LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- La commune de Limeil-Brévannes, - La commune de Valenton, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 4-11, en date du 18 septembre 2012, qui, dans la procédure suivie contre M. Patrick X... des chefs de délit de poursuite de l'exploitation d'une installation classée non conforme à une mise en demeure de respecter les prescriptions techniques, délit d'exploitation non autorisée d'une installation classée pour la protection de l'environnement et contravention connexe au code de l'environnement, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 septembre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Arnould, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de Me SPINOSI et de Me BALAT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BERKANI ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour la commune de Limeil-Brévannes ;
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que le moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique de cassation, proposé pour la commune de Valenton, pris de la violation des articles L. 142-4 et L. 514-9 du code de l'environnement, 1382 du code civil, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a rejeté les demandes formulées par la commune de Valenton ;
" aux motifs que la partie civile fait valoir dans ses écritures que M. X... a commis, outre l'infraction d'exploitation d'une activité classée sans autorisation, des infractions au code de l'urbanisme en exécutant des travaux sans autorisation préalable et en méconnaissance des dispositions du plan local d'urbanisme de la ville de Valenton ; qu'elle sollicite, en conséquence, le rétablissement des lieux dans leur état antérieur ainsi qu'une somme de 15 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel subi résultant des démarches ayant mobilisées ses services ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; que la commune de Valenton n'ayant pas interjeté appel de la décision rendue par le tribunal de Créteil qui l'avait déboutée de sa demande de remise en conformité des lieux et lui avait octroyé une somme de 7 000 euros de dommages-intérêts et 1 000 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, ne peut solliciter devant la cour la modification de l'estimation de son préjudice ; que la cour observe que la seule infraction poursuivie dans le cadre de cette procédure à l'égard de M. X... est d'avoir, sur une période de trois semaines, poursuivi l'exploitation sans autorisation d'une installation classée, en déposant des déchets de nature variée sur un terrain sis chemin de Valenton ; qu'à défaut de toutes pièces justificatives sur le préjudice matériel qui en est effectivement résulté pour la commune la cour rejettera la demande formulée à ce titre ; que la somme de 1 000 euros allouée au titre de l'article 475 -1 sera par ailleurs maintenue ;
"1°) alors que la partie civile non appelante d'un jugement frappé d'appel en ses dispositions civiles et pénales par le prévenu et le ministère public est toujours recevable à solliciter devant la cour d'appel, en réparation de son préjudice, la remise en état des lieux ordonnée par les premiers juges au titre du sursis avec mise à l'épreuve dès lors que cette demande ne peut aggraver le sort du prévenu appelant ; qu'en se bornant à relever que la commune de Valenton n'ayant pas interjeté appel du jugement, elle ne peut solliciter devant la cour la modification de l'estimation de son préjudice, sans examiner la demande de remise en état qu'elle formulait, la cour d'appel a méconnu les termes de son office ;
"2°) alors que, en rejetant la demande de réparation formée par la partie civile, aux motifs du défaut de toutes pièces justificatives sur le préjudice matériel qui en est effectivement résulté pour la commune, tout en jugeant le prévenu coupable de l'infraction reprochée en raison du volume des déchets laissé sur le site dépassant le seuil autorisé, et en refusant de prononcer la remise en état des lieux, circonstances caractérisant l'existence d'un préjudice matériel constitué des déchets abandonnés sur place, la cour d'appel, qui n'a pas accordé la réparation d'un préjudice résultant nécessairement de la commission de l'infraction poursuivie, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations" ;
Vu les articles 2, 3 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 142-4 du code de l'environnement et 1382 du code civil ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier sa décision ; que la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'en outre, les juges doivent réparer le préjudice découlant de l'infraction ;
Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir relevé que le prévenu, qui avait stocké 1 000 m3 de déchets mélangés et gravats, 90 m3 de plastique, 100 m3 de bois, 40 m3 de cartons et des dizaines de pneus sur un terrain situé sur la commune de Valenton, était coupable d'exploitation non autorisée d'une installation classée pour la protection de l'environnement, énonce, pour débouter cette collectivité territoriale de ses demandes de réparation, qu'à défaut de toutes pièces justificatives permettant de chiffrer le préjudice qui en est effectivement résulté, il y a lieu de rejeter ses prétentions ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que les juges du second degré ne pouvaient, sans se contredire, déclarer le prévenu coupable des faits poursuivis et dire la constitution de partie civile irrecevable, l'affirmation de l'existence du préjudice direct ou indirect porté au territoire de la commune résultant nécessairement de la constatation de l'infraction au code de l'environnement, la cour d'appel à qui il appartenait, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, d'en rechercher l'étendue pour le réparer dans son intégralité, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
I- Sur le pourvoi de la commune de Limeil-Brévannes :
Le REJETTE ;
II - Sur le pourvoi de la commune de Valenton :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 18 septembre 2012, mais en ses seules dispositions civiles relatives à cette commune, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application au profit de la commune de Limeil-Brévannes de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf octobre deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;