LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé par la société Laiterie coopérative alsacienne Alsace-lait à compter du 7 mars 1977, M. X..., victime d'un accident du travail le 16 juin 2006, a été placé en arrêt de travail jusqu'au 26 mars 2007 ; qu'à l'issue d'une unique visite du 27 mars 2007 visant un danger immédiat, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste ; qu'il a été licencié le 26 avril 2007 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 1226-14 du code du travail ;
Attendu qu'après avoir écarté l'origine professionnelle de l'inaptitude et l'application des dispositions des articles L. 1226-10 et suivants du code du travail, l'arrêt accueille la demande en paiement d'un solde d'indemnité de licenciement dont le montant, calculé en application des dispositions des articles R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du travail, a été doublé conformément à l'article L. 1226-14 du même code invoqué par le salarié ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, dont il résultait de ses constatations l'inapplication de l'article L. 1226-14 du code du travail, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Laiterie coopérative alsacienne Alsace-lait à payer à M. X... la somme de 6 972,68 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement, l'arrêt rendu le 19 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils, pour la société Laiterie coopérative alsacienne Alsace-lait.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Monsieur X... dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la Société ALSACE-LAIT à lui verser diverses indemnités ;
AUX MOTIFS QUE
« 2°) Sur la recherche de reclassement de Monsieur X... :
Il résulte des dispositions de l'article L. 1226-2 du Code du travail que :
« Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ».
En l'espèce, la société ALSACE LAIT ne justifie d'aucune autre démarché que l'envoi à Monsieur X... d'une lettre du 5 avril 2007 mentionnant trois postes disponibles, qui ne pouvaient lui convenir soit en raison des qualifications exigées, soit en raison de son état de santé ;
L'intimée invoque également l'avis du médecin du travail en ce qu'il a déclaré Monsieur X... totalement et définitivement inapte à son poste ;
Cependant, l'avis du médecin du travail, qui ne concerne qui l'inaptitude à l'emploi que Monsieur X... occupait précédemment, ne dispense pas l'employeur de rechercher une possibilité de reclassement au sein de l'entreprise, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ;
Aucun élément n'étant produit, et aucune explication n'étant fournie par la société ALSACE LAIT concernant une recherche de transformation ou d'aménagement, en particulier des deux postes de magasinier disponibles dont elle fait état dans sa lettre précitée, elle doit être considérée comme n'ayant pas rempli son obligation à ce titre, et le licenciement sera déclaré sans cause réelle et sérieuse ;
3°) Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Les demandes formulées par Monsieur X... au titre de la nullité de son licenciement doivent s'interpréter comme concernant également les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Le licenciement de Monsieur X... étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il peut prétendre à une indemnité à ce titre qui, compte tenu d'une ancienneté de 30 années dans l'entreprise, de la substitution à son salaire d'une allocation d'aide au retour à l'emploi et des difficultés financières qui s'en sont suivies, ayant notamment nécessité le recours à l'épicerie sociale de BISCHHEIM et à l'association « Le Secours », sera fixée, à défaut d'autres pièces justificatives de son préjudice, à la somme de 24 000 € ;
Si le salarié déclaré inapte à son emploi, qui n'est pas en mesure pour ce motif d'exécuter son préavis, ne peut en principe prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice, il en va différemment lorsque le licenciement est, comme en l'espèce, jugé sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement ;
Monsieur X... peut en conséquence prétendre au paiement d'une indemnité de préavis correspondant à 2 mois de salaire, en application de l'article 50 de la convention collective des coopératives laitières agricoles ;
Le mode de calcul de cette indemnité n'étant pas discuté, la société ALSACE LAIT sera condamnée à payer à Monsieur X... la somme de 3 233,16 €, outre la somme de 323,31 € au titre des congés payés afférents ;
Monsieur X... peut également prétendre au versement d'une indemnité de licenciement, calculée selon les prévisions des articles R 1234-1 et suivants du Code du travail, plus favorables que celles de l'article 53 de la convention collective, et s'élevant à la somme de 14 145,07 €, dont il y a lieu de déduire le versement de 7 172,39 € qu'il reconnaît avoir déjà perçu ;
La société ALSACE LAIT sera en conséquence condamnée à lui payer un solde de 6 972,68 € au titre de l'indemnité de licenciement.
4°) Sur la prime d'ancienneté :
Il résulte de l'article 38 de la convention collective que les salariés totalisant plus de 15 ans d'ancienneté, ce qui était le cas de Monsieur X..., devaient percevoir une prime d'ancienneté égale à 9 % de leur salaire, mais que les entreprises appliquant l'accord national du 18 juillet 1996 sur la réduction du temps de travail pouvaient maintenir les primes d'ancienneté au niveau atteint en valeur absolue à la date d'application de cet accord, et ne plus les faire évoluer.
L'accord d'entreprise de la société ALSACE LAIT du 17 février 2000 prévoit en conséquence le maintien de la prime d'ancienneté au niveau atteint en valeur absolue moyenne au cours des douze mois de l'année 2000 ;
Une lettre explicative du 24 mars 2006, entraînant une régularisation pour la période de janvier 2000 à février 2006 et la fixation du montant mensuel de la prime, en valeur absolue, à la somme de 102,69 € mensuels, a été établie et contresignée par Monsieur X... ;
Cette lettre précise d'une part :
« A toutes fins utiles, nous vous rappelons que la prime d'ancienneté est fixe, sauf en cas d'absence autre que les congés payés, auquel cas elle diminue « ,
et d'autre part qu'elle entraîne renonciation de la part de Monsieur X... à toute action ou instance de quelque nature que ce soit ;
En conséquence, Monsieur X... ne peut plus présenter de réclamation au titre du calcul de la prime d'ancienneté pour la période antérieure au 1er mars 2006, en raison de la régularisation intervenue ;
Pour la période postérieure, la prime doit être calculée en valeur absolue, à raison de 102,69 € par mois, et non en pourcentage du salaire ;
Pour la période de mars 2006 à avril 2007 inclus, il lui était ainsi dû la somme de 1 437,66 €, et il résulte du tableau de calcul qu'il produit qu'il a perçu pour l'ensemble de cette période une somme de 602,43 € ;
La société ALSACE LAIT, qui affirme que le salaire maintenu pendant les périodes d'arrêt de travail de Monsieur X... incluait la prime d'ancienneté, ne produit aucun décompte, et ne le démontre pas ;
Elle sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 835,23 € représentant le solde de prime d'ancienneté restant dû à l'appelant ;
4°) Sur les dépens et l'indemnité sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
La société ALSACE LAIT succombant pour l'essentiel, elle supportera les dépens de l'instance d'appel s'il y a lieu ;
Monsieur X... bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale selon décision du 5 juillet 2010, la société ALSACE LAIT sera condamnée à payer à son conseil la somme de 1 500 € au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens, par application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Elle sera déboutée de sa propre demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile » (arrêt attaqué p. 4, 5 et 6).
ALORS QUE la Société ALSACE LAIT a procédé aux recherches utiles sur le reclassement de Monsieur X... et a clairement indiqué que les postes disponibles lui étaient interdits tant en raison de son profil professionnel que de son inaptitude déclarée totale et définitive par le médecin du travail à occuper un emploi qui ne pouvait être transformé ou amélioré ; que la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L 1226-10 du Code du travail ni satisfait aux prescriptions de l'article 455 du Code de procédure civile.
ET QUE la Cour de COLMAR a accordé à Monsieur X... une indemnité spéciale de licenciement sans préciser les raisons pour lesquelles il pouvait y prétendre, son inaptitude n'étant pas, au demeurant, d'origine professionnelle d'après les indications mêmes du médecin du travail ; que la Cour de COLMAR a violé les articles L 1226-10, L 1296-14, L 1234-9 du Code du travail, 455 du Code de procédure civile.