LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, tel que reproduit en annexe :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 octobre 2011), que Mme X... a été engagée par Mme Y... en qualité d'employée de maison le 1er septembre 2006 ; qu'elle a été licenciée par lettre du 17 mars 2008 ; qu'une transaction a été conclue entre les parties le 22 mars 2008 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à l'annulation de la transaction ;
Attendu que c'est par une appréciation souveraine que la cour d'appel a retenu, d'une part, que la salariée ne rapportait pas la preuve que son consentement avait été extorqué par la violence et, d'autre part, qu'elle avait bénéficié d'un délai suffisant lui permettant de recueillir des informations sur ses droits postérieurement à la notification du licenciement alors qu'elle avait connaissance des motifs invoqués à son encontre par l'employeur dans la lettre de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Jacqueline X... de sa demande tendant à voir constater la nullité du protocole transactionnel du 22 mars 2008,
AUX MOTIFS QUE "La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée : "A la suite de l'entretien que nous avons eu le 28 février 2008, nous vous nous informons que nous sommes contraints de vous licencier du poste de garde de nuit que vous occupez auprès de Madame Thérèse Y.... En votre qualité de garde de nuit, il vous appartient de veiller au bien-être et à la santé de Madame Y... de 19 heures à 9 heures 30. En effet, nous avons constaté à de multiples reprises que Madame Y..., présentait des bleus importants sur la peau et qu'elle adoptait une attitude craintive en votre présence. Nous avons pensé que Madame Y... avait pu tomber, version que vous nous avez d'ailleurs soutenue lors de notre entretien du 28 février. Toutefois, le 11 février 2008, la garde de jour, Madame Najet Z... qui connaît Madame Y... depuis plus de trente ans vous a reproché de vous montrer physiquement brutale avec votre patiente et d'adopter une attitude de violence tant morale que physique à son égard. Elle vous a également reproché votre négligence dans la régularité de la pose du patch cardiaque de Madame Y.... Madame Z... est d'ailleurs jusqu'à aller déposer une «main courante» et une enquête des services de police est en cours dans le cadre de laquelle Madame Josiane Y... épouse A... (fille de Madame Y...) a été entendue. Ces éléments créent un climat de crainte et d'angoisse permanente préjudiciable à l'état de santé de Madame Y... atteinte, comme vous le savez de la maladie d'Alzheimer, et qui a besoin de calme de repos et de sérénité. Dans ces conditions, il est impossible de maintenir votre contrat de travail et nous sommes donc contraints de vous licencier. Compte tenu des circonstances, il n'est pas envisageable que vous effectuiez votre préavis d'une durée d'un mois courant à compter de la date de présentation de cette lettre par les services postaux. Nous acceptons cependant de vous rémunérer durant cette période". Le protocole transactionnel signé le 22 mars 2008 par les parties prévoit notamment : "Article un : Madame Jacqueline X... a été licenciée par lettre recommandée notifiée le 18 mars 2008. Madame Jacqueline X... n'effectue pas son préavis d'un mois, sa rémunération étant versée. À l'issue de son contrat de travail, Madame Jacqueline X... percevra son solde de tout compte comprenant notamment l'indemnité de congés payés. Elle recevra également un certificat de travail et une attestation ASSEDIC. Article deux : sans que cela vaille acceptation des arguments développés par Madame Jacqueline X..., l'employeur consent à prendre en considération le préjudice dont elle s'est prévalue et accepte de lui verser à titre d'indemnité transactionnelle, forfaitaire, globale et définitive la somme brute de 5125,71 euros, laquelle est assujettie à la CGS et à la CRDS, soit une somme nette de 4172 ¿. Ces sommes seront précomptées par l'employeur. L'indemnité transactionnelle sera versée à la signature des présentes. Madame Jacqueline X... déclare être informée de ce que le versement d'une indemnité transactionnelle fait courir un délai de carence dans le versement des allocations chômage. Article trois : en contrepartie du versement de la somme visée à l'article deux du présent protocole, Madame Jacqueline X... renonce expressément et irrévocablement à contester le bien-fondé de son licenciement, qui lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 mars 2008. Madame Jacqueline X... s'estime complètement remplie de ses droits en qualité de salarié de l'employeur et s'engage en conséquence à n'introduire aucune action devant le conseil de prud'hommes ou devant toute autre juridiction française ou étrangère à l'encontre de l'employeur et/ou de tout membre de sa famille et veiller à la conclusion, l'exécution, l'interprétation et/ou la rupture de son contrat de travail. Madame Jacqueline X... reconnaît également expressément qu'elle n'a droit à aucune autre somme que ce soit en particulier à titre de salaire, remboursement de frais, JRTT, DIF, primes exceptionnelles ou autres... Article six : la présente transaction est conclue en application des dispositions des articles 2044 et suivants du Code civil et notamment de l'article 2052 ... ". La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître, en se consentant des concessions réciproques. Il convient donc de rechercher, à partir des faits mentionnés par les parties, s'il y a effectivement concessions réciproques. Jacqueline X... conclut à la nullité du protocole transactionnel ci-dessus faisant valoir que son consentement a été extorqué par violence, qu'il y a eu absence manifeste de discussions préalables, de délai de réflexion et enfin de concessions réciproques. Elle soutient donc en premier lieu que son consentement a été vicié et invoque notamment sa situation personnelle et son état de dépendance économique lors de la signature du protocole, à savoir qu'elle était âgée de 65 ans, qu'elle percevait de très faibles revenus, que la signature du protocole a eu lieu au terme d'une mise en scène obscure, volontairement intimidante, et qu'elle était, en outre, fragilisée psychologiquement par les accusations portées contre elle, son médecin traitant l'ayant d'ailleurs dirigée vers un psychothérapeute. Jacqueline X... ne verse toutefois aucun élément relatif aux conditions dans lesquelles est intervenue la signature du protocole, propre à démontrer que son consentement a été extorqué par violence ainsi qu'elle l'affirme. En deuxième lieu, elle indique que le protocole n'a fait l'objet d'aucune négociation ou discussion préalable, soulignant le fