LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. François X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de BASTIA, en date du 31 juillet 2013, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises de Corse du Sud des chefs de tentative d'assassinat et d'infractions à la législation sur les armes ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 81, 201, 202, 204, 593 du code de procédure pénale et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la mise en accusation de M. X...et son renvoi devant la cour d'assises de Corse du sud des chefs de tentative de meurtre avec préméditation et de détention d'armes et munition des 1ère et 4ème catégories par personne déjà condamnée ;
" aux motifs que, dans un mémoire régulièrement déposé et par ses observations à l'audience, le conseil de M. X...considère qu'au terme de l'information il n'existe pas de charges suffisantes pouvant justifier son renvoi devant la cour d'assises tant du chef de meurtre que du chef de détention d'armes classifiées ; qu'il soutient qu'il était éloigné des lieux de la fusillade du 4 septembre 2010 et dans l'impossibilité physique d'avoir de façon quelconque participé à ces faits ; qu'il est conclu à titre principal au non-lieu le concernant et subsidiairement à son renvoi devant la cour d'assises du chef d'association de malfaiteurs ; que par le mémoire remis pour la défense de M. Y...et par les observations de son conseil à l'audience il est conclu à l'infirmation partielle de l'ordonnance du juge d'instruction et au renvoi de ce dernier du seul chef de détention et transports d'armes et de munitions prohibées ; qu'il est soutenu que la mort donnée à M. Jacques X...et les blessures causées à M. Z...procèdent d'actes de légitime défense au sens de l'article 122-5 du code pénal dès lors que M. Y...n'a fait que répliquer de façon armée à une atteinte directe à sa vie ; que c'est à tort que le juge d'instruction a considéré que si dans une large mesure M. Y..., alors victime pouvait se prévaloir de la légitime défense, un basculement s'est produit lorsqu'il a tiré sur la victime qui probablement prenait la fuite ; qu'il n'existe aucune disproportion entre les moyen de défense utilisés consistant à tirer au moyen d'une arme et la gravité de l'atteinte imminente dont il était l'objet venant de deux hommes armes ; que M. Y...et M. X...ne formulent aucune observation particulière au titre de leur constitution de partie civile ; que les autres parties civiles sont absentes à la barre ainsi que leurs conseils ; que le 4 septembre 2010, M. Y...attablé à la terrasse de l'établissement La Victoire à Sartène faisait l'objet de plusieurs tirs par deux individus cagoulés et armés ; que l'un des deux individus, M. Jacques X..., décédait suite à la réaction de M. Y...; que l'action de M. Jacques X...était vite entravée par un incident de tir ; que les autres coups de feu, estimés à six, étaient tirés par le second individu qui avait pris la fuite et que M. Y...atteint par au moins deux projectiles survivait à ses blessures ; que M. X..., frère de la victime, était mis en cause ; qu'il se trouvait avec son frère juste avant les faits et que M. Y...avait noté le véhicule Audi de Jacques aux abords de la Place Porta ; que sans explication particulière les frères avaient échangé certains vêtements peu avant les faits, les chaussures portées par Jacques étant retrouvées dans son véhicule garé Cours Soeur Amélie ; que dans sa première version, M. X...indiquait n'avoir jamais quitté son frère et l'avoir attendu à son véhicule avant de partir alors qu'il entendait comme des bruits de pétards ; que M. X..., lui-même, lorsqu'il était interpellé plus de quatre heures après les faits portait un tee-shirt blanc alors que ses ouvriers avaient décrit un tee-shirt vert kali ; qu'à ce sujet, le mis en examen se contentait de dire que ceux-ci mentaient dans leur description ; que s'il était présent avec son frère juste avant les faits, force est de constater que M. X...avait fui juste après ; que curieusement, il coupait son téléphone portable en même temps que son frère juste avant la fusillade, se justifiant par un premier mensonge, en disant qu'il devait rejoindre une petite amie à Porto Vecchio ; que le travail d'enquête établissait que M. X...s'était en réalité rendu au domicile d'un ami M. A...à Monacia d'Aullene ; qu'à ce sujet, M. A...expliquait au juge d'instruction que ce dernier s'était présenté à son domicile pour se changer et qu'il s'était rendu à la salle de bains où il entendait l'eau couler ; que M. X...lui avait alors dit que son frère M. Jacques X...était mort sur la Place ; que si M. A...nuance par la suite ses premières versions, il n'en demeure pas moins qu'il a permis à M. X...de se réfugier à son domicile afin d'effacer les traces éventuelles de la commission de l'infraction ; qu'apparaissent insuffisantes les explications données par M. X...de nettoyage au domicile de son ami alors que personne ne connaissait l'identité de l'individu décédé sur la Place avant 11 heures 30 lors de la levée de son masque, par les techniciens d'investigations criminelles ; que l'aveu fait par M. X...à M. A...ne pouvait être le fait que d'une personne présente au lieu même de l'action ; que pour se justifier, M. X...a avancé qu'un individu dont il refusait de dire le nom lui avait dit que son frère était mort ; que les investigations effectuées infirment cette possibilité tant il paraît peu probable voire impossible qu'après cette grave annonce, il ne soit pas retourné sur la place pour connaître le sort de ce frère mais soit au contraire parti loin de Sartène chez un ami pour se changer et passer dans la salle de bains ; que M. B...lors de la sonorisation de son parloir impliquant les deux frères a fait référence aux problèmes de vue de D...disant dans cette écoute " D...ne voit pas, C'est D...qui tire " ; qu'à ce sujet, l'analyse de la scène de crime apprenait que M. Jacques X...avait d'emblée connu un incident et que le second avait eu des difficultés pour ajuster ses tirs même à très courte distance ; que, pour M. X...au moment des faits, il se trouvait déjà avec ses ouvriers et s'appuie sur la découverte de gants de gants en latex dans une poubelle à proximité ayant un ADN inconnu distinct du sien pour soutenir qu'il ne peut être le second tireur et que celui-ci reste à identifier ; que d'une part, cette version outre le fait qu'elle apparaît que tardivement M. X...ayant hésité entre plusieurs versions différentes, présente de nombreuses divergences entre ses salariés et que d'autre part, Jacques, la victime décédée, ne portait aucun gant ; que l'analyse des gants en cause n'a pas permis de conclure formellement à la présence de résidus de poudre, les deux particules présentes pouvant provenir également d'activités de chantier ou de bricolage ; que M. X...qui attribue à M. Jacques X...la propriété des armes découvertes dans les locaux de son entreprise ; qu'il était présent aux côtés de son frère lors de la réunion du 31 août et du 3 septembre 2010 à l'établissement L'Emeraude appartenant à son cousin C... ; que M. B...reconnaissait que ce même 31 août M. Jacques X...lui avait avoué sa volonté de tuer M. Y...; que si ces réunions, l'achat des masques à Prague par M. Jacques X...et le contexte conflictuel du sartenais avaient pu laisser penser un temps que l'action des frères concertée, l'analyse des écoutes du parloir M. B...et l'échec de l'opération meurtrière ont permis de conclure au contraire que l'acte du 4 septembre 2010 avait été commis à seule initiative des deux frères ; que ces faits ont été justement requalifiés en tentative d'assassinat sur la personne de M. Y...;
" 1°) alors que les juridictions d'instruction procèdent à tous les actes d'information qu'elles jugent utiles à la manifestation de la vérité et qu'elles constatent avoir été omis ; qu'en écartant les affirmations de M. X...selon lesquelles un individu, dont il refusait de mentionner le nom, lui avait dit que son frère était mort sur la Place Porta, pour en déduire que M. X...était lui-même présent sur les lieux au moment de la fusillade, quand il lui appartenait d'ordonner les mesures d'instruction qu'elle estimait utiles à la manifestation de la vérité et qu'elle constatait avoir été omises afin de retrouver l'individu en question, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés ;
" 2°) alors qu'en se fondant sur les déclarations de M. B...lors de la sonorisation de son parloir, selon lesquelles M. X...aurait tiré sur M. Y..., sans rechercher si ces révélations étaient fiables en raison du fait qu'il était mis en examen dans la même procédure, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" 3°) alors qu'en affirmant que M. X...se serait rendu au domicile d'un ami M. A...après la fusillade pour se changer et lui aurait dit que son frère, M. Jacques X..., était décédé sur les lieux, sans rechercher l'heure à laquelle il était arrivé chez M. A..., circonstance qui était pourtant déterminante puisque, selon l'arrêt lui-même, personne ne connaissait l'identité de l'individu décédé avant 11 h 30, la chambre de l'instruction a derechef privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" 4°) alors qu'en affirmant que selon M. B..., M. X...était présent aux côtés de son frère lors de la réunion du 31 août et du 3 septembre 2010 à l'Emeraude, lorsque M. Jacques X...avait avoué sa volonté de tuer M. Y..., quand le simple fait d'avoir entendu son frère faire cette déclaration ne signifie pas pour autant que M. X...souhaitait s'associer à son projet criminel, la chambre de l'instruction a une nouvelle fois privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, après avoir exposé les faits et répondu comme elle le devait aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimé suffisantes contre M. X...pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de tentative d'assassinat et d'infractions à la législation sur les armes ;
Qu'en effet, les juridictions d'instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, Mme Moreau, conseiller rapporteur, Mme Guirimand, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;