LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 13 mars 2012), que M. X... a été engagé par la société La Générale individuelle de chauffage, à compter du 5 novembre 2007, en qualité de chauffagiste plombier ; qu'il a démissionné le 11 décembre 2009, puis a saisi la juridiction prud'homale pour demander la requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail et la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la démission du salarié devait être requalifiée en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié qui invoque un harcèlement moral doit établir des faits permettant de présumer qu'il est personnellement victime de faits constitutifs de harcèlement moral commis à son préjudice ; qu'en s'étant bornée à relever qu'il ressortait des témoignages d'anciens salariés que le dirigeant de l'entreprise, M. Y...Rodriguez, était décrit comme insultant (témoins Z..., A...et C...), non respectueux des règles sur le temps de pause (témoins F..., Le Cocguen), et les heures supplémentaires (témoins Le Cocguen, Z..., A..., F...), utilisant la menace d'un licenciement en cas de non travail terminé (F...) ou affectant les salariés à des tâches inadaptées à leur peu d'expérience tout en les insultant (Z...) ou subalternes après leur avoir demandé de démissionner (A...), pour en déduire la preuve d'un non-respect réitéré des salariés par l'employeur, à l'origine des agissements subis par d'autres salariés et dénoncés notamment par M. X..., insusceptibles d'établir que ce salarié rapportait la précisément preuve de faits laissant présumer des agissements de harcèlement commis à son encontre, dont il aurait été personnellement victime, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
2°/ qu'en retenant que le certificat médical du 11 décembre 2009, par lequel le docteur B...« certifie avoir examiné M. Ricardo X...… son état de santé nécessitait ce jour une consultation médicale. Il justifie son absence du lieu de son travail. Certificat établi à la demande du patient et remis en mains propres » et la prescription du même jour (antibiotiques et ECBU examen cytobactériologique des urines), étaient de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral par la preuve que les agissements de l'employeur avaient eu une incidence sur son état de santé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
3°/ que l'aveu judiciaire ne peut être divisé contre son auteur ; qu'en retenant que la société reconnaissait explicitement dans ses conclusions qu'à la suite de la pétition les relations de travail s'étaient dégradées, cependant qu'elle soutenait que la pétition avait pu contribuer à la dégradation des relations avec le gérant, provoquée par le comportement des employés, la cour d'appel a méconnu la règle de l'indivisibilité de l'aveu et violé l'article 1356 du code civil ;
4°/ qu'en n'ayant pas caractérisé d'agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a, par motifs propres et adoptés, sans méconnaître la règle d'indivisibilité de l'aveu judiciaire, constaté que l'employeur, qui occupait moins de onze salariés, usait de manière habituelle à l'égard de ceux-ci de méthodes de gestion pouvant constituer un harcèlement moral, et qui avaient nécessairement eu une incidence sur les conditions de travail du salarié a pu décider que ces méthodes caractérisaient un harcèlement moral ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société La Générale individuelle de chauffage aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société La Générale individuelle de chauffage et la condamne à payer à M. X... la somme de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils, pour la société La Générale individuelle de chauffage, la société SMJ et la société Laureau-Jeannerot
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que la démission du salarié devait être requalifiée en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs que M. X... expose que l'employeur n'a pas respecté les prescriptions du médecin du travail qui avait donné un avis favorable à son aptitude le mai 2009 sous réserve du non port de charges lourdes durant trois mois et qu'il a fait procédé à un contrôle médical au cours de son arrêt maladie le 6 novembre 2009 ; que le non-respect des réserves du médecin du travail n'est pas prouvé, l'avis d'arrêt de travail produit n'ayant rien à voir avec la contre-indication précitée ; que le contrôle médical à l'initiative de l'employeur est légalement prévu et ne peut donc pas être fautif en tant que tel ; qu'il invoque également des pratiques managériales qui caractérisent à son avis un harcèlement moral (non-respect du personnel, injures, harcèlement à l'égard des salariés malades ou en fonction) ; que dans sa lettre de démission il fait état d'un mal être dans les relations de travail pour justifier la rupture ; qu'il considère que l'employeur a commis un harcèlement moral compte tenu de l'ensemble de ses comportements à l'égard des salariés en général ce qui a eu une incidence sur l'ambiance de travail et a généré ce « mal être » y compris pour lui-même dès lors qu'il a du prendre un traitement médical ; qu'il fait notamment état du non respect du personnel, qui a été porté à la connaissance de l'employeur à travers la lettre de pétition émanant de tous les plombiers chauffagistes le 16 novembre 2009 ; que la société considère que cette pétition ne comporte l'allégation d'aucun élément matériel précis et concret, que le travail de ces salariés s'effectuant à l'extérieur pour l'essentiel ils ont très peu de contacts avec le dirigeant de l'entreprise, qu'il n'est établi aucun comportement répétitif, que les rapports entre les salariés et l'employeur ont pu se dégrader après la pétition non fondée du 16 novembre ; qu'il ressort des témoignages d'anciens salariés que le dirigeant de l'entreprise, M. Y...Rodriguez, est décrit comme insultant (témoins Z..., A...et C...), non-respectueux des règles sur le temps de pause (témoins F..., Le Cocguen), et les heures supplémentaires (témoins Le Cocguen, Z..., A..., F...), utilisant la menace d'un licenciement en cas de non travail terminé (F...) ou affectant les salariés à des tâches inadaptées à leur peu d'expérience tout en les insultant (Z...) ou subalternes après leur avoir demandé de démissionner (A...) ; que face à ces témoignages précis, la société produit des écrits de salariés embauchés à la fin de 2009, qui déclarent être satisfaits de leurs conditions de travail ; qu'aucun de ces documents ne remplit les conditions prescrites à l'article 202 du code de procédure civile ; que surtout ils n'ont aucune valeur probante dès lors que deux de leurs auteurs ont indiqué ultérieurement avoir été produits en justice à leur insu ; que selon M. D..., son écrit était sorti de son contexte ; quant à M. E..., l'employeur lui avait dicté ce qu'il souhaitait qu'il contienne ; que dans ces conditions, la cour ne peut qu'écarter l'ensemble des écrits produits par l'appelante ; qu'elle n'a pas contesté ni contredit par des éléments de preuve valable les témoignages précis des anciens salariés ; que la preuve d'un non-respect réitéré des salariés par l'employeur est démontrée ; que ces agissements fautifs ont eu nécessairement une incidence sur les conditions de travail de M. X... ; que la société reconnaît explicitement dans ses conclusions qu'à la suite de la pétition les relations de travail se sont dégradées ; dès lors qu'il est établi que l'employeur est à l'origine des agissements subis par d'autres salariés et dénoncés notamment par M. X..., la dégradation des relations de travail qui en est résulté pour ce salarié est exclusivement imputable au dirigeant de l'entreprise ; qu'il justifie par un certificat médical et la prescription du 11 décembre 2009 de l'incidence de ces agissements sur son état de santé ; que la preuve d'un harcèlement moral est rapportée et que les manquements imputables à la société justifient de requalifier la démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Alors que 1°) le salarié qui invoque un harcèlement moral doit établir des faits permettant de présumer qu'il est personnellement victime de faits constitutifs de harcèlement moral commis à son préjudice ; qu'en s'étant bornée à relever qu'il ressortait des témoignages d'anciens salariés que le dirigeant de l'entreprise, M. Y...Rodriguez, était décrit comme insultant (témoins Z..., A...et C...), non-respectueux des règles sur le temps de pause (témoins F..., Le Cocguen), et les heures supplémentaires (témoins Le Cocguen, Z..., A..., F...), utilisant la menace d'un licenciement en cas de non travail terminé (F...) ou affectant les salariés à des tâches inadaptées à leur peu d'expérience tout en les insultant (Z...) ou subalternes après leur avoir demandé de démissionner (A...), pour en déduire la preuve d'un non-respect réitéré des salariés par l'employeur, à l'origine des agissements subis par d'autres salariés et dénoncés notamment par M. X..., insusceptibles d'établir que ce salarié rapportait la précisément preuve de faits laissant présumer des agissements de harcèlement commis à son encontre, dont il aurait été personnellement victime, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Alors que 2°) en retenant que le certificat médical du 11 décembre 2009, par lequel le Dr B...« certifie avoir examiné M. Ricardo X...… son état de santé nécessitait ce jour une consultation médicale. Il justifie son absence du lieu de son travail. Certificat établi à la demande du patient et remis en mains propres » et la prescription du même jour (antibiotiques et ECBU examen cytobactériologique des urines), étaient de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral par la preuve que les agissements de l'employeur avaient eu une incidence sur son état de santé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Alors que 3°) l'aveu judiciaire ne peut être divisé contre son auteur ; qu'en retenant que la société reconnaissait explicitement dans ses conclusions qu'à la suite de la pétition les relations de travail s'étaient dégradées, cependant qu'elle soutenait que la pétition avait pu contribuer à la dégradation des relations avec le gérant, provoquée par le comportement des employés, la cour d'appel a méconnu la règle de l'indivisibilité de l'aveu et violé l'article 1356 du code civil ;
Alors que 4°) en n'ayant pas caractérisé d'agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.