG de respecter un préavis à l'occasion de la cessation des relations établies du fait de ce grave manquement, en dépit des efforts déployés par la société ROTHELEC afin de remédier aux défauts de conformité, de remplacer les tables défectueuses et d'indemniser son acheteur, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par la société ROTHELEC (conclusions, p. 12, § 1), si les réparations réalisées par ses soins avaient mis fin aux pannes du propre aveu de la société SMEG, ce qui retirait toute gravité aux motifs invoqués par cette dernière, pour se dispenser du respect d'un préavis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6.I.5° du Code de commerce ;
2. ALORS si tel n'est pas le cas QU'il est interdit de se contredire au détriment d'autrui ; qu'en décidant que la survenance d'un vice caché constituait un motif grave dispensant la société SMEG de respecter un délai de préavis, bien qu'elle ait admis elle-même par courrier du 13 janvier 2006 qu'elle s'engageait à respecter un préavis de trois mois lorsqu'elle a informé la société ROTHELEC de mettre fin à leurs relations d'affaires, la cour d'appel a violé le principe précité, ensemble l'article L. 442-6.I.5° du Code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Le pourvoi incident fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande que la société ROTHELEC avait formée à l'encontre de la société EGO afin qu'elle soit condamnée à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de la société SMEG ;
AUX MOTIFS QUE sur l'appel en garantie, il devient sans objet au regard de l'infirmation du jugement entrepris sur l'appel de la société ROTHELEC ;
ALORS QU'à supposer par extraordinaire qu'une cassation intervienne sur le pourvoi de la société SMEG, elle emportera annulation par voie de conséquence des dispositions de l'arrêt attaqué disant n'y avoir lieu à statuer sur l'appel en garantie dirigée par la société ROTHELEC contre son fournisseur, la société EGO, en application des articles 624, alinéa 2, et 625 du Code de procédure civile.