LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 932-1, I devenu L. 6321-2 du code du travail ensemble l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que toute action de formation suivie par un salarié pour assurer son adaptation au poste de travail constitue un temps de travail effectif et donne lieu pendant sa réalisation au maintien par l'entreprise de la rémunération ; qu'il en résulte que la clause de dédit-formation qui prévoit qu'en cas de départ prématuré, le salarié devra rembourser les rémunérations qu'il a perçues durant sa formation est nulle ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X... a été engagé, suivant contrat de travail du 30 avril 2007, par la société Pan européenne, en qualité de pilote ; que le même jour, les parties ont signé une convention par laquelle le salarié s'engageait à suivre une formation à l'initiative de son employeur destinée à acquérir la qualification de Beech 1900 et, en cas de démission avant un délai de 3 ans, à rembourser le coût total de la formation dont il avait bénéficié, comprenant notamment le montant de la rémunération versée durant la formation et les charges correspondantes ; que le salarié ayant démissionné, par lettre du 19 mars 2008, la société Pan européenne, a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement d'une somme au titre de la clause de dédit-formation ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt énonce que le salarié s'est engagé, selon la clause litigieuse, en cas de rupture du contrat de travail à son initiative, à rembourser le coût de la formation dont il a bénéficié ainsi que les salaires et accessoires qui lui ont été versés ; que le maintien d'un salaire pendant la période de formation constitue bien un frais réel supplémentaire pour l'employeur du fait du stage de formation, ce salaire n'étant pas la contrepartie d'un travail effectif ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Pan européenne air service aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Pan européenne air service à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la convention de déditformation conclue le 30 avril 2007 entre monsieur X..., salarié, et son employeur, la société Pan Européenne Air Service, était valide et, en conséquence, d'avoir condamné le salarié au paiement de la somme de 14 102, 07 ¿, au profit de son employeur, au titre du dédit-formation ;
AUX MOTIFS QUE la clause de dédit de formation précise (¿) : « M. Arnaud X... suivra, à compter du 2 mai 2007, un stage de formation destiné à acquérir la qualification de type Beech 1900, dispensé par Airways (¿) Le nombre d'heures de vol prévu est de 7 heures de formation et 1h30 de test ; qu'il pourra toutefois être supérieur suivant les résultats obtenus par M. Arnaud X... » ; qu'ainsi, la convention comporte plusieurs mentions relatives à la durée de la formation puisque d'une part, elle prévoit la date à compter de laquelle la formation débutera, et que, d'autre part, elle prévoit le nombre d'heures de formation devant être dispensées, soit 7 heures, outre 1h30 de test, tout en indiquant que le nombre d'heures de vol pourra être supérieur suivant les résultats obtenus par Arnaud X... ; que le terme de la formation ne pouvait être prévu à l'avance, compte tenu, d'une part, de ce que la formation étant réalisée par une autre société Airways, domiciliée non à Chambéry (73), mais à Agen (47), le planning précis des heures de formation dépendait de l'organisation de cette société, et que, d'autre part, le nombre d'heures de formation pouvait être supérieur à 7, en fonction des résultats de l'impétrant ; qu'il convient, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, de rejeter le moyen tiré de la nullité de la convention de ce chef ; qu'au regard de l'absence de conclusion préalable d'une convention de dédit avant qu'une partie de la formation ne soit dispensée (¿) qu'il n'est pas contesté que le stage MCC a été réalisé par Arnaud X... avant le 30 avril 2007, ni que le coût du stage a été mentionné dans la convention de dédit de formation signée par les parties le 30 avril 2007 ; qu'il apparaît cependant, eu égard aux mentions figurant sur la facture n° B28459 du 5 novembre 2011 versée aux débats par la société Pan Européenne, que la somme facturée au salarié (pièce n° 8 de la société Pan Européenne) ne comporte que la formation du 30 avril 2007 au 22 juin 2007 ¿ outre salaires afférents ¿ aux fins de qualification QT Beech 1900, et non la somme acquittée par l'employeur au titre du stage MCC ; qu'en effet, il lui a été réclamé le prorata de la somme de 18 975 euros, le coût de la formation aux fins de qualification QT Beech 1900 prévu contractuellement étant de (2300 x 8h30) 19 550 euros, soit un montant légèrement supérieur à celui qui a été finalement facturé par la société Airways ; que dès lors, le coût du stage MCC n'a pas été réclamé à Arnaud X... ; qu'en conséquence, la seule mention du coût du stage MCC dans la convention de dédit de formation ne peut entraîner la nullité de la convention, la société Pan Européenne n'ayant jamais réclamé le coût de cette formation à M. Arnaud X... ; qu'il convient en conséquence de rejeter le moyen soulevé par Arnaud X... de ce chef ; qu'au regard de l'absence de précision sur les coûts réels de la formation ; (¿) que la jurisprudence impose notamment que la clause soit la contrepartie d'un engagement pris par l'employeur d'assurer une formation entraînant des frais réels au-delà des dépenses imposées par la loi ou la convention collective, si le montant de l'indemnité est proportionné aux frais de formation engagés (¿) ; que le fait que la facture de la société Airways ait été éditée le 5 novembre 2008, soit plusieurs mois après la démission de Arnaud X..., qui a pris effet le 20 juin 2008, ne prive pas celle-ci de validité, et ne permet pas d'en déduire une quelconque « opacité » des relations entretenues entre Airways et la société Pan Européenne, ni l'existence d'accords commerciaux ou d'éventuelles remises, Arnaud X... ne versant aux débats aucun élément probant à l'appui de ses affirmations de ce chef ; que l'édition de cette facture en novembre 2008 ne permet pas davantage d'en déduire que celle-ci n'a pas été réellement payée par la société Pan Européenne, ce qu'affirme Arnaud X... sans en rapporter la preuve ; que le paiement de cette facture résulte au contraire des diverses mentions portées sur ce document :- « comptabilisé le : novembre 2008 »,- « BPA (bon pour accord) 7138176 » ; que les sommes figurant sur la facture et sur le décompte versé aux débats par la société Pan Européenne (pièce 8) correspondent au coût prévu dans la convention, le coût horaire final étant d'ailleurs légèrement inférieur au coût prévu initialement, cette réduction de prix bénéficiant au salarié ; qu'en effet, le coût initial prévu dans la convention était de 2 300 euros HT de l'heure, soit pour 8h30 (7 heures de stage et 1h30 de test), un total de 19 550 euros HT ; que la somme facturée correspond, avec une réduction, au prix convenu, puisqu'il a été facturée à la société Pan Européenne la somme de 18 975 euros ; qu'il convient en conséquence de constater la conformité de la facture aux sommes initialement prévues dans la convention quant au coût horaire de la formation, et l'absence de tout élément établissant que cette facture ne correspondrait pas au coût réel exposé ; en outre que de jurisprudence constante, le coût réellement payé par l'employeur doit être pris en compte pour apprécier la licéité de la clause de dédit de formation, ce coût étant le montant reporté sur la facture ; que ni la loi, ni la jurisprudence, n'impose de tenir compte, pour calculer le coût réel de la formation, des sommes déclarées de ce chef par l'entreprise dans le cadre de ses résultats imposables ; que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient de rejeter le moyen d'Arnaud X... tiré de l'absence de justification du coût réel exposé (¿) que la jurisprudence impose notamment que le montant de l'indemnité de dédit-formation soit proportionné aux frais réels engagés par l'employeur ; qu'en l'espèce, aux termes de la convention de dédit-formation litigieuse, Arnaud X... s'est engagé à rester au service de la société Pan Européenne pendant une durée minimale de 3 ans en contrepartie de la formation accomplie ; qu'en cas de rupture du contrat de travail à son initiative, il s'est engagé à rembourser :- le coût de la formation dont il a bénéficié, au prorata du nombre de mois restant à courir jusqu'à l'expiration du délai de 3 ans prévu au contrat, chacun des mois représentant 1/ 36 du coût du stage ;- les salaires et accessoires qui lui auraient été versés pendant le temps ou ces salaires et accessoires n'auraient pas été la contrepartie d'un travail effectif, l'ensemble étant calculé proportionnellement au temps restant sur le minimum d'années de services pendant lesquels Arnaud X... était engagé à rester au sein de la société ; que le maintien d'un salaire pendant la période de formation constitue bien un frais réel supplémentaire qui lui incombe du fait du stage de formation, ce salaire servi n'étant pas la contrepartie d'un travail effectif, qu'au surplus, il convient de rappeler que le montant de l'indemnité réclamée tient compte de la formation déjà « amortie » puisqu'il est calculé proportionnellement au temps restant à courir sur le nombre de mois pendant lesquels Arnaud X... s'est engagé à rester au sein de la société ; qu'il convient dès lors de dire que le montant de l'indemnité de dédit-formation est proportionnée aux frais réels engagés par la société Pan Européenne du fait de la formation effectuée par Arnaud X... et de rejeter le moyen tiré de la nullité de la convention du fait de l'absence de précision quant au coût réel de la formation ; qu'au regard de la faculté de démissionner du salarié ; que la jurisprudence impose que la clause de dédit-formation n'ait pas pour conséquence de priver le salarié de la faculté de démissionner ; que de jurisprudence constante, l'atteinte à la faculté de démissionner est examinée au regard de la durée de l'engagement du salarié (¿) ; qu'il convient de souligner que l'atteinte à la faculté de démissionner n'est pas examinée au regard d'un éventuel caractère disproportionné de la somme due eu égard à la rémunération du salarié, la somme réclamée devant être seulement proportionnée aux frais réels engagés par l'employeur ; qu'il convient en outre de rappeler que la somme réclamée à Arnaud X... n'est pas de 22 072, 80 euros, mais, au prorata du nombre de mois d'engagement restant, de 14 102, 07 euros ; qu'il convient par ailleurs de préciser qu'Arnaud X... s'est engagé à rester au service de la société Pan Européenne, pendant 3 ans ; qu'il restait toutefois complètement libre de démissionner, ce qu'il a d'ailleurs fait, moins d'un an après son embauche, alors qu'il était pleinement conscient d'être contractuellement tenu de s'acquitter des frais réels engagés par son employeur du fait de sa formation, au prorata du nombre de mois d'engagement restant dû ; que la durée de l'obligation de fidélité fixée en l'espèce à 3 ans apparaît comme une durée raisonnable, compte tenu du coût élevé de la formation, et de son caractère hautement qualifiant, qui a d'ailleurs permis à Arnaud X... de trouver un emploi dans une autre compagnie aérienne ; qu'il convient dès lors de rejeter le moyen tiré de l'illicéité de la clause du fait d'une interdiction de démissionner qui aurait été imposée au salarié (arrêt, pp. 4 à 7) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le contrat de travail de monsieur X... mentionne la clause de dédit-formation, qu'une convention spécifique de dédit-formation a été signée entre la société et le salarié le 30 avril 2007, avant le début de la formation, que le coût de la formation est précisé dans le texte (nb d'heures et cout horaire), que ce coût dépasse l'obligation légale de l'employeur, que l'employeur a produit la facture attestant son paiement à l'organisme de formation, que la convention prévoit la possibilité pour monsieur X... de démissionner, que la convention stipule la durée d'engagement ainsi que les modalités de remboursement au prorata du temps restant à courir (jugement, pp. 3 et 4) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'engagement du salarié de suivre une formation à l'initiative de son employeur, et en cas de démission, d'indemniser celui-ci des frais qu'il a assumés, doit, pour être valable, faire l'objet d'une convention particulière conclue avant le début de la formation et qui précise la date, la nature, la durée de la formation et son coût réel pour l'employeur, ainsi que le montant et les modalités du remboursement à la charge du salarié ; qu'en retenant la validité de la convention de dédit-formation conclue entre monsieur X... et son employeur, la société Pan Européenne, le 30 avril 2007, cependant qu'elle avait constaté que, lors de la signature de ladite convention, n'apparaissaient sur celle-ci ni le coût réel de la formation ni sa durée exacte, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres et constatations et, ainsi, violé l'article 1134 du code civil et l'article R. 2241-9, 8° du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'une clause de dédit-formation n'est pas valable si elle prévoit qu'en cas de départ prématuré du salarié, il devra rembourser les rémunérations perçues pendant la période de formation ; qu'en retenant la licéité de la convention litigieuse, cependant qu'elle avait constaté qu'aux termes de celle-ci, monsieur X... aurait du rembourser, outre le coût de la formation, les salaires et accessoires qui lui avaient été versés pendant la période de cette formation, la cour d'appel, de nouveau, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1134 du code civil et de l'article R. 2241-9, 8° du code du travail ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'une clause de dédit-formation n'est licite que si elle n'a pas pour effet de priver le salarié de la faculté de démissionner ; qu'en se bornant, pour apprécier la validité de la convention de dédit-formation au regard de ce critère, à prendre en compte la durée de l'engagement du salarié de rester au service de l'entreprise et le coût de la formation pour l'employeur, et en se refusant à prendre en considération le caractère disproportionné de la somme réclamée au regard de la rémunération du salarié, la cour d'appel a derechef violé les textes précités.