LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 2 novembre 2007 en qualité de « formateur référent » selon un contrat intermittent à durée indéterminée à temps partiel, par la société Ecole de gestion et administration des entreprises dite EGAE, rémunérée en fonction des heures travaillées à raison de 21,99 euros bruts de l'heure, qu'un avenant du 28 mars 2008 a redéfini la durée de travail et les modalités de rémunération ; qu'après avoir été licenciée le 26 juin 2008, elle a saisi la juridiction prud'homale pour voir requalifier ses contrats en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à la requalification de ses contrats de travail intermittent en contrats à temps plein et à la condamnation de la société EGAE à lui payer certaine somme à titre de complément des salaires dus de janvier 2008 à mai 2008, alors, selon le moyen , que le juge doit observer en toutes circonstances le principe de la contradiction et qu'il ne peut fonder sa décision sur un moyen de droit qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la société EGAE, intimée, soutenait que les premiers juges avaient considéré à bon droit que le nouveau contrat à durée indéterminée signé le 28 mars 2008 était un contrat de travail intermittent régulier ; que le moyen de rejet sur lequel s'est fondé la cour d'appel, pris de ce que le contrat signé le 28 mars 2008 ne serait pas un contrat de travail intermittent à la différence du premier contrat signé le 2 novembre 2007, procède donc d'une qualification juridique du contrat qui n'était pas dans le débat ; qu'en se fondant sur ce moyen de droit qu'elle a relevé d'office, sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le principe de la contradiction, rappelé notamment par l'article 16 du code de procédure civile et l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu'interprétant une clause du contrat qui lui était soumis et dont la salariée demandait la requalification, la cour d'appel, qui n'était pas tenue par l'appellation que lui en donnaient les parties, a estimé qu'elle caractérisait l'existence d'un contrat à durée indéterminée non intermittent ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article L. 212-4-3 devenu l'article L. 3123-14 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein, l'arrêt retient que la salariée a été embauchée à durée indéterminée, pour effectuer annuellement 1 200 heures de travail, avec possibilité d'heures supplémentaires dans la limite de 400 heures, et moyennant une rémunération mensuelle, lissée sur 100 heures par mois, fixée à 1 861 euros ; qu'il n'y a donc pas lieu à requalification du contrat de travail ni à rappel de salaires ;
Attendu, cependant, que l'absence d'écrit mentionnant la durée hebdomadaire, ou le cas échéant mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, fait présumer que l'emploi est à temps complet, et que l'employeur qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, de ce que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher si l'employeur établissait la durée hebdomadaire ou le cas échéant mensuelle convenue et si la salariée était ou non placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et si elle avait ou non à se tenir constamment à la disposition de l'employeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les troisième et quatrième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Condamne la société EGAE aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société EGAE à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué, d'une part, d'AVOIR débouté mademoiselle X... de ses demandes tendant à la requalification de ses contrats de travail intermittent en contrats à temps plein et à la condamnation de la SARL EGAE à lui payer une somme de 4.807,89 ¿ à titre de complément des salaires dus de janvier 2008 à mai 2008, d'autre part, d'AVOIR limité en conséquence les indemnités dues au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, du préavis, de l'irrégularité du licenciement et du travail dissimulé aux sommes respectivement de 3.722 ¿ pour les deux premières indemnités, de 1.861 ¿ et de 11.136 ¿ ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 1 du contrat signé le 28 mars 2008, intitulé contrat de travail n° 080201K se substituant au contrat à durée indéterminée intermittent n° 071107, stipule : « le contrat à durée indéterminée intermittent devient contrat à durée indéterminée à compter du 1er février 2008 » ; que cette clause, qui n'est pas contestée par les parties, est précise et régulière ; qu'à compter du 1er février 2008, Marie-Katell X... a été embauchée à durée indéterminée, pour effectuer annuellement 1.200 heures de travail, avec possibilité d'heures supplémentaires dans la limite de 400 heures, et moyennant une rémunération mensuelle, lissée sur 100 heures par mois, fixée à 1.861 ¿ ; qu'il n'y a donc pas lieu à requalification du contrat de travail ni à rappel de salaires et la décision déférée est confirmée concernant ces chefs de demandes (p. 6 de l'arrêt attaqué) ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'article L. 3123-33 du code du travail dispose : « le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée. Ce contrat est écrit. Il mentionne notamment : 1° la qualification du salarié ; 2° les éléments de la rémunération ; 3° la durée minimale de travail du salarié ; 4° les périodes de travail ; 5° la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes » ; qu'en l'espèce les contrats versés au dossier répondent à ces critères ; qu'ils ont été régulièrement signés par les parties, donc réguliers ; qu'en conséquence, le Conseil dit qu'il y a lieu de débouter Mme X... Marie-Katell de ce chef de demande (p. 5 du jugement) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le juge doit observer en toutes circonstances le principe de la contradiction et qu'il ne peut fonder sa décision sur un moyen de droit qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la société EGAE, intimée, soutenait que les premiers juges avaient considéré à bon droit que le nouveau contrat à durée indéterminée signé le 28 mars 2008 était un contrat de travail intermittent régulier ; que le moyen de rejet sur lequel s'est fondé la cour d'appel, pris de ce que le contrat signé le 28 mars 2008 ne serait pas un contrat de travail intermittent à la différence du premier contrat signé le 2 novembre 2007, procède donc d'une qualification juridique du contrat qui n'était pas dans le débat ; qu'en se fondant sur ce moyen de droit qu'elle a relevé d'office, sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le principe de la contradiction, rappelé notamment par l'article 16 du code de procédure civile et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'absence, dans le contrat de travail d'un salarié à temps partiel, de mention relative à la répartition du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois justifie la requalification de ce contrat en contrat à temps complet s'il est établi que ce salarié était placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il se trouvait dans l'obligation de se tenir en permanence à la disposition de l'employeur ; que mademoiselle X... soutenait que le contrat conclu le 28 mars 2008 ne prévoyait aucune répartition des heures à l'intérieur des périodes de travail et que les stipulations de ce contrat l'obligeaient à être en permanence à la disposition de l'employeur durant les heures d'ouverture de l'entreprise ; que pour rejeter la demande de requalification de la relation de travail en contrat à temps complet, la cour d'appel a retenu que la clause de l'article premier de ce contrat, selon laquelle « le contrat à durée indéterminée intermittent devient contrat à durée indéterminée à compter du 1er février 2008 », était précise et régulière ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si ce contrat, qui portait sur une durée annuelle de 1.200 heures de travail inférieure à la durée légale du travail, mentionnait la répartition du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ou si, à défaut, mademoiselle X... avait la possibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler sans être dans l'obligation de se tenir en permanence à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 212-4-3 du code du travail, devenu l'article L. 3123-14 du même code ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la clause des contrats de travail conclus les 2 novembre 2007 et 28 mars 2008 qui fixait la durée minimale annuelle de travail et le contingent maximum d'heures complémentaires stipulait en outre que « le salarié ne pourra refuser les dates et horaires proposés dans les conditions de travail de l'ouverture de la société » ; que le contrat conclu le 28 mars 2008 stipulait également que « le caractère forfaitaire annuel des heures offre la possibilité au bénéficiaire une gestion responsable du temps de travail, dans les limites légales journalières et hebdomadaires » et que « Mme Marie Katell X... devra être présente les jours d'ouverture de l'organisme aux étudiants, même si elle ne dispense pas de cours » ; que la cour d'appel a retenu, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges, que ces contrats mentionnaient les périodes de travail et la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes, conformément aux exigences de l'article L. 3123-33 du code du travail propre aux contrats de travail intermittent ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé les stipulations des deux contrats de travail précités, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents qui lui sont soumis et de l'article 1134 du code civil ;
ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'un contrat de travail intermittent dont le contenu est illicite doit être requalifié en contrat à durée indéterminée à temps complet ; qu'un contrat de travail intermittent doit impérativement préciser les périodes de travail et la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes, sauf à ce qu'une convention ou un accord collectif détermine, dans les secteurs où la nature de l'activité ne permet pas d'apporter ces précisions, les conditions dans lesquelles le salarié peut refuser les dates et les horaires de travail qui lui sont proposés ; que mademoiselle X... invitait la cour d'appel à constater que ses deux contrats de travail successifs ne stipulaient aucune répartition des heures à l'intérieur des périodes de travail, sans que la convention collective applicable ne prévoie de dérogation à cette obligation, et qu'au surplus les clauses de ces contrats lui interdisaient de refuser les dates et horaires de travail proposés par l'employeur ; qu'en rejetant la demande de requalification des deux contrats de travail en contrats à temps complet, sans procéder aux recherches qui lui étaient ainsi demandées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des premiers et du dernier alinéas de l'article L. 212-4-13 du code du travail, devenus respectivement les articles L. 3123-33 et L. 3123-35 du même code.