LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que suivant offres acceptées les 17 juillet 2000 et 16 avril 2002, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Loire a consenti à M. X... deux prêts immobiliers ; que par acte du 12 mai 2009, l'emprunteur a fait assigner le prêteur devant le tribunal de grande instance en annulation des deux prêts et condamnation au paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Attendu M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen, que la charge de prouver qu'une offre de prêt a été adressée par la voie postale à l'emprunteur repose sur la banque prêteuse et ne peut se déduire des simples mentions de l'offre ou de l'acte authentique de prêt ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a estimé que la régularité formelle des deux offres de prêt était établie, au vu des mentions des deux actes authentiques de prêt et de l'offre du second prêt de 2002, a violé les articles 1315 du code civil, L. 312-7 et L. 312-33 du code de la consommation ;
Mais attendu que la cour d'appel a estimé, en se fondant sur les énonciations des actes authentiques de prêt et sur celles de la reconnaissance annexée à la seconde offre en date, que les offres avaient été adressées par voie postale à M. X... ; que la deuxième branche du moyen n'est pas fondée ;
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche : Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen, que l'action en nullité d'une clause de TEG erroné se prescrit par cinq ans à compter, non de la signature de l'acte, mais du jour où l'emprunteur a eu connaissance du caractère erroné du taux de l'intérêt contractuel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a déclaré prescrite l'action en nullité des clauses d'intérêt contractuel, sans préciser la date à laquelle M. X... avait eu connaissance du caractère erroné des clauses d'intérêts conventionnels litigieuses, a violé les articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation ;
Mais attendu que M. X... a sollicité devant la cour d'appel, non la nullité des clauses de stipulation d'intérêts conventionnels, mais la déchéance du droit aux intérêts du prêteur ; qu'il s'ensuit que la quatrième branche du moyen est inopérante ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen, que la banque prêteuse est débitrice d'un devoir de mise en garde étendu à l'égard de l'emprunteur profane ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a estimé que le Crédit agricole n'avait pas engagé sa responsabilité à l'égard de M. X... car celui-ci aurait eu la qualité d'emprunteur averti, quand il avait souligné que sa formation professionnelle n'avait rien à voir avec l'investissement immobilier, peu important, à cet égard, qu'il détienne un patrimoine immobilier important, a violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. X... était un habitué des acquisitions immobilières et ne pouvait dès lors se présenter comme un emprunteur profane, la cour d'appel a pu décider que le prêteur, qui n'était ainsi tenu d'aucun devoir de mise en garde, n'avait pas commis de faute ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt déclare prescrites les actions en nullité des prêts et des clauses de stipulation d'intérêts conventionnels engagées par M. X... ;
Qu'en statuant ainsi, alors que M. X... sollicitait devant elle la déchéance du droit aux intérêts du prêteur, la cour d'appel a modifié l'objet du litige, violant ainsi le texte suvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a statué sur la prescription des actions en nullité des prêts et des clauses de stipulation d'intérêts conventionnels, l'arrêt rendu le 19 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Loire aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Loire, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boutet, avocat aux Conseils, pour M. Emmanuel X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il avait débouté un emprunteur (M. X...) de ses demandes, dirigées contre la banque prêteuse (le Crédit Agricole), notamment en déchéance des intérêts de deux emprunts souscrits en 2000 et 2002 ;
AUX MOTIFS QUE l'appelant, qui avait ouvert un compte courant auprès de la Caisse de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire, avait souscrit, le 19 juillet 2001, un prêt de 320.142,94 € sur dix-huit ans, pour financer une opération immobilière à Vierzon, lequel avait été remboursé après la vente, courant mai 2006, des immeubles acquis ; que, le 14 avril 2002, Monsieur X... avait souscrit un second crédit de 230.190 €, remboursable en quinze ans, pour financer une opération immobilière à Saint Amand Montrond, pour lequel il existait un retard de remboursement ; que l'appelant ayant engagé le 2 mai 2009 une action en nullité de ces contrats de prêt, la règle selon laquelle l'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas été exécuté, ne pouvait trouver application ; qu'en revanche, l'action en nullité doit être engagée dans le délai de cinq ans à compter des prêts litigieux (actuel article 2224 du code civil), Monsieur X... ne justifiant nullement qu'il avait connu plus tardivement les faits lui permettant d'exercer cette action ; que l'appelant prétendait sans en justifier que le délai de prescription « peut être de cinq ou dix ans » ; qu'au surplus, la contestation de l'appelant sur l'irrégularité de l'offre pour non-respect des dispositions de l'article L 312-7 du code de la consommation prévoyant que l'offre doit être adressée par voie postale à l'emprunteur éventuel était infondée en ce qui concernait le prêt du 19 juillet 2000, car le notaire avait constaté dans son acte du 30 août 2000 que les prescriptions de ce texte avaient été respectées ; qu'en ce qui concernait le prêt du 16 avril 2002, le notaire ayant effectué la même constatation dans son acte du 6 juin 2002, Monsieur X... ayant en outre expressément reconnu, en page 16 du contrat, « avoir reçu la présente offre de prêt immobilier… émise le 27 mars 2002 et envoyée par courrier postal le 5 avril 2002… » ; qu'il n'était nullement démontré que le principal du prêt de 320.143 € aurait été porté immédiatement à un montant supérieur, qui n'était d'ailleurs pas mentionné, d'autant plus que la banque prouvait le contraire ; que les dispositions d'ordre public de l'article L 312-2 du code de la consommation ayant été édictées dans le seul intérêt de l'emprunteur, l'action en nullité de la clause de stipulation d'intérêts conventionnels s'éteint si elle n'a pas été exercée pendant les cinq ans à compter de l'acte litigieux ; qu'ainsi les critiques de l'appelant sur le taux d'intérêt des contrats sont prescrites, d'autant plus qu'en raison de retards de paiement, la banque intimée avait régulièrement prélevé des intérêts débiteur ;
ALORS DE PREMIERE PART QUE l'action en nullité de la clause de stipulation d'un intérêt conventionnel, qui se prescrit par cinq ans, ne se confond pas avec une demande en déchéance du droit aux intérêts conventionnels dont le délai de prescription est de dix ans ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, qui a estimé que les demandes de Monsieur X... étaient irrecevables, car il aurait sollicité la nullité des deux prêts qu'il avait souscrits, quand il avait demandé, en appel, la déchéance du Crédit Agricole de son droit aux intérêts conventionnels stipulés dans les deux prêts, a modifié les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
ALORS DE DEUXIEME PART QUE la charge de prouver qu'une offre de prêt a été adressée par la voie postale à l'emprunteur repose sur la banque prêteuse et ne peut se déduire des simples mentions de l'offre ou de l'acte authentique de prêt ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, qui a estimé que la régularité formelle des deux offres de prêt était établie, au vu des mentions des deux actes authentiques de prêt et de l'offre du second prêt de 2002, a violé les articles 1315 du code civil, L 312-7 et L 312-33 du code de la consommation ;
ALORS DE TROISIEME PART QUE la déchéance du droit aux intérêts d'une banque prêteuse pour irrégularité du TEG est acquise, même si l'action en nullité de la clause stipulant l'intérêt conventionnel est prescrite ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, qui a énoncé que les critiques émises par l'appelant sur le taux d'intérêt des contrats étaient prescrites, faute d'avoir été présentées dans les cinq ans suivant la signature de l'acte, a violé les articles L 313-1, L 313-2, L 312-8 3° et L 312-33 du code de la consommation ;
ALORS DE QUATRIEME PART QUE l'action en nullité d'une clause de TEG erroné se prescrit par cinq ans à compter, non de la signature de l'acte, mais du jour où l'emprunteur a eu connaissance du caractère erroné du taux de l'intérêt contractuel ; qu'en l'espèce, la Cour, qui a déclaré prescrite l'action en nullité des clauses d'intérêt contractuel, sans préciser la date à laquelle Monsieur X... avait eu connaissance du caractère erroné des clauses d'intérêts conventionnels litigieuses, a violé les articles L 313-1 et L 313-2 du code de la consommation.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il avait débouté un emprunteur (M. X...) de ses demandes, dirigées contre la banque prêteuse (le Crédit Agricole), notamment en réparation du préjudice que cette dernière lui avait causé,
AUX MOTIFS QUE Monsieur X..., qui prétendait n'avoir qu'une formation technique dans un domaine ne se rapportant pas à l'immobilier, estimait que la banque s'était rendue coupable de légèreté blâmable, en ne respectant pas une proportion raisonnable entre le crédit sollicité et les ressources de l'emprunteur, au moment où il avait contracté, et sollicitait l'indemnisation de la faute alléguée par l'allocation de 150.000 € ; qu'il convenait de constater, comme l'avaient fait à juste titre les premiers juges, que l'appelant avait fourni à la société intimée le bilan de sa société, la SAS Indy Venture Finance, les coordonnées de ses comptes bancaires à la Bred et à la SNVB, ses revenus, l'état synthétique de son patrimoine, le relevé de ses avoirs générés par Worms et Cardiff ; que celui-ci s'était en outre présenté comme directeur d'une société ayant des revenus et un patrimoine importants, à savoir un revenu minimum de 5.100 € par mois, six appartements tant à Paris qu'à Versailles d'une valeur de 2,5 millions de francs lui procurant des loyers de 16.000 francs par mois, de plans Cardiff de 2,5 millions de francs, deux plans d'épargne en actions de 400.000 francs, ainsi que des assurances-vie… ; qu'ainsi, l'appelant était un habitué des acquisitions immobilières et disposait, selon ses dires, de revenus ainsi que d'un patrimoine importants ; que, dans ces circonstances, M. X... ne pouvait sérieusement se présenter comme un emprunteur profane ayant des revenus disproportionnés par rapport aux prêts sollicités ; qu'aucun document n'étayait l'allégation selon laquelle la banque intimée l'aurait soutenu abusivement,
ALORS QUE la banque prêteuse est débitrice d'un devoir de mise en garde étendu à l'égard de l'emprunteur profane ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a estimé que le Crédit Agricole n'avait pas engagé sa responsabilité à l'égard de Monsieur X... car celui-ci aurait eu la qualité d'emprunteur averti, quand l'exposant avait souligné que sa formation professionnelle n'avait rien à voir avec l'investissement immobilier, peu important, à cet égard, qu'il détienne un patrimoine immobilier important, a violé l'article 1147 du Code civil.