LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 9 novembre 2011), que M. X... a été engagé le 16 juin 2004 en qualité de " gardien réceptionniste de déchèterie " par la société Onyx Poitou Charentes, devenue Veolia propreté Poitou Charentes ; que son employeur lui ayant notifié deux avertissements le 1er juin 2007 et le 10 octobre 2008 et deux mises à pied les 26 juin 2007 et 21 octobre 2008, il a saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir l'annulation de ces sanctions et des rappels de salaire ; que licencié pour faute grave le 7 janvier 2010 après clôture des débats devant le conseil de prud'hommes, il a contesté ce licenciement devant la cour d'appel ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail, alors, selon le moyen :
1°/ que constitue une exécution fautive du contrat de travail le fait pour un salarié de distribuer aux usagers, sur les lieux et aux horaires de travail, une pétition contestant une décision relative à ses horaires de travail et l'organisation du travail décidée par la communauté d'agglomérations cliente de l'employeur ; qu'en l'espèce, en décidant que ce comportement d'un salarié qui n'était pas en grève, ni n'était titulaire d'un mandat représentatif, ne présentait pas un caractère fautif, au motif inopérant que la pétition ne comportait aucun caractère diffamatoire ou injurieux, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1221-1, L. 1222-1, L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;
2°/ que l'employeur peut, dans l'exercice de son pouvoir d'individualisation des mesures disciplinaires, sanctionner différemment des salariés ayant commis une faute semblable ou une même faute et peut même ne sanctionner que certains d'entre eux ; que dès lors se fonde sur un motif inopérant et prive sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail, la cour d'appel qui relève que le salarié avait participé à la distribution de la pétition avec d'autres salariés qui n'ont pas été sanctionnés ;
3°/ que prive sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1221-1, L. 1222-1, L. 1232-1, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail, la cour d'appel qui affirme péremptoirement que M. X... n'aurait pas été le seul salarié à avoir distribué la pétition litigieuse et que les autres salariés n'auraient pas été sanctionnés, sans préciser ni sur quels éléments de preuve elle se fondait pour ainsi statuer, ni si ces derniers se trouvaient sur le site lorsque le comportement fautif a été constaté, ni même s'ils se trouvaient placés sous l'emprise du pouvoir disciplinaire de la société Onyx Poitou Charentes ;
4°/ que la faute grave ne nécessite pas l'existence d'un préjudice avéré ; qu'en l'espèce, le fait de distribuer aux usagers d'un service public une pétition pendant les heures et lieux de travail dans laquelle le salarié critique la gestion du service par la collectivité publique cliente de l'employeur constitue une faute, quand bien même ce comportement n'aurait en définitive pas nui aux relations commerciales entre les deux entités ; qu'en refusant de reconnaître le caractère fautif du comportement de M. Pinda Anzoua, au motif inopérant que la distribution de la pétition litigieuse n'avait pas nui aux relations commerciales entre la société Onyx Poitou Charentes, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1221-1, L. 1222-1, L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;
5°/ que le fait de refuser de remettre à son supérieur hiérarchique une pétition qu'un salarié distribue sur son lieu de travail et pendant les heures d'activité constitue un acte d'insubordination ; qu'en l'espèce, M. X... a expressément reconnu avoir refusé de remettre à son supérieur hiérarchique la pétition qu'il distribuait aux usagers, au motif qu'elle était destinée au directeur du service des déchets de la Communauté d'Agglomérations de Poitiers ; qu'en considérant que ce comportement n'était pas fautif, aux motifs inopérants que cette pétition n'était pas diffamatoire ou injurieuse, ce dont ce supérieur devait à tout le moins s'assurer, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1221-1, L. 1222-1, L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;
Mais attendu que, sauf abus, le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules les restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ;
Et attendu que la cour d'appel qui a constaté que la pétition distribuée aux clients de l'entreprise par le salarié qui n'en était ni le rédacteur ni l'instigateur, portait sur l'organisation du travail et le fonctionnement de l'entreprise et ne contenait aucun propos excessif, injurieux ou diffamatoire envers l'employeur à qui il n'avait pas l'obligation d'en remettre un exemplaire, et que cette pétition n'avait eu aucune conséquence sur les relations entre la société et son donneur d'ordre, a pu en déduire que le comportement du salarié ne rendait pas impossible son maintien dans l'entreprise et ne constituait pas une faute grave ; qu'exerçant le pouvoir qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail elle a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen, inopérant en ce qu'il critique dans ses deuxième et troisième branches un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Veolia propreté Poitou-Charentes aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Veolia propreté Poitou-Charentes et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Veolia propreté Poitou-Charentes
