LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi ;
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Abattoirs de Provence que sur le pourvoi incident relevé par la société Charal :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a consenti à la société Abattoirs de Provence deux licences exclusives d'exploitation de deux marques semi-figuratives désignant notamment des viandes et épices dont il était titulaire ; que la société Abattoirs de Provence a conclu avec la société Charal surgelés (la société Charal) un contrat par lequel la seconde s'engageait à assurer, à partir d'abattoirs désignés par la première, la fabrication de steaks surgelés halal dont la commercialisation serait réservée au réseau de distribution mis en place par M. X... ; qu'une saisie-contrefaçon portant sur des produits fournis par la société Charal a été pratiquée dans les locaux d¿un magasin exploité par la société Genedis ; que M. X... a fait assigner les sociétés Genedis et Charal sur le fondement de la contrefaçon de marque ; que la société Abattoirs de Provence a demandé que les sociétés Genedis et Charal soient condamnées à lui payer des dommages-intérêts, la première sur le fondement de faits constitutifs de concurrence déloyale et la seconde sur celui de l'inexécution de ses obligations contractuelles ;
Sur la recevabilité du pourvoi incident :
Vu l'article 614 du code de procédure civile ;
Attendu qu'est irrecevable le pourvoi incident formé par un défendeur postérieurement à la notification par le demandeur au pourvoi principal d'un désistement pur et simple de ce pourvoi formé à son encontre ;
Attendu que la société Charal a formé un pourvoi incident dirigé exclusivement contre M. X... le 30 octobre 2012, postérieurement à la notification, le 3 septembre 2012, du désistement du pourvoi formé par M. X... à son encontre ;
D'où il suit que le pourvoi incident n'est pas recevable ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société Abattoirs de Provence tendant à voir juger que la société Genedis s'est rendue coupable de concurrence déloyale, l'arrêt retient que les actes de contrefaçon de marque dont s'est rendue coupable la société Genedis et dont elle a déjà répondu vis-à-vis du titulaire des marques ne pourraient donner lieu à une indemnisation au profit de la société Abattoirs de Provence, exploitante de ces marques ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'exploitant d'une marque est fondé à obtenir la réparation de son préjudice propre, peu important que les éléments sur lesquels il fonde sa demande en concurrence déloyale soient matériellement les mêmes que ceux pour lesquels le titulaire de la marque a obtenu une condamnation pour actes de contrefaçon, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société Abattoirs de Provence tendant à la condamnation de la société Charal à réparer le préjudice résultant de la violation de ses obligations contractuelles, l'arrêt retient que le contrat du 26 février 2002 stipule expressément une faculté de résiliation anticipée en cas de non-respect par l'une des parties de ses obligations et engagements, et l'absence de versement d'une indemnité au terme ou à la date d'effet de la résiliation du contrat, et que de telles stipulations peuvent en l'espèce recevoir application ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans inviter les parties à s'expliquer sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
Déclare irrecevable le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Abattoirs de Provence dirigées contre les sociétés Charal surgelés et Genedis, l'arrêt rendu le 15 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne les sociétés Charal et Genedis aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Abattoirs de Provence - Abattoirs méditerranéens.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la société ABATTOIRS DE PROVENCE tendant à voir juger que la société GENEDIS s'est rendue coupable de concurrence déloyale à son préjudice ;
AUX MOTIFS QUE « la S.A.R.L. Abattoirs de Provence, en sa qualité de licenciée exclusive des deux marques, et notamment de la marque n° 05/3.361.739, est irrecevable à agir en contrefaçon contre la S.A.S. GENEDIS ; qu'à défaut d'avoir inscrit le contrat de licence de marque au registre national des marques antérieurement à l'assignation, l'article L 714-7 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 1991, le lui interdit ; que par contre, la S.A.R.L. Abattoirs de Provence est recevable à agir en concurrence déloyale à l'encontre de la S.A.S. GENEDIS ; que cependant la S.A.R.L. Abattoirs de Provence ne fait pas la preuve que la S.A.S. GENEDIS a commis une faute ou un fait non intentionnel engageant sa responsabilité en mettant en vente des produits provenant de la S.A.S. CHARAL Surgelés ; qu'elle n'était pas tenue de procéder à une vérification préalable concernant la libre disposition des produits ; que le fait pour la S.A.S. GENEDIS d'avoir reproduit sur son catalogue une photographie d'un produit revêtu de la marque n° 05/3.361.739 constitue un acte de contrefaçon dont elle a déjà répondu vis-à-vis du titulaire de la marque, Monsieur Martial Moustapha X... ; que ce fait sanctionné au titre de la contrefaçon ne peut donner lieu à une indemnisation au profit de la S.A.R.L. Abattoirs de Provence au titre de la concurrence déloyale » (arrêt, p. 9, premier §) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'exploitant d'une marque est recevable à obtenir la réparation de son préjudice propre peu important que les éléments sur lesquels il fonde sa demande en concurrence déloyale soient matériellement les mêmes que ceux pour lesquels le titulaire de la marque a obtenu une condamnation pour actes de contrefaçon ; qu'en retenant, en l'espèce, que les actes de contrefaçon de marques dont la société GENEDIS s'est rendue coupable et dont elle a déjà répondu vis-à-vis du titulaire des marques ne pourraient donner lieu à une indemnisation au profit de la société ABATTOIRS DE PROVENCE, exploitante des marques, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'est contraire aux usages loyaux du commerce le fait de commercialiser des produits revêtus d'une marque contrefaisante dans des conditions de nature à porter atteinte à l'image de marque des produits commercialisés par l'exploitant de la marque contrefaite ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme l'y invitait la société ABATTOIRS DE PROVENCE, exploitante de la marque « MOUSTAPHA X... », si en commercialisant des produits revêtus de la marque contrefaisante, dans des conditions de nature à banaliser et dévaloriser les produits « MOUSTAPHA X... » qu'elle exploitait, la société GENEDIS n'avait pas commis une faute de concurrence déloyale engageant sa responsabilité à l'égard de la société ABATTOIRS DE PROVENCE, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la société ABATTOIRS DE PROVENCE à condamner la société CHARAL à réparer le préjudice que lui a causé la violation par elle de ses obligations contractuelles ;
AUX MOTIFS QUE « la S.A.R.L. Abattoirs de Provence est recevable et bien fondée à agir à l'encontre de la S.A.S. CHARAL Surgelés sur le fondement contractuel pour le manquement caractérisé par un non-respect de l'engagement de la S.A.S. CHARAL Surgelés de réserver ses fabrications au réseau de distribution de la S.A.R.L. Abattoirs de Provence ; que, cependant, ce manquement n'est avéré que pour un fait isolé (une mise en vente de produits fabriqués par la S.A.R.L. Abattoirs de Provence en mai 2005 pour 11.415 kgs et diffusés par une entreprise tierce) ; que la S.A.R.L. Abattoirs de Provence a pris l'initiative de rompre la relation commerciale en en imputant la rupture à la S.A.S. CHARAL Surgelés ; que le contrat du 26 février 2002 stipule expressément une faculté de résiliation anticipée en cas de non-respect par l'une des parties "de ses obligations et engagements" et l'absence de versement d'une indemnité "au terme ou à la date d'effet de la résiliation du présent contrat" ; que de telles stipulations, dans la situation d'une résiliation intervenue dans des circonstances confuses et à la suite d'un manquement unique ne présentant pas un caractère de gravité affirmée eu égard au volume d'affaires entre les deux sociétés, peuvent recevoir application ; que la S.A.R.L. Abattoirs de Provence sera déboutée de sa demande en dommages-et-intérêts fondée sur le non-respect par la S.A.S. CHARAL Surgelés de ses obligations contractuelles » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « la société Abattoirs de Provence qui ne justifie pas du préjudice allégué résultant du non-respect par la société CHARAL de son engagement contractuel sera en conséquence déboutée de ses demandes à ce titre » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE si l'obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages-intérêts par le seul fait de la contravention ; qu'en déboutant la société ABATTOIRS DE PROVENCE de sa demande en dommages-intérêts au titre du préjudice subi du fait de la violation par la société CHARAL de son obligation de ne pas commercialiser les produits « MOUSTAPHA X... » en dehors de son circuit de distribution, après avoir pourtant constaté que le manquement à cette obligation de ne pas faire était avéré, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1145 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE dans ses conclusions d'appel, la société CHARAL n'a jamais revendiqué l'application de la clause du contrat du 26 février 2002, selon laquelle en cas de résiliation, « aucune indemnité ne sera due à l'une ou l'autre des parties au terme ou à la date d'effet de la résiliation du présent contrat », et n'a jamais soutenu qu'une telle clause serait de nature à faire obstacle aux demandes indemnitaires de la société ABATTOIRS DE PROVENCE ; qu'en retenant néanmoins que cette clause pouvait « recevoir application » en l'espèce, la Cour d'appel a modifié l'objet du litige, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'en s'abstenant, en outre, d'inviter les parties à s'expliquer sur un tel moyen relevé d'office, la Cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du Code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en retenant que la clause précitée pouvait « recevoir application », cependant que celle-ci se bornait à prévoir que la résiliation ne pouvait, en elle-même, ouvrir droit à une indemnité, mais ne concernait aucunement la réparation du préjudice résultant du non-respect par la société CHARAL de ses obligations contractuelles, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation des articles 1134 et 1147 du Code civil.