LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 mars 2012), que Mme X... a été engagée le 1er octobre 2004 par la société Investitel ; qu'occupant en dernier lieu les fonctions d'assistant administratif, elle s'est trouvée à plusieurs reprises en arrêt de travail pour maladie puis a été licenciée par lettre du 1er décembre 2009 en raison des perturbations causées au fonctionnement de l'entreprise par ses absences et la nécessité de procéder à son remplacement définitif ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de la salariée est sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article 48 de la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970, issu d'un accord du 27 septembre 1984, traite exclusivement des conditions dans lesquelles l'absence prolongée du salarié et son état de santé pouvaient constituer une cause de licenciement, en lui offrant notamment la garantie d'être mis en demeure de reprendre son travail dans un délai de dix jours avant que son absence ne constitue un motif de rupture ; que ce texte est inapplicable depuis que le licenciement ne peut plus être motivé par l'état de santé du salarié mais seulement par les perturbations apportées au fonctionnement de l'entreprise, l'existence d'une cause réelle et sérieuse dépendant de la seule existence des perturbations motivant le licenciement, l'éventuelle aptitude du salarié à reprendre son poste dix jours après une mise en demeure étant sans emport ; qu'en appliquant l'article 48 à un licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié et son absence prolongée, mais par les seules perturbations apportées au fonctionnement de l'entreprise, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 48 1° de la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970 ;
2°/ qu'en ne répondant pas aux conclusions de la société Investitel soutenant que l'article 48 de la convention collective avait pour seul objet de traiter des conditions dans lesquelles un licenciement pouvait être pris au regard de l'état de santé d'un salarié et de l'impossibilité dans laquelle il se trouvait de reprendre son activité, exclusivement fondé sur la situation du salarié, et non la situation objective de l'employeur dont le fonctionnement était perturbé, nullement évoquée par l'article 48, ce dont il résultait que ce texte était inapplicable au licenciement de Mme X... fondé sur la perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise causée par son absence prolongée et la nécessité de procéder à son remplacement définitif , la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que la référence à une décision rendue dans un litige différent de celui soumis à une juridiction ne saurait servir de fondement à la décision de cette dernière ; que pour motiver sa décision, la cour d'appel a énoncé que « par arrêt du 8 mars 2006, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que la formalité instituée par l'article 48 de la convention collective constituait une garantie de fond pour les salariés, le non-respect de cette formalité rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse » ; que la cour d'appel, en se référant à cette décision de 2006 et à son appréciation, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que l'article 48 1° de la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970 dispose que « Si l'absence se prolonge, suivant les cas, au-delà du 80e ou 170e jour, l'employeur peut mettre l'intéressé en demeure, par lettre recommandée, de reprendre son travail dans les dix jours francs suivant l'envoi de ladite lettre. Si l'intéressé n'a pas repris son travail dans ce délai, le contrat de travail sera rompu et le salarié recevra alors l'indemnité de licenciement dans les conditions fixées par la convention (2) » ; que cette procédure particulière constitue non une formalité obligatoire mais une faculté pour l'employeur qui peut suivre la procédure de licenciement légale ; qu'en décidant qu'en convoquant Mme X... le 16 novembre 2009 à un entretien préalable tenu le 26 novembre 2009 alors qu'à cette date elle était arrêtée pour maladie depuis le 26 mai 2008, arrêt renouvelé jusqu'au 10 décembre 2009 et qu'en l'ayant licenciée le 1er décembre 2009, sans l'avoir au préalable mise en demeure de reprendre son travail, l'employeur avait méconnu une formalité obligatoire qui privait nécessairement le licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé ce texte et les articles L. 1235-1, L. 1235-2 et L. 1235-3 du code du travail ;
Mais attendu que la formalité instituée par l'article 48, applicable au litige, de la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970, selon laquelle le licenciement du salarié, dont l'absence pour maladie impose le remplacement définitif, doit être précédé de la mise en demeure de l'intéressé de reprendre son travail à une date déterminée par lettre recommandée avec accusé de réception, seule l'impossibilité pour le salarié de reprendre son travail à cette date autorisant la rupture du contrat, constitue pour celui-ci une garantie de fond ;
Et attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que la salariée, arrêtée pour maladie depuis le 20 mai 2008, avait, sans mise en demeure préalable de reprendre le travail, été licenciée le 1er décembre 2009, en raison des perturbations causées au fonctionnement de l'entreprise par ses absences et la nécessité de procéder à son remplacement définitif, la cour d'appel, qui a exactement retenu que le non-respect en l'espèce par l'employeur de cette garantie de fond privait le licenciement de cause réelle et sérieuse, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Investitel aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Investitel et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils, pour la société Investitel
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement de Mme X... était sans cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs que l'article 48 1° de la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970 dispose que « les absences (résultant de la maladie non professionnelle) ne constituent pas une rupture du contrat de travail si elles ne se prolongent pas au-delà d'une durée de : - 3 mois pour le personnel ayant entre 1 an et 3 ans d'ancienneté ; - 6 mois pour le personnel ayant plus de 3 ans d'ancienneté. Le contrat de travail est maintenu à l'intéressé pendant les périodes ci-dessus, sous réserve qu'aucune incapacité ne l'empêche de le remplir à son retour. Si l'absence se prolonge, suivant les cas, au-delà du 80e ou 170e jour, l'employeur peut mettre l'intéressé en demeure, par lettre recommandée, de reprendre son travail dans les 10 jours francs suivant l'envoi de ladite lettre. Si l'intéressé n'a pas repris son travail dans ce délai, le contrat de travail sera rompu et le salarié recevra alors l'indemnité de licenciement dans les conditions fixées par la convention (2) » ; que la convention collective applicable aux relations contractuelles entre Mme X... et la société Investitel institue une garantie d'emploi en cas d'absences pour maladies, qui se décline, sur une première période, par une impossibilité absolue de licenciement puis à l'expiration de cette période, par la mise en oeuvre d'une formalité obligatoire résultant de l'envoi d'une mise en demeure préalable adressée au salarié, de reprendre le travail dans les 10 jours ; que par arrêt du 8 mars 2006, la Chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que la formalité instituée par l'article 48 de la convention collective constituait une garantie de fond pour les salariés, le non-respect de cette formalité rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que l'article 48 est toujours en vigueur, cette garantie conventionnelle venant s'ajouter aux dispositions légales protégeant le salarié contre les mesures discriminatoires liées à son état de santé résultant de l'article L. 1132-1 du code du travail ; qu'il n'est pas contesté que la société Investitel a mis en oeuvre la procédure de licenciement en convoquant Mme X... par lettre du 16 novembre 2009 à un entretien préalable tenu le 26 novembre 2009 alors qu'à cette date elle était arrêtée pour maladie depuis le 26 mai 2008, arrêt renouvelé jusqu'au 10 décembre 2009 et l'a licenciée le 1er décembre 2009, sans l'avoir au préalable mise en demeure de reprendre le travail ; qu'en l'absence de cette formalité obligatoire, le licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse ;
Alors que 1°) l'article 48 de la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970, issu d'un accord du 27 septembre 1984, traite exclusivement des conditions dans lesquelles l'absence prolongée du salarié et son état de santé pouvaient constituer une cause de licenciement, en lui offrant notamment la garantie d'être mis en demeure de reprendre son travail dans un délai de dix jours avant que son absence ne constitue un motif de rupture ; que ce texte est inapplicable depuis que le licenciement ne peut plus être motivé par l'état de santé du salarié mais seulement par les perturbations apportées au fonctionnement de l'entreprise, l'existence d'une cause réelle et sérieuse dépendant de la seule existence des perturbations motivant le licenciement, l'éventuelle aptitude du salarié à reprendre son poste dix jours après une mise en demeure étant sans emport ; qu'en appliquant l'article 48 à un licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié et son absence prolongée, mais par les seules perturbations apportées au fonctionnement de l'entreprise, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 48 1° de la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970 ;
Alors que 2°) en ne répondant pas aux conclusions de la société Investitel soutenant que l'article 48 de la convention collective avait pour seul objet de traiter des conditions dans lesquelles un licenciement pouvait être pris au regard de l'état de santé d'un salarié et de l'impossibilité dans laquelle il se trouvait de reprendre son activité, exclusivement fondé sur la situation du salarié, et non la situation objective de l'employeur dont le fonctionnement était perturbé, nullement évoquée par l'article 48, ce dont il résultait que ce texte était inapplicable au licenciement de Mme X... fondé sur la perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise causée par son absence prolongée et la nécessité de procéder à son remplacement définitif (conclusions d'appel p. 11), la cour d'appel a violé l'article du code de procédure civile ;
Alors que 3°) la référence à une décision rendue dans un litige différent de celui soumis à une juridiction ne saurait servir de fondement à la décision de cette dernière ; que pour motiver sa décision, la cour d'appel a énoncé que « par arrêt du 8 mars 2006, la Chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que la formalité instituée par l'article 48 de la convention collective constituait une garantie de fond pour les salariés, le non-respect de cette formalité rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse » ; que la cour d'appel, en se référant à cette décision de 2006 et à son appréciation, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors que 4°) l'article 48 1° de la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970 dispose que « Si l'absence se prolonge, suivant les cas, au-delà du 80e ou 170e jour, l'employeur peut mettre l'intéressé en demeure, par lettre recommandée, de reprendre son travail dans les 10 jours francs suivant l'envoi de ladite lettre. Si l'intéressé n'a pas repris son travail dans ce délai, le contrat de travail sera rompu et le salarié recevra alors l'indemnité de licenciement dans les conditions fixées par la convention (2) » ; que cette procédure particulière constitue non une formalité obligatoire mais une faculté pour l'employeur qui peut suivre la procédure de licenciement légale ; qu'en décidant qu'en convoquant Mme X... le 16 novembre 2009 à un entretien préalable tenu le 26 novembre 2009 alors qu'à cette date elle était arrêtée pour maladie depuis le 26 mai 2008, arrêt renouvelé jusqu'au 10 décembre 2009 et qu'en l'ayant licenciée le 1er décembre 2009, sans l'avoir au préalable mise en demeure de reprendre son travail, l'employeur avait méconnu une formalité obligatoire qui privait nécessairement le licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé ce texte et les articles L. 1235-1, L. 1235-2 et L. 1235-3 du code du travail.