LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1233-4 du code du travail ;
Attendu qu'en application de ce texte, si l'employeur n'est pas en mesure de proposer au salarié un reclassement dans un emploi de même catégorie ou dans un emploi équivalent, il lui incombe, sous la seule réserve de l'accord exprès du salarié, de reclasser l'intéressé dans un emploi de catégorie inférieure ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... engagée le 15 septembre 1993 par l'association Maison familiale rurale du Clunisois, en qualité d'enseignante, a été licenciée pour motif économique le 23 septembre 2008 ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que s'agissant de l'obligation de recherche de reclassement qui s'impose à l'employeur en matière de licenciement pour motif économique, il doit être observé, à l 'instar des premiers juges, qu'il n'existait aucun emploi disponible et compatible avec les qualifications professionnelles de la salariée au sein de l'établissement permettant le reclassement de l'intéressée à l'époque de son licenciement ; que rien ne démontre, de surcroît, que la Maison familiale rurale du Clunisois ait, dans le même temps, recruté du personnel pour occuper un emploi équivalent à celui de l'appelante et que le registre du personnel fait seulement état de l'embauche de surveillants, d'un maître de maison, d'une monitrice et de cuisiniers ;
Qu'en se déterminant ainsi sans rechercher si les emplois de surveillants, de maître de maison, de monitrice et de cuisiniers correspondant à des emplois de catégorie inférieure n'étaient pas adaptés aux capacités et aux aptitudes de la salariée et s'ils lui avaient été proposés préalablement au licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement pour motif économique est fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 8 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne l'association Maison familiale rurale du Clunisois aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'association Maison familiale rurale du Clunisois et la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que le licenciement de Mme X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et D'AVOIR, en conséquence, rejeté les demandes que Mme X... avait formées à ce titre ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE les productions de l'employeur démontrent que si les données comptables de l'exercice 2007/2008 ne figurent pas dans le document intitulé « Projet de licenciement collectif » qui a été établi le 24 juillet 2008 pour être soumis à la consultation des délégués du personnel, cette absence résulte de ce que l'exercice comptable de l'association est clôturé le 31 août de chaque année ; que l'employeur n'en a pas moins pris le soin de fournir, dans ledit document, un « compte de résultat prévisionnel au 31 août 2008 actualisé des derniers éléments connus au 30 juin » ; que de la lecture de ce compte de résultat, il ressort que les effectifs par classe restent insuffisants malgré les regroupements de niveaux ; qu'il importe peu, dans ces conditions, que les effectifs globaux soient restés stables, comme le soutient Mme X..., ou qu'ils aient connu une légère diminution, comme tend à l'établir le tableau d'évolution quantitative repris dans le document précité ; que la stabilité des charges de personnel jusqu'en 2006/2007, invoquée par la salariée, n'a pas été masquée puisqu'elle ressort clairement dudit document ; que cette stabilité, qui ne doit pas être surestimée, exclut que le recrutement de plusieurs salariés en contrat de travail à durée déterminée ou en contrat de travail à durée indéterminée puisse être considéré comme un acte de mauvaise gestion ; que l'importante augmentation des charges financières dénoncée par la salariée doit être relativisée dans la mesure où ce poste, qui est passé de 1.734 euros en 2004/2005 à 14.508 euros en 2006/2007, n'excédait pas 1,66 % du montant total des charges de l'association au dernier exercice ; que s'il est vrai que les résultats financiers de l'association traduisaient une tendance récurrente au déficit depuis l'exercice 2002/2003, le document présenté aux délégués du personnel montre une corrélation entre ce déficit et les subventions du ministère de l'agriculture ainsi que l'augmentation des charges de personnel ; que rien n'infirme cette indication ; qu'il est démontré que les heures d'enseignement précédemment dispensées par Mme X... ont été confiées à d'autres enseignants ; que le transfert des tâches d'un salarié à l'autre caractérise la suppression du poste ou d'une partie d'un poste ; que la contestation émise sur ce point par Mme X... n'est pas fondée ; qu'à le supposer établi, le choix opéré par l'employeur de privilégier la réduction du temps de travail des salariés à temps partiel est insusceptible d'être remis en cause, le juge du contrat de travail n'ayant pas à contrer les arbitrages de l'employeur entre les différentes possibilités de réorganisation de l'entreprise ; qu'étant établi que le compte de résultat prévisionnel de la Maison familiale rurale du Clunisois au 31 août 2008 présentait un déficit d'un montant de 161.000 euros, qu'à la date de rupture, l'association avait un résultat net négatif à hauteur de 61.235 euros, en importante progression par rapport à l'exercice précédent, et que la production vendue avait diminué de 10 % d'un exercice à l'autre, le licenciement de Mme X... repose sur une cause réelle et sérieuse ; que s'agissant de l'obligation de recherche de reclassement qui s'impose à l'employeur en matière de licenciement pour motif économique, il n'existait aucun emploi disponible et compatible avec les qualifications professionnelles de Mme X... au sein de l'établissement permettant le reclassement de l'intéressée à l'époque de son licenciement ; que rien ne démontre, de surcroît, que la Maison familiale rurale du Clunisois ait, dans le même temps, recruté du personnel pour occuper un emploi équivalent à celui de Mme X... ; que le registre du personnel fait seulement état de l'embauche de surveillants, d'un maître de maison, d'une monitrice, de cuisiniers ; que Mme X... a refusé les postes à durée limitée de chargée de cours en arts plastiques et d'auxiliaire de vie scolaire qui lui ont été proposés respectivement le 2 février 2009 et le 31 mars 2009 dans le cadre de la priorité de réembauchage ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QU'il incombe à la juridiction saisie de vérifier que les mesures prises sur le plan économique étaient nécessaires à la sauvegarde de la compétitivité de la société ; qu'en l'espèce, l'employeur a justifié le licenciement économique par les éléments suivants : « refus de la proposition de modification du contrat de travail faite en raison : - A la rentrée prochaine la formation Bac Pro Technicien Vente et Conseil Qualité en Produits Alimentaires (diplôme du ministère de l'agriculture) est ouverte dans le cadre du contrat initial reliant l'association de la MFR à l'Etat et par conséquent entraîne la fermeture de la formation Bac Professionnel non contractualisé. Le référentiel de la nouvelle formation imposé 16 heures d'enseignement des heures en arts plastiques (contre 32 heures dans la formation Bac Pro Commerce). Les heures de formation à organiser sont donc réduites d'autant. - La situation financière de la MFR impose des restrictions. Par conséquent, sur le cycle 4ème 3ème de l'enseignement agricole, les cours en Education Socio Culturelle sont affectés au personnel employé à temps plein et donc sont réduits. » ; qu'il s'agit bien de motifs précis, c'est-à-dire matériellement vérifiables ; que la raison qui a conduit l'employeur a à procéder au licenciement de Mme X... est le refus de cette dernière d'accepter la modification d'un élément essentiel de son contrat de travail, à savoir son temps de travail ; que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse seulement si la modification n'est pas justifiée par un motif économique ; que les difficultés financières rencontrées par l'association ne paraissent pas contestables ; qu'en effet, par courrier recommandé daté du 3 juillet 2008, M. Z..., pris en sa qualité de commissaire aux comptes, a alerté le président de l'association d'un certain nombre de faits, conformément aux dispositions de l'article L. 612-3 alinéa 3 du code du commerce : - le compte de résultat prévisionnel au 31/08/2008 actualisé des derniers éléments connus au 30 juin fait apparaître un déficit de 161.000 euros, lequel s'explique principalement par la diminution des produits d'accueil, de la formation continue et d'une augmentation globale des postes de charges ; - le déficit d'exploitation ne permettra pas de rembourser les annuités d'emprunt ; - les réserves de trésorerie actuelles sont insuffisantes pour assurer la couverture de l'exercice à venir ; - des mesures drastiques sont à prendre pour revenir au plus vite à l'équilibre du compte de résultat ; - les coûts de la structure doivent être définis en fonction des produits prévus pour l'exercice 2008-2009 ; - toutes les charges d'exploitation doivent être adaptées au nouveau contexte du marché, en vérifiant qu'elles sont conformes aux ratios observés dans les Maisons familiales ; que le commissaire aux comptes conclut sa lettre en indiquant que les faits susmentionnés sont de nature à compromettre la continuité de l'exploitation ; qu'à la date de licenciement (moment où doit s'apprécier la réalité du motif économique), le résultat net représentait une perte de 661.235 euros (contre 27.264 euros par rapport à l'exercice N-1), la production vendue (biens et services) chutait de près de 10 % et la trésorerie ne permettait pas de faire face à l'exercice suivant ;
ALORS, 1°), QUE la lettre de licenciement pour motif économique doit mentionner les raisons économiques prévues par la loi et leur incidence sur l'emploi ou sur le contrat de travail ; que l'énoncé d'un motif imprécis équivaut à une absence de motif ; que n'est pas suffisamment motivée la lettre de licenciement pour motif économique qui se borne à indiquer que la modification contractuelle refusée par Mme X... lui a été proposée pour les motifs suivants : « - à la rentrée prochaine, la formation Bac Pro Technicien Vente et conseil qualité en produits alimentaires (diplôme du ministère de l'agriculture) est ouverte dans le cadre d'un contrat initial reliant l'association de la MFR à l'Etat et par conséquent entraîne la fermeture de la formation bac professionnel non contractualisé. Le référentiel de la nouvelle formation impose 16 heures d'enseignement des heures en arts plastiques (contre 32 heures dans la formation Bac Pro Commerce) les heures de formation à organiser sont donc réduites d'autant. - La situation financière de la MFR impose des restrictions. Par conséquent, sur le cycle 4ème 3ème de l'enseignement agricole, les cours en Education Socio Culturelle sont affectés au personnel employé à temps plein et donc sont réduits ; qu'en décidant néanmoins que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement étaient précis, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-16, L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail ;
ALORS, 2°), QUE le licenciement économique d'un salarié ne peut intervenir, même en cas de modification du contrat de travail refusé par le salarié, que si son reclassement dans l'entreprise s'avère impossible ; que l'employeur doit proposer, dans le cadre de son obligation de reclassement, des emplois disponibles de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure ; qu'en considérant que l'employeur avait accompli son obligation de reclassement, sans rechercher si les embauches de surveillants, d'un maître de maison, d'une monitrice et de cuisiniers correspondaient à des emplois de catégorie inférieure pouvant être proposés à la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail.