LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, qui est recevable :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 octobre 2011), qu'un incendie ayant détruit les locaux donnés à bail commercial par la société Azur Trinité à la société Conforama, un juge des référés, à la demande de cette dernière et de son assureur, la société XL Insurance, a ordonné une mesure d'expertise judiciaire afin notamment de déterminer les causes de ce sinistre ; que l'expert judiciaire ayant indiqué que la poursuite de sa mission nécessitait des travaux de déblaiement, de désamiantage et de démolition pour un montant de 355 044,56 euros, la société Azur Trinité a saisi le juge chargé du contrôle des expertises afin que la société Conforama et son assureur soient condamnés à verser cette somme à titre de consignation ;
Attendu que la société Conforama et la société XL Insurance font grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises et de leur ordonner de consigner la somme de 355 044,56 euros correspondant au devis de désamiantage, déblaiement et démolition, alors, selon le moyen :
1°/ que sa compétence étant limitée au règlement des difficultés d'exécution des opérations d'expertise, à la fixation de la rémunération de l'expert ou au remboursement des frais exposés par ce dernier pour les besoins de sa mission, le juge du contrôle des expertises ne dispose ni de la compétence, ni des pouvoirs requis pour condamner une partie à la consignation d'une provision destinée à financer, pour le compte de qui il appartiendra, la réalisation des travaux de réparation, de remise en état et de dépollution de l'immeuble siège du sinistre, quand bien même ces travaux seraient un préalable pour permettre à l'expert de mener à bien sa mission consistant à déterminer l'origine de ce sinistre ; qu'en ordonnant à la société Conforama la consignation de ces sommes, dont il n'était pas contesté qu'elles étaient à hauteur de la quasi-totalité du montant réclamé, destinées à couvrir des dépenses qui devraient être engagées que les opérations se poursuivent ou non (curage du bâtiment, démolition, désamiantage, etc…) lesquelles dépenses ne participaient donc pas de la mission d'investigation confiée à l'expert, aux motifs que l'état des lieux et la présence d'amiante rendaient ces travaux nécessaires pour permettre à l'expert de remplir sa mission, la cour d'appel a violé les articles 167, 279 et 280 du code de procédure civile ;
2°/ que la seule consignation que le juge chargé du contrôle de l'expertise peut ordonner porte sur la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qu'il appartient au juge de fixer une fois le rapport déposé ; qu'en ordonnant la consignation de sommes d'argent ayant pour objet le financement de travaux de remise en état d'un immeuble, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
3°/ qu'un expert n'a pas qualité pour passer un contrat d'entreprise au nom d'une partie au litige, payer en ses lieu et place les entreprises et contrôler la bonne exécution des travaux ; que le juge du contrôle des opérations d'expertise ne pouvait, par voie de conséquence, ordonner à une partie de consigner, pour le compte de qui il appartiendra, des sommes nécessaires à la réalisation des travaux de remise en état et de désamiantage d'un immeuble, aux motifs que ces travaux étaient indispensables à la poursuite des opérations d'expertise, une telle décision revenant à conférer à l'expert, sans aucune base légale, le pouvoir de se substituer au maître d'ouvrage dans la conduite et le contrôle des travaux, l'appréciation de leur correcte exécution et le versement du prix aux entreprises ; qu'en confirmant l'ordonnance entreprise qui, en ordonnant à Conforama la consignation des sommes nécessaires à la réalisation de ces travaux, consacrait un excès de pouvoir du juge du contrôle des opérations d'expertise, la cour d'appel a violé les articles 167, 278, 280, 77 du code de procédure civile, ensemble l'article 1792 du code civil ;
4°/ qu'en ordonnant à la société Conforama de faire l'avance des sommes nécessaires à la réalisation des travaux en cause aux motifs qu'elle avait un intérêt certain, en sa qualité de demanderesse à l'expertise à voir celle-ci se poursuivre, tout en ordonnant leur consignation et leur placement sous mains de justice, la cour d'appel, en confiant ainsi à un tiers, qu'elle n'a au demeurant pas désigné ni même identifié, le soin de payer les entreprises et de contrôler la correcte exécution du marché, a dépossédé la société Conforama des pouvoirs inhérents à la qualité de maître d'ouvrage dont l'obligation de financement des travaux mise judiciairement à sa charge impliquait qu'elle puisse disposer ; qu'elle a commis, de ce chef encore, un excès de pouvoir, violant de plus fort les textes précédemment visés ;
Mais attendu qu'ayant souverainement considéré que les dépenses, dont l'engagement conditionnait la poursuite des opérations d'expertise pour lesquelles la nouvelle consignation était ordonnée, relevaient des frais de l'expertise, c'est dans l'exercice du pouvoir laissé à sa discrétion que la cour d'appel a mis à la charge de la société Conforama et de son assureur le versement de la provision correspondante ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Conforama France et la société XL Insurance company LTD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé et prononcé par Mme Bardy, conseiller le plus ancien non empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du seize mai deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Conforama France et la société Xl Insurance company limited
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance entreprise du juge du contrôle des expertises en ce qu'elle a ordonné à la SA CONFORAMA France et à son assureur XL INSURANCE de consigner la somme de 355.044,56 € correspondant au devis de désamiantage, déblaiement et démolition avant le 27 juin 2011 et qu'à défaut, l'expert Y... devrait transmettre son rapport d'expertise en l'état au plus tard le 1er septembre 2011 ;
AUX MOTIFS QUE « la décision déférée tranche une difficulté d'exécution d'une expertise, ordonnée en référé, puisque l'expert ne peut poursuivre ses investigations compte tenu de l'état des lieux et de la présence d'amiante » ;
ET AUX MOTIFS QUE « compte tenu de l'intérêt de la société CONFORAMA France et de son assureur, demanderesses à l'expertise, à voir se poursuivre les investigations de l'expert, c'est donc à juste titre que le premier juge, au vu des observations de l'expert et de l'ensemble des parties, a estimé que celles-ci devaient faire l'avance des frais de démolition, déblaiement et désamiantage, et consigner la somme de 355.044,56 € ; en effet cette avance pour le compte de qui il appartiendra, permettra la réalisation de ces travaux indispensables, la société CONFORAMA France et son assureur pouvant toujours, à leurs risques et périls quant à la suite de l'expertise, ne pas consigner ; l'ordonnance sera confirmée » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « il convient de mettre ces frais à la charge de la SA CONFORAMA France et de son assureur XL INSURANCE, parties demanderesses à la mesure d'expertise » ;
1°) ALORS QUE sa compétence étant limitée au règlement des difficultés d'exécution des opérations d'expertise, à la fixation de la rémunération de l'expert ou au remboursement des frais exposés par ce dernier pour les besoins de sa mission, le juge du contrôle des expertises ne dispose ni de la compétence, ni des pouvoirs requis pour condamner une partie à la consignation d'une provision destinée à financer, pour le compte de qui il appartiendra, la réalisation des travaux de réparation, de remise en état et de dépollution de l'immeuble siège du sinistre, quand bien même ces travaux seraient un préalable pour permettre à l'expert de mener à bien sa mission consistant à déterminer l'origine de ce sinistre ; qu'en ordonnant à la société CONFORAMA la consignation de ces sommes, dont il n'était pas contesté qu'elles étaient à hauteur de la quasi-totalité du montant réclamé, destinées à couvrir des dépenses qui devraient être engagées que les opérations se poursuivent ou non (curage du bâtiment, démolition, désamiantage, etc…) lesquelles dépenses ne participaient donc pas de la mission d'investigation confiée à l'expert, aux motifs que l'état des lieux et la présence d'amiante rendaient ces travaux nécessaires pour permettre à l'expert de remplir sa mission, la cour d'appel a violé les articles 167, 279 et 280 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la seule consignation que le juge chargé du contrôle de l'expertise peut ordonner porte sur la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qu'il appartient au juge de fixer une fois le rapport déposé ; qu'en ordonnant la consignation de sommes d'argent ayant pour objet le financement de travaux de remise en état d'un immeuble, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
3°) ALORS QU' un expert n'a pas qualité pour passer un contrat d'entreprise au nom d'une partie au litige, payer en ses lieu et place les entreprises et contrôler la bonne exécution des travaux ; que le juge du contrôle des opérations d'expertise ne pouvait, par voie de conséquence, ordonner à une partie de consigner, pour le compte de qui il appartiendra, des sommes nécessaires à la réalisation des travaux de remise en état et de désamiantage d'un immeuble, aux motifs que ces travaux étaient indispensables à la poursuite des opérations d'expertise, une telle décision revenant à conférer à l'expert, sans aucune base légale, le pouvoir de se substituer au maître d'ouvrage dans la conduite et le contrôle des travaux, l'appréciation de leur correcte exécution et le versement du prix aux entreprises ; qu'en confirmant l'ordonnance entreprise qui, en ordonnant à CONFORAMA la consignation des sommes nécessaires à la réalisation de ces travaux, consacrait un excès de pouvoir du juge du contrôle des opérations d'expertise, la cour d'appel a violé les articles 167, 278, 280, 77 du Code de Procédure Civile, ensemble l'article 1792 du Code civil ;
4°) ALORS QU' en ordonnant à la société CONFORAMA de faire l'avance des sommes nécessaires à la réalisation des travaux en cause aux motifs qu'elle avait un intérêt certain, en sa qualité de demanderesse à l'expertise à voir celle-ci se poursuivre, tout en ordonnant leur consignation et leur placement sous mains de justice, la cour d'appel, en confiant ainsi à un tiers, qu'elle n'a au demeurant pas désigné ni même identifié, le soin de payer les entreprises et de contrôler la correcte exécution du marché, a dépossédé la société CONFORAMA des pouvoirs inhérents à la qualité de maître d'ouvrage dont l'obligation de financement des travaux mise judiciairement à sa charge impliquait qu'elle puisse disposer ; qu'elle a commis, de ce chef encore, un excès de pouvoir, violant de plus fort les textes précédemment visés.