LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la deuxième branche du premier moyen :
Vu l'article 860, alinéa 1er, du code civil ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation ;
Attendu que, pour fixer à une certaine somme le montant du rapport dû par Mme X... en raison de la donation en avancement d'hoirie que lui avait consentie le 18 septembre 1974 sa mère, Marie-Louise Y..., décédée le 12 novembre 2000, l'arrêt confirmatif attaqué retient qu'en ce qui concerne la parcelle C 104, l'expert a indiqué que " le terrain nous paraît devoir être assimilé à un terrain d'urbanisation future dont les perspectives de constructibilité sont différées dans le temps " ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle a constaté, par motifs adoptés, que le terrain n'est pas, pour l'instant, constructible, et relevé que la situation n'a pas changé depuis l'avis de l'expert dont le rapport avait été déposé le 24 octobre 2007, la cour d'appel, prenant en compte un hypothétique changement de destination de l'objet de la donation, ne s'est pas placée à l'époque du partage pour en apprécier la valeur, violant ainsi le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen et sur les deuxième et troisième moyens auxquels Mme X... a déclaré renoncer :
CASSE ET ANNULE, seulement en ce qu'il a fixé à la somme de 178 200 euros le montant de la somme que Mme X... doit rapporter à la succession de Marie-Louise Y..., l'arrêt rendu le 14 juin 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne Mmes Z..., A... et B... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes formées par Mmes Z..., A... et B... et condamne celles-ci, in solidum, à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour Mme Madeleine C..., épouse X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que Madame Madeleine C... épouse X... devait rapporter à la succession de Madame Marie-Louise Y... veuve C... la somme de 178. 200 € ;
AUX MOTIFS QUE l'expert a rappelé les dispositions de l'article 860 du Code civil pour évaluer le rapport dû par Madeleine C..., il a longuement analysé les déclarations contraires des parties et les documents qu'elles ont produits (photographies) pour déterminer l'état des biens donnés en 1974 et il a évalué le bien à la date de son rapport selon sa consistance à l'origine telle qu'il l'a décrite, compte non tenu du logement aménagé par la donataire dans le volume de la grange et du fenil. L'appelante ne peut solliciter la prise en compte de travaux effectués après 1974 dès lors que d'après l'expert ils sont actuellement à reprendre totalement et n'apportent aucune plus-value. L'expert ayant respecté les dispositions de l'article 860 du Code civil et ayant parfaitement motivé l'état à la date de la donation et l'évaluation à la date du dépôt de son rapport, le Tribunal a retenu à bon droit la valeur de 85. 000 € en ce qui concerne les bâtiments. En ce qui concerne la parcelle C 104, l'expert a indiqué " le terrain nous paraît devoir être assimilé à un terrain d'urbanisation future dont les perspectives de constructibilité sont différées dans le temps " et l'appelante ne produit aucun élément précis susceptible d'infirmer cette conclusion. Elle reconnaît même que la parcelle litigieuse est en zone AU urbanisable dans le futur et ne fait état que d'un éloignement de cette parcelle et du nombre important de zones AU plus proches du village pour solliciter une évaluation au prix du terrain agricole. Cependant, dès lors que la situation n'a pas changé depuis l'avis de l'expert, l'évaluation à 10 € le m2 sera retenue ;
1) ALORS, D'UNE PART, QUE le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, Madame Madeleine C... épouse X... soutenait qu'il résultait tant de l'acte notarié de donation en avancement d'hoirie du 18 septembre 1974 (pièce n° 1), que des photographies prises à cette date (pièces n° 36, 37, 40 et 52), qu'à cette époque la maison d'habitation était en très mauvais état, les murs en pisé et la toiture, constellés de trous et de fissures, étant maintenus par de grosses calles en bois, le chauffage rudimentaire, le système électrique dangereux et les sanitaires inexistants, ce dont l'expert n'avait pas tenu compte pour fixer forfaitairement la valeur des bâtiments à 85. 000 € ; qu'à cet égard, elle invoquait et produisait aux débats une lettre de Maître D..., notaire chargé des opérations de succession, du 2 février 2001, évaluant les biens donnés en avancement d'hoirie à la somme de 280. 000 F (42. 685, 72 €), en tenant compte objectivement de l'état dans lequel ils se trouvaient au moment de la donation ; que dès lors, en se bornant à affirmer, sans aucune appréciation concrète, que l'expert avait parfaitement motivé l'état des biens litigieux à la date de la donation et l'évaluation à la date du dépôt de son rapport, sans s'expliquer sur ces documents, dûment invoqués par l'exposante et propre à démontrer que l'expert n'avait pas évalué les bâtiments litigieux d'après leur état à l'époque de la donation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 860, alinéa 1, du Code civil ;
2) ALORS, D'AUTRE PART, QUE le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation ; qu'en l'espèce, il résultait des propres conclusions du rapport d'expertise judiciaire de Monsieur E...que concernant la parcelle C 104, à la date du partage, le terrain attenant aux bâtiments n'était pas constructible, sa constructibilité dans le futur n'étant d'ailleurs qu'hypothétique en l'absence d'élaboration de plan local d'urbanisme et compte tenu de l'avis défavorable donné par les services de l'équipement le 19 janvier 2007 ; que dans ses conclusions d'appel, Madame Madeleine C... épouse X... soutenait que, dès lors, l'expert n'avait pu retenir, sans violer le principe selon lequel le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, que ce terrain devait être assimilé à un terrain d'urbanisation future dont les perspectives de constructibilités étaient différées dans le temps et que sa valeur devait tenir compte de ce changement de destination à terme ; qu'en reprenant pourtant à son compte cette évaluation erronée, la Cour d'appel a violé l'ancien article 860, alinéa 1, du Code civil ;
3) ALORS, EN OUTRE, QUE dans le calcul du rapport, il doit être tenu compte au donataire des impenses nécessaires qu'il a faites pour la conservation du bien, encore qu'elles ne l'aient point amélioré ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, l'exposante faisait valoir avoir effectué pour 166. 514 € de travaux depuis 1974, consistant principalement en la réfection de la charpente et de la couverture, la reprise des murs en pisé avec une ceinture en béton armé, le crépissage des murs extérieurs, l'installation d'un chauffage central et de sanitaires, la réfection complète de l'électricité, ce afin d'éviter que la maison d'habitation ne tombe en ruine et produisait aux débats les pièces en justifiant ; qu'elle sollicitait en conséquence que ces impenses viennent en déduction de la valeur rapportable ; que la réalité et le coût de ces travaux n'étaient pas contestés par l'expert judiciaire ; qu'en refusant néanmoins d'en tenir compte, au motif inopérant que d'après l'expert ces travaux effectués après 1974 étaient actuellement à reprendre totalement et n'apportaient aucune plus-value, sans rechercher, comme elle y était tenue, si ces travaux avaient été nécessaires à la conservation des biens litigieux, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 861, alinéa 2, du Code civil.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Madame Madeleine C... épouse X... de sa demande en déduction d'une somme de 166. 574 € de l'actif des successions à partager ;
AUX MOTIFS QUE le Tribunal a décidé à bon droit qu'en sa qualité de donataire Madeleine C... ne pouvait obtenir le remboursement de travaux effectués sur un bien dont elle était nue propriétaire ;
ALORS QUE dans le calcul du rapport, il doit être tenu compte au donataire des impenses nécessaires qu'il a faites pour la conservation du bien, encore qu'elles ne l'aient point amélioré ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, l'exposante faisait valoir avoir effectué depuis 1974, aux fins de conservation de la maison d'habitation donnée en avancement d'hoirie, pour 166. 514 € de travaux consistant principalement en la réfection de la charpente et de la couverture, la reprise des murs en pisé avec une ceinture en béton armé, le crépissage des murs extérieurs, l'installation d'un chauffage central et de sanitaires, la réfection complète de l'électricité et produisait aux débats les pièces en justifiant ; que la réalité et le coût des travaux n'étaient pas contestés par l'expert judiciaire ; que l'exposante sollicitait en conséquence que ces impenses viennent en déduction de la valeur rapportable ; qu'en refusant néanmoins de tenir compte de ces travaux, au motif erroné au regard de l'ancien article 861, alinéa 2, du Code civil qu'en sa qualité de donataire, Madame C... ne pouvait obtenir le remboursement de travaux effectués sur un bien dont elle était nue propriétaire, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé en toutes ses dispositions le jugement déféré, le rapport dû par Madame Gisèle C... épouse A... étant cependant ramené à la somme de 37. 600 € au lieu de 47. 000 € ;
AUX MOTIFS QUE la situation relative à la viabilisation et à la desserte du bien donné à l'époque de la donation doit être prise en compte dès lors que ces éléments concernent l'état du bien. L'expert a justifié son évaluation par un courrier de la mairie de Plan du 26 juillet 2004 et l'appelante ne justifie pas son accusation de témoignage complaisant. L'évaluation de 16 € le m2 a été retenue à bon droit par le Tribunal et sera confirmée. L'erreur de l'expert sera cependant rectifiée et le rapport dû par Madame Gisèle C... épouse A... sera fixé à 37. 600 € au lieu de 47. 000 € ;
ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, l'exposante soutenait qu'en pages 40 et 41 du pré-rapport du 20 juin 2007, l'expert E...avait estimé la parcelle donnée à Madame Gisèle C... épouse A... à 2. 350 m ² x 20 € = 47. 000 € et qu'en pages 50 et 51 de son rapport définitif du 24 octobre 2007, reprenant mots pour mots les développement justifiant de la valeur du terrain figurant dans son pré-rapport, il avait modifié le prix du m ² à 16 €, en estimant pourtant toujours la parcelle à 47. 000 € ; qu'il en résultait que l'erreur de l'expert était une simple erreur de plume portant sur le prix du m ² et non sur l'évaluation de la parcelle comme le prétendait à tort Madame A... ; que dès lors, en ne répondant pas à ce moyen pertinent, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.