LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 1231-1 du code du travail ensemble l'article 1184 du code civil ;
Attendu selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, que Mme X..., engagée le 3 juillet 2000 par la société Antillaise des pétroles Chevron, a, le 18 janvier 2007, été victime d'un malaise sur le lieu de travail et placée en arrêt maladie ; qu'elle a saisi le 11 juin 2008 la juridiction prud'homale de diverses demandes, puis a été licenciée le 13 février 2009 pour faute grave ;
Attendu que pour décider que la prise d'acte s'analyse en démission et débouter la salariée de ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail, l'arrêt retient qu'il résulte de la saisine du conseil de prud'hommes de demandes indemnitaires pour « licenciement abusif » que cette salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 11 juin 2008 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée avait saisi le conseil de prud'hommes afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et sa condamnation à lui payer des sommes à titre notamment de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnités de préavis et de licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée ;
Condamne la société Antillaise des pétroles Chevron, devenue la société Antillaise des pétroles Rubis, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Antillaise des pétroles Rubis et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la prise d'acte s'analyse en une démission et D'AVOIR débouté Mme X... de l'intégralité de ses demandes ;
AUX MOTIFS QU'il résulte de la saisine du Conseil des prud'hommes de Fort-de-France de demandes indemnitaires pour licenciement abusif que la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 11 juin 2008 ; que le contrat ayant déjà été rompu à l'initiative du salarié à compter de cette date, il ne pouvait l'être à nouveau, par la suite, à l'initiative de l'employeur ; qu'il y a lieu de considérer que le licenciement intervenu postérieurement est non avenu ; que lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raisons de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'en saisissant dès le 11 juin 2008, le Conseil des prud'hommes de Fort-de-France de demandes en paiement d'indemnités de rupture, Mme X... qui entendait prendre acte de la rupture de son contrat de travail ne peut donc, pour justifier cette rupture, s'appuyer sur des évènements postérieurs à la saisine du Conseil des prud'hommes ; que force est de constater que cette saisine est intervenue avant même la reprise du travail par la salariée ; que les griefs relatifs à un prétendu harcèlement moral ou à un respect des consignes du médecin du travail, postérieurs à la reprise du travail, sont donc inopérants ;
1°) ALORS QUE la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail formée par un salarié ne peut être assimilée à une prise d'acte de rupture ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que Mme X... a saisi le Conseil des prud'hommes le 11 juin 2008 afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et la condamnation de ce dernier à lui payer diverses indemnités de rupture ; qu'en jugeant que la saisine du Conseil des prud'hommes valait prise d'acte de la rupture par Mme X... de son contrat de travail à cette date, la Cour d'appel a violé les articles L 1231-1 du code du travail et 1184 du code civil ;
2°) ALORS, en tout état de cause, QUE la saisine du conseil des prud'hommes par un salarié pour voir juger que la rupture intervenue est imputable à l'employeur ne peut être assimilée à une prise d'acte ; qu'en retenant que la saisine du conseil des prud'hommes de Fort-de-France de demandes indemnitaires pour licenciement abusif valait prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme X..., la Cour d'appel a violé les articles L 1231-1 du code du travail et 1184 du code civil ;
3°) ALORS QUE le juge de la résiliation du contrat de travail doit se prononcer sur l'ensemble des éléments invoqués à l'appui de la demande et caractérisés jusqu'au jour où il statue ou, à défaut, jusqu'au jour du licenciement prononcé par l'employeur ; qu'en écartant du débat les fautes commises par l'employeur postérieures à la saisine du Conseil de prud'hommes, la Cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article 1184 du Code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la prise d'acte s'analyse en une démission et D'AVOIR débouté Mme X... de l'intégralité de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE l'employeur démontre avoir respecté l'ensemble de ses obligations ; que le prétendu manquement à une obligation de sécurité ne résiste pas à l'analyse des faits ; que Mme X... a été victime d'un évanouissement consécutif selon le médecin du travail à un état de stress sur une personnalité anxiogène ; que si l'employeur doit assurer la sécurité physique (activités dangereuses nécessitant des mesures particulières) ou psychologique (harcèlement moral) de ses salariés, il ne peut être tenu pour responsable du stress inhérent à toute fonction de responsabilité et ce, alors que lors de la signature de l'avenant, Mme X... avait indiqué être apte à exercer les fonctions qui lui étaient dévolues ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE le rapport d'enquête administrative de la CGSS de la Guyane, établit que le malaise de Mme X... s'analyse en un accident du travail, celui-ci n'établit nullement la responsabilité et l'existence de pressions incessantes de la SAP Chevrons ayant entrainé le malaise ; que Mme X..., au regard de son avenant en date du 15 décembre 2004, occupe un poste à responsabilité, et bénéficie d'un statut de cadre ; que cet avenant prévoit que le salarié dispose de toute latitude pour accomplir sa mission ; que Mme X..., au regard de sa responsabilité de cadre et de son devoir d'intervention auprès de sa hiérarchie pour examiner la compatibilité de sa charge de travail avec le forfait RTT et, par voie de conséquence son organisation de travail, n'a produit aucune preuve d'une initiative auprès de la SAP Chevrons pour mettre en avant une difficulté particulière pour la couverture de ses missions ou la mise en place d'une organisation particulière de son temps de travail notamment au regard d'une situation de stress ou de surmenage ressentie ; que le malaise de Mme X... n'est pas lié à une action délibérée ou manquement de la SAP Chevrons ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE tenu d'une obligation de sécurité de résultat quant à la santé physique et mentale de ses salariés dont il doit assurer l'effectivité, l'employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires à leur assurer des conditions de travail qui ne nuisent pas à leur santé ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme X... a été victime d'un malaise pris en charge au titre des accidents du travail et qui, aux termes l'enquête administrative de la Caisse générale de la sécurité sociale de Guyane, avait été provoqué par un état de stress lié à l'activité professionnelle ; qu'en estimant, pour débouter Mme X... de ses demandes, que l'employeur ne pouvait être tenu pour responsable du stress inhérent à toute fonction de responsabilité, la cour d'appel a violé les articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail ;
ALORS, EN DEUXIÈME LIEU, QU'il appartient à l'employeur qui considère injustifiée la prise d'acte de la rupture par un salarié qui, étant victime d'un accident du travail, invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité de résultat ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel reproche à Mme X..., par motifs supposés adoptés des premiers juges, de ne produire aucune preuve d'une initiative auprès de son employeur pour mettre en avant une difficulté particulière pour la couverture de ses missions ou la mise en place d'une organisation particulière de son temps de travail notamment au regard d'une situation de stress ou de surmenage ressentie ; qu'en déduisant d'une prétendue carence probatoire de la salariée le fait que l'accident du travail dont elle a été victime n'était pas lié à une action délibérée ou à un manquement de l'employeur, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail.