LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (civ. 1, 28 janvier 2009, B 18, n° 07-18. 120) que Mme Emma X... et Mmes Gisèle X... et Josyanne Y..., ses deux filles, sont propriétaires indivis d'un immeuble à Toulon ; que le 29 décembre 2000, Mme Emma X... et Mme Y...(les consorts X...) ont signé avec M. Z...et Mme A...une promesse synallagmatique de vente portant sur leurs droits indivis sur cet immeuble prévoyant que les acquéreurs avaient la faculté de se substituer toute personne physique ou morale ; que cette promesse a été notifiée le 16 janvier 2001 à Mme Gisèle X... par ses coïndivisaires ; que, par acte authentique du 27 juin 2001, les consorts X... ont vendu leurs droits indivis à la SCI de l'Olivier de l'Ortolan (la SCI) substituée à M. Z...et à Mme A...et dont ces derniers sont les seuls associés ; que par actes des 14 et 15 février 2001, Mme Gisèle X... a assigné les consorts X... en annulation de l'acte de cession de leurs droits indivis ; que par acte du 7 mai 2002, elle a manifesté son intention d'exercer son droit de préemption conformément à l'article 815-14 du code civil ; que l'arrêt confirmatif du 14 septembre 2006 qui l'a déboutée de ses demandes a été cassé au visa des articles 815-14 et 815-16 du code civil et au motif que l'identité de l'acquéreur n'avait pas été notifiée à l'indivisaire bénéficiaire du droit de préemption ; que l'arrêt rendu sur renvoi a réformé le jugement déféré en ce qu'il avait débouté Mme Gisèle X... de sa demande tendant à l'annulation de l'acte de cession du 27 juin 2001, décidé que Mme Gisèle X... avait renoncé à son action en nullité de la cession survenue le 27 juin 2001, dit que l'action en nullité de la cession ne pouvait être exercée par les intimés et débouté Mme Gisèle X... de toutes ses demandes ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de Mme Gisèle X..., après avoir énoncé que, dans ses conclusions, elle renonçait à voir prononcer la nullité de la vente, l'arrêt retient qu'elle entend se prévaloir du droit de préemption qu'elle a exercé par acte extrajudiciaire du 7 mai 2002, qu'aux termes de l'article 815-14, alinéa 2, du code civil le droit de préemption de l'indivisaire doit s'exercer dans le délai d'un mois qui suit la notification du projet de cession qui lui en est faite, qu'en l'espèce, cette notification dont elle ne conteste pas la régularité date du 16 janvier 2001, qu'elle a donc exercé tardivement son droit de préemption et n'est pas fondée à l'exercer ultérieurement motif pris de ce que l'acte de cession à la SCI du 27 juin 2001 ne lui a pas été notifié ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions, Mme Gisèle X... soutenait que la cession était intervenue en violation des dispositions de l'article 815-14 du code civil, de sorte qu'il ne pouvait en être déduit qu'elle ne contestait pas la régularité de la notification du 16 janvier 2001, ni qu'elle avait renoncé à voir prononcer la nullité de la cession, la cour d'appel qui, en les dénaturant, a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne Mmes Emma X..., Y..., A..., M. Z...et la société L'Olivier de l'Ortolan aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour Mme Gisèle X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame Gisèle X... de ses demandes tendant à voir juger que la vente intervenue entre Madame Emma D...épouse X... et Madame Josyanne X... épouse Y..., d'une part, et la SCI de L'OLIVIER DE L'ORTOLAN, d'autre part, le 27 juin 2001, à la suite de l'acte de vente sous condition suspensive du 29 décembre 2000, ne peut produire ses effets, et tendant à voir juger quelle a régulièrement exercé son droit de préemption, puis d'avoir constaté que Madame Gisèle X... a renoncé à son action en nullité de la cession survenue le 27 juin 2001 ;
AUX MOTIFS QUE Madame Gisèle X... entend se prévaloir du droit de préemption qu'elle a exercé par acte extrajudiciaire du 7 mai 2002 et prétend par voie de conséquence être titulaire de la totalité des droits indivis de l'immeuble ; qu'il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 815-14 alinéa 2, le droit de préemption de l'indivisaire doit s'exercer dans le délai d'un mois qui suit cette notification ; qu'en l'espèce, le projet de cession ayant été notifié à Madame Gisèle X..., le 16 janvier 2001, celle-ci qui ne conteste pas la régularité de cette notification, a donc exercé tardivement son droit de préemption ; que c'est en vain qu'elle soutient que, l'acte de cession du 27 juin 2001 ne lui ayant pas été notifié, le délai d'un mois n'a pas commencé à courir ; qu'en effet, il ressort logiquement et de manière incontestable des dispositions de l'article 815-14 alinéa 1er que c'est le projet de cession (manifesté en l'espèce par le compromis du 29 décembre 2000) qui doit être notifié et non l'acte de vente ; que dès lors qu'elle n'a pas exercé son droit de préemption dans le mois suivant le 16 janvier 2001, Madame Gisèle X... n'est pas fondée à l'exercer ultérieurement, ainsi que le soutiennent à bon droit les intimés ; que d'autre part, c'est justement que Madame Gisèle X... fait valoir, sur le fondement de l'article 815-16 du Code civil, que les intimés ne peuvent exercer l'action en nullité de la cession à laquelle elle a elle-même renoncé ;
1°) ALORS QUE Madame Gisèle X... n'avait nullement déclaré, dans ses conclusions d'appel, renoncer à son action en nullité de la cession intervenue le 27 juin 2001 ; qu'en affirmant néanmoins que Madame X... avait manifesté une telle renonciation, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ses conclusions d'appel, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE Madame Gisèle X... demandait, dans ses conclusions d'appel à voir constater que les parties aux actes de vente se prévalaient d'un acte en date du 25 juin 2009 qui constituait selon eux une réitération de la vente conclue en la forme sous seing privé le 29 décembre 2000 et qu'en suite de cette vente en la formé notariée, elle n'avait pas reçu la notification prévue par l'article 815-14 du Code civil, de sorte que le délai qui lui était imparti pour exercer son droit de préemption n'avait pas commencé à courir ; que la notification prévue par l'article 815-14 du Code civil portant sur le prix et les conditions de la cession projetée, ainsi que sur l'identité de l'acquéreur, Madame X... soutenait par là même que le projet de cession ne lui avait pas été régulièrement notifié ; qu'en affirmant néanmoins que Madame Gisèle X... ne contestait pas la régularité de la notification du projet de cession, intervenu le 16 janvier 2001, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ses conclusions, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile.