LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 5 mai 2011), que M. X..., dirigeant de la société Maisons Arpèges (la société) a, en cette qualité, émis une lettre de change au profit de la société Gautier en paiement de travaux effectués par cette dernière pour le compte de la société ; que la lettre de change, présentée à l'encaissement étant revenue impayée, la société Gautier a assigné M. X... en sa qualité d'avaliste ;
Attendu que la société Gautier fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes en paiement d'une somme de 90 092,84 euros formulée à l'encontre de M. X... ainsi qu'au paiement de 5 000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée, alors, selon le moyen :
1°/ que la lettre de change du 2 octobre 2008 comportait la mention « acceptation ou aval », à la droite immédiate de laquelle figurait une flèche inclinée vers le bas en direction d'un emplacement spécialement matérialisé (droite horizontale brisée vers le haut en ses deux extrémités) et clairement dédié à la signature, dans lequel M. X... avait apposé la sienne ; qu'en affirmant que la signature de M. X... avait été portée dans un espace ne correspondant à l'apposition d'aucune signature, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit applicables et donner leur exacte qualification aux faits et actes litigieux ; qu'en l'espèce, la société Gautier faisait valoir que la signature de M. X... devait s'analyser, en l'absence de toute mention ou tampon révélant qu'elle aurait été donnée ès qualités de gérant de la société Maisons Arpèges, en un engagement personnel de droit commun de payer ou en commencement de preuve par écrit ou en engagement de payer le détenteur du titre le jour de l'échéance ou en engagement de payer en cas de défaillance de la société Maisons Arpèges ; que dès lors en reprochant à la société Gautier de ne pas faire la preuve d'un cautionnement ou d'un commencement de preuve par écrit d'un tel cautionnement, sans à aucun moment s'expliquer sur les autres qualifications juridiques susceptibles de recouvrir l'opération à trois personnes invoquée, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
3°/ que la preuve du cautionnement commercial est libre ; qu'en retenant que la signature de M. X... ne pouvait valoir cautionnement faute d'être accompagnée d'une quelconque mention, ni même commencement de preuve par écrit, quand il était constant que M. X... était gérant de la société Maisons Arpèges et avait ainsi un intérêt personnel et particulier à la réalisation de l'opération principale conclue avec la société Gautier et, partant, à garantir la dette commerciale en résultant, la cour d'appel a violé l'article L. 110-3 du code de commerce ;
4°/ qu'en tout état de cause, vaut en soi commencement de preuve par écrit d'un cautionnement, la signature portée, en sus de celle apposée par le tireur, sur une lettre de change requalifiée en titre au porteur faute de précision du bénéficiaire, dès lors qu'aucune mention ne révèle qu'elle aurait été donnée à un titre autre que personnel ; qu'en retenant qu'une telle signature ne pouvait valoir comme un commencement de preuve d'un cautionnement, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1347 et 2288 du code civil ;
5°/ que constitue un élément de preuve susceptible de corroborer le commencement de preuve par écrit de l'existence d'un cautionnement, résultant de la signature apposée sur une lettre de change déqualifiée en titre au porteur, l'intérêt personnel que le signataire a à garantir la dette du tireur ; qu'en se bornant à relever que les factures produites par la société Gautier ne venaient pas corroborer un engagement personnel de M. X..., signataire, sans rechercher si le fait que M. X... était le gérant de la société débitrice et avait ainsi un intérêt personnel à la réalisation de l'opération principale et à garantir sa dette, ne constituait pas un élément venant corroborer un engagement personnel de sa part, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1315, 1347 et 2288 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que le nom du bénéficiaire avait été laissé en blanc sur le titre, l'arrêt retient qu'il lui appartenait de faire la preuve, suivant le droit commun, de l'engagement de caution souscrit par M. X... ; que de ces motifs la cour d‘appel, hors toute dénaturation a exactement déduit que la société Gautier ne pouvait se prévaloir des dispositions spécifiques à l'aval ;
Attendu, en second lieu, qu'ayant relevé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve, que la signature de M. X..., qui n'était accompagnée d'aucune autre mention, ne pouvait valoir ni comme cautionnement ni comme commencement de preuve d'un tel engagement en l'absence de tout autre élément le corroborant, la cour d‘appel a pu en déduire que M. X... ne s'était pas engagé en qualité de caution ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Gautier aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Gautier
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris et d'AVOIR débouté la SAS GAUTIER de sa demande en paiement d'une somme de 90.092,84 € formulée à l'encontre de Monsieur X..., et de sa demande tendant à voir condamner Monsieur X... au paiement de 5.000 € de dommages intérêts pour résistance abusive et injustifiée, outre de l'AVOIR condamnée à une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « pour critiquer le jugement, Monsieur X... soutient que la lettre de change est nulle et qu'il ne s'est jamais engagé en qualité d'aval, les conditions pour considérer que le titre vaudrait à tout le moins comme billet à ordre ou commencement de preuve par écrit de son engagement personnel n'étant pas davantage remplies ; qu'il fait valoir qu'aucune mention ‘bon pour aval' ne figure sur la lettre, que le nom du bénéficiaire n'y figure pas non plu, qu'aucune signature ne se trouve dans la case acceptation ou aval et que s'il a apposé sa signature deux fois sur le document c'est en tant que gérant de la société Maisons Arpèges tireur sur la traite et en tant que gérant de la société Maisons Arpèges tiré de la traite ; qu'à l'examen de la lettre litigieuse établit qu'aucun nom de bénéficiaire n'y est porté, que sous la mention pré-imprimé ‘signature du tireur' figure une signature reconnue comme étant celle de Monsieur X..., alors représentant légal de la Société, sur laquelle est apposé un cachet ‘les maisons arpèges', Que sous la mention pré-imprimé ‘acceptation ou aval ne figure aucune mention, une seconde signature de Monsieur X... non accompagnée d'un cachet étant portée plus bas que l'espace réservé à cette mention et plus à droite de celui-ci dans un espace qui ne correspond à l'apposition d'aucune signature ; Qu'il est donc constant que le nom du bénéficiaire de la lettre de change est laissé en blanc sur le document versé aux débats, ce dont il suit que, l'une des mentions prévues par l'article L.511-1 du Code de commerce comme condition de validité du titre cambiaire ayant été omise et cette omission n'ayant jamais été régularisée, la lettre de change se trouve privée de ses effets cambiaires ; Que l'indication du nom du bénéficiaire étant pareillement une condition de validité du biller à ordre, la lettre litigieuse ne saurait davantage valoir comme billet à ordre ; Que dès lors, pourvue d'un simple titre au porteur, la Société GAUTIER ne saurait se prévaloir des dispositions spécifiques du droit cambiaire relatives à l'aval et doit faire la preuve, suivant le droit commun, d'un engagement de caution souscrit par Monsieur X..., Qu'or seule la signature de ce dernier à l'emplacement ci-dessus évoqué, non accompagnée d'une quelconque mention, ne saurait valoir comme cautionnement ni même comme un commencement de preuve par écrit d'un tel engagement en l'absence de tout autre élément le corroborant, l'émission de factures par la Société GAUTIER au nom de la Société MAISONS ARPEGES n'étant bien évidemment en rien un élément de preuve d'un engagement pris par le dirigeant personnellement de les régler ; que le jugement sera en conséquence infirmé et la société Gautier déboutée de toutes ses demandes ; qu'il y a lieu d'allouer à Monsieur X... la somme précisée au dispositif sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. »
1 – ALORS QUE la lettre de change du 2 octobre 2008 comportait la mention « acceptation ou aval », à la droite immédiate de laquelle figurait une flèche inclinée vers le bas en direction d'un emplacement spécialement matérialisé (droite horizontale brisée vers le haut en ses deux extrémités) et clairement dédié à la signature, dans lequel Monsieur X... avait apposé la sienne ; qu'en affirmant que la signature de Monsieur X... avait été portée dans un espace ne correspondant à l'apposition d'aucune signature, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
2. – ALORS QUE le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit applicables et donner leur exacte qualification aux faits et actes litigieux ; qu'en l'espèce, la société GAUTIER faisait valoir que la signature de Monsieur X... devait s'analyser, en l'absence de toute mention ou tampon révélant qu'elle aurait été donnée es qualité de gérant de la société MAISONS ARPEGES, en un engagement personnel de droit commun de payer ou en commencement de preuve par écrit ou en engagement de payer le détenteur du titre le jour de l'échéance ou en engagement de payer en cas de défaillance de la société MAISONS ARPEGES (cf. concl. d'appel p. 6 et 7) ; que dès lors en reprochant à la société GAUTIER de ne pas faire la preuve d'un cautionnement ou d'un commencement de preuve par écrit d'un tel cautionnement, sans à aucun moment s'expliquer sur les autres qualifications juridiques susceptibles de recouvrir l'opération à trois personnes invoquée, la Cour d'appel a violé l'article 12 du Code de procédure civile ;
3. – ALORS QUE la preuve du cautionnement commercial est libre ; qu'en retenant que la signature de Monsieur X... ne pouvait valoir cautionnement faute d'être accompagnée d'une quelconque mention, ni même commencement de preuve par écrit, quand il était constant que Monsieur X... était gérant de la SARL MAISONS ARPEGES et avait ainsi un intérêt personnel et particulier à la réalisation de l'opération principale conclue avec la SAS GAUTIER et, partant, à garantir la dette commerciale en résultant, la Cour d'appel a violé l'article L. 110-3 du Code de commerce.
4. – ALORS en tout état de cause QUE vaut en soi commencement de preuve par écrit d'un cautionnement, la signature portée, en sus de celle apposée par le tireur, sur une lettre de change requalifiée en titre au porteur faute de précision du bénéficiaire, dès lors qu'aucune mention ne révèle qu'elle aurait été donnée à un titre autre que personnel ; qu'en retenant qu'une telle signature ne pouvait valoir comme un commencement de preuve d'un cautionnement, la Cour d'appel a violé les articles 1134, 1347 et 2288 du Code civil ;
5. – ALORS QUE constitue un élément de preuve susceptible de corroborer le commencement de preuve par écrit de l'existence d'un cautionnement, résultant de la signature apposée sur une lettre de change déqualifiée en titre au porteur, l'intérêt personnel que le signataire a à garantir la dette du tireur ; qu'en se bornant à relever que les factures produites par la société GAUTIER ne venaient pas corroborer un engagement personnel de Monsieur X..., signataire, sans rechercher si le fait que Monsieur X... était le gérant de la société débitrice et avait ainsi un intérêt personnel à la réalisation de l'opération principale et à garantir sa dette, ne constituait pas un élément venant corroborer un engagement personnel de sa part, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1315, 1347 et 2288 du Code civil ;