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement de M. X... dépourvu de cause réelle et sérieuse et, en conséquence, d'AVOIR condamné la société ONYX à lui verser 27 648 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2 151, 52 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 3 073, 70 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 307, 37 € au titre des congés payés y afférents, 768, 42 € au titre de la mise à pied conservatoire et 7, 27 € au titre des congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QUE « la lettre de licenciement pour faute grave qui fixe les limites du litige énonce les griefs suivants : «- utilisation de votre position de salarié de la déchetterie aux fins de faire signer une pétition mettant en cause les décisions de notre client, et par là même sa crédibilité auprès des usagers,- utilisation de votre appartenance à VEOLIA PROPRETE pour dénigrer les décisions du client et nuisant à l'image de l'entreprise auprès de lui,- refus d'obtempérer à une demande de votre responsable hiérarchique à une remise de documents en votre possession sur le lieu et pendant le temps de travail en relation directe avec ledit travail,- utilisation abusive de votre temps de travail pour satisfaire à des besoins politiques ou personnels,- non-ramassage de déchets devant le portail de la déchetterie alors que ceci fait partie de vos attributions ». Il convient de relever préalablement qu'il n'est pas démontré que M. Serge X... ait été le rédacteur ou l'instigateur de la pétition litigieuse. Il est seulement établi que M. Serge X... l'a distribuée à des clients. Cette pétition qui porte sur le changement des heures d'ouverture de la déchetterie ne contient aucun propos excessif, injurieux ou diffamatoire ni dénigrant pour l'employeur de telle sorte que le salarié n'a pas abusé de sa liberté d'expression en critiquant l'opportunité des nouveaux horaires et en participant avec d'autres salariés qui n'ont pas été pour leur part sanctionnés à la distribution de cette distribution de cette pétition pour la faire signer. M. Serge X n'était pas tenu d'en remettre un exemplaire à son supérieur hiérarchique M. Philippe B...de telle sorte que son comportement d'insubordination n'est pas non plus caractérisé. La preuve n'est pas plus rapportée que cette pétition ait nui aux relations commerciales entre la société ONYX POITOU CHARENTES et la CAP. Enfin la présence de déchets le 22 décembre 2009 devant le portail de la déchetterie laissés par des usagers signalée par M. Serge X... lui-même n'était pas de nature à justifier à elle seule un licenciement. Il en résulte que le licenciement qui est intervenu alors qu'était en délibéré le jugement du conseil de prud'hommes de M. Serge X est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Compte tenu de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise (7 ans) et de son âge à la date du licenciement au vu des pièces produites pour justifier du préjudice que lui a causé la perte de son emploi il y a lieu de fixer le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 27 648 € » ;
1°/ ALORS QUE constitue une exécution fautive du contrat de travail le fait pour un salarié de distribuer aux usagers, sur les lieux et aux horaires de travail, une pétition contestant une décision relative à ses horaires de travail et l'organisation du travail décidée par la communauté d'agglomérations cliente de l'employeur ; qu'en l'espèce, en décidant que ce comportement d'un salarié qui n'était pas en grève, ni n'était titulaire d'un mandat représentatif, ne présentait pas un caractère fautif, au motif inopérant que la pétition ne comportait aucun caractère diffamatoire ou injurieux, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1221-1, L. 1222-1, L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;
2°/ ALORS QUE l'employeur peut, dans l'exercice de son pouvoir d'individualisation des mesures disciplinaires, sanctionner différemment des salariés ayant commis une faute semblable ou une même faute et peut même ne sanctionner que certains d'entre eux ; que dès lors se fonde sur un motif inopérant et prive sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail, la cour d'appel qui relève que le salarié avait participé à la distribution de la pétition avec d'autres salariés qui n'ont pas été sanctionnés ;
3°/ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE prive sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1221-1, L. 1222-1, L. 1232-1, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail, la cour d'appel qui affirme péremptoirement que M. X... n'aurait pas été le seul salarié à avoir distribué la pétition litigieuse et que les autres salariés n'auraient pas été sanctionnés, sans préciser ni sur quels éléments de preuve elle se fondait pour ainsi statuer, ni si ces derniers se trouvaient sur le site lorsque le comportement fautif a été constaté, ni même s'ils se trouvaient placés sous l'emprise du pouvoir disciplinaire de la société ONYX POITOU CHARENTES ;
4°/ ALORS QUE la faute grave ne nécessite pas l'existence d'un préjudice avéré ; qu'en l'espèce, le fait de distribuer aux usagers d'un service public une pétition pendant les heures et lieux de travail dans laquelle le salarié critique la gestion du service par la collectivité publique cliente de l'employeur constitue une faute, quand bien même ce comportement n'aurait
en définitive pas nui aux relations commerciales entre les deux entités ; qu'en refusant de reconnaître le caractère fautif du comportement de M. X..., au motif inopérant que la distribution de la pétition litigieuse n'avait pas nui aux relations commerciales entre la société ONYX POITOU CHARENTES, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1221-1, L. 1222-1, L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;
5°/ ALORS, ENFIN, QUE le fait de refuser de remettre à son supérieur hiérarchique une pétition qu'un salarié distribue sur son lieu de travail et pendant les heures d'activité constitue un acte d'insubordination ; qu'en l'espèce, M. X... a expressément reconnu avoir refusé de remettre à son supérieur hiérarchique la pétition qu'il distribuait aux usagers, au motif qu'elle était destinée au directeur du service des déchets de la Communauté d'Agglomérations de POITIERS (V. concl. p. 12, in fine et p. 13, § 8) ; qu'en considérant que ce comportement n'était pas fautif, aux motifs inopérants que cette pétition n'était pas diffamatoire ou injurieuse, ce dont ce supérieur devait à tout le moins s'assurer, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1221-1, L. 1222-1, L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail.