LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 7 de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur les conflits de loi en matière de forme des dispositions testamentaires ensemble l'article 3 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 17 novembre 2010, n° 09-70. 402), que Mohamed X..., de nationalité libyenne, est décédé en France le 30 juin 1986, laissant pour lui succéder sa veuve, née Y..., leurs quatre enfants ainsi qu'un enfant non issu de leur union, M. Mehdi X... ; qu'au cours des opérations de partage de la succession, ce dernier a contesté la validité d'un testament en date du 16 juillet 1985 par lequel le défunt avait institué sa veuve légataire universelle ;
Attendu que, pour déclarer valable le testament litigieux, l'arrêt faisant application de la loi libyenne retient que cette loi ne prévoit aucune forme particulière et que la question de la validité en la forme de l'acte n'intéresse pas l'ordre public ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'application d'une loi étrangère désignée par la Convention susvisée peut être écartée si elle est manifestement incompatible avec l'ordre public, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a statué sur la demande en nullité du testament du 16 juillet 1985, l'arrêt rendu le 12 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne les consorts Y...- X... et Mme Z..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. Mehdi X...
M. Mehdi X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande en nullité du testament du 16 juillet 1985 de M. Mohamed X... ;
AUX MOTIFS QUE selon la convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur les conflits de loi en matière de forme des dispositions testamentaires, une disposition testamentaire est valable en premier lieu quant à la forme si elle répond à la loi interne du lieu où le testateur a disposé ; que la convention prévoit en second lieu la compétence possible de la loi interne d'une nationalité possédée par le testateur, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, et que, selon cette convention, le testament sera enfin valable s'il répond aux formes de la loi interne d'un lieu dans lequel son auteur avait son domicile ou sa résidence habituelle, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès ; que l'article 6 de la convention précise que l'application des règles de conflit qu'elle établit est indépendante de toute condition de réciprocité et que la convention s'applique même si la nationalité des intéressés ou la loi applicable en vertu des dispositions précitées ne sont pas celles d'un Etat contractant ; que cette convention, entrée en vigueur en France le 19 novembre 1967 est en conséquence applicable en l'espèce ; que la loi tunisienne est en la matière similaire à la loi française, puisque l'article 176 du Code du statut personnel tunisien dispose que « pour être valable le testament doit être fait par acte authentique ou par acte écrit, daté et signé du testateur » ; que l'article 442 du Code des obligations tunisien précise par ailleurs que « l'acte authentique est celui qui a été reçu avec les solennités requises par des officiers publics ayant le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé » ; que l'adjectif « reçu » se dit de l'acte qui est rédigé par un officier public, conformément aux volontés ou aux déclarations des parties contractantes ou comparantes ; que le testament litigieux se présente sous la forme d'un document dactylographié, rédigé en arabe, et comportant une signature attribuée, d'après la mention d'homologation de signature, à M. Mohamed Hadj X..., ce qui ne correspond pas aux exigences des textes précités, puisqu'il n'apparait pas que cet acte ait été rédigé par un officier public, en l'absence de toute mention dans l'acte de nature à l'établir, et que cet acte n'a pas non plus été écrit et daté de la main du testateur ; que ce testament ne répond pas non plus aux exigences de la forme de la loi française, qui prévoit que le testament ne peut qu'être olographe, c'est-àdire écrit en entier, daté et signé de la main du testateur, ou fait par un acte public, ou dans la forme mystique si le testateur ne peut pas parler, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que le testament est en revanche valable au regard de la loi libyenne ; qu'il résulte en effet d'une consultation auprès de Me Khalifa Mohamed A..., avocat près la Cour suprême de ce pays qu'en application de l'article 165 du code de procédure civile libyen du 15 7 novembre 1958 " les tribunaux appliquent le code et les enseignements du rite malekite " ; qu'aux termes de l'article 31 de la loi de réorganisation de la Cour suprême du 25 mai 1982, la jurisprudence de cette Cour suprême " oblige tous les tribunaux et les autres juridictions de la grande Jamahiriya Libyenne Populaire Socialiste " ; que l'un et l'autre prévoient, et ce, sans changement " depuis l'institution du code de procédure " en 1958, qu'un testament ne requiert pas de forme particulière ; qu'il est valable en droit libyen s'il est conclu au moyen de tout écrit, déclaration ou signe et qu'il peut être établi par tout moyen de preuve et que l'article 4 de la loi numéro 7 du 29 janvier1994 s'est borné à codifier le droit antérieur en édictant que « Le testament est consacré verbalement ou par écrit ou à défaut si le testateur en est incapable, par une mimique non équivoque littéralement : " que l'esprit saisit ". » ; que le testament du 16 juillet 1985 de M. Mohamed X... est par conséquent conforme à la loi nationale à laquelle renvoie la convention de La Haye du 5 octobre 1961 ; que ce testament a été enregistré auprès de la municipalité d'Haïdara en Tunisie, laquelle a procédé à la légalisation de la signature du testateur le jour même, après s'être fait présenter le passeport de M. Mohamed X... ; qu'il a donc date certaine ; que l'acte a par ailleurs été enregistré conformément aux prescriptions de l'article 1000 du Code civil français ; que M. Mehdi X... soutient ensuite que ce testament est contraire à l'ordre public français ; que l'absence de formalisme (une mimique pouvant suffire) est en totale contradiction avec l'esprit du législateur français qui a souhaité sécuriser les successions en faisant du testament un acte solennel ; que la loi libyenne qui n'offre pas toutes les garanties de sécurité juridique est manifestement incompatible avec l'ordre public français ; mais que la question de validité en la forme de l'acte n'intéresse pas l'ordre public ; que le moyen sera donc écarté ; qu'en définitive le jugement déféré qui a déclaré nul le testament de M. Mohamed X... doit être réformé ;
1°) ALORS QUE l'application d'une des lois déclarées compétentes par la convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions testamentaires peut être écartée si elle est manifestement incompatible avec l'ordre public ; que la cour d'appel qui, après avoir rappelé que M. Mehdi X... soutenait que l'application de la loi libyenne, désignée par la règle de conflit pour déterminer la validité en la forme du testament du 16 juillet 1985 attribué à Mohamed X..., devait être écartée comme contraire à l'ordre public français, a jugé, pour écarter cette demande, que la question de la validité en la forme de l'acte n'intéresse pas l'ordre public, a violé les articles 3 du code civil et 7 de la convention de La Haye du 5 octobre 1961 ;
2°) ALORS QUE, en tout état de cause, dans ses conclusions d'appel, M. Mehdi X... faisait valoir que l'authenticité du testament du 16 juillet 1985 n'était pas établie, notamment quant à sa date et à la signature qui y était apposée qui était dissemblable de celle apposée par Mohamed X... sur tous les autres documents signés de sa main ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, de nature à établir que, quelle que soit la loi applicable, le testament attribué à Mohamed X... était nul, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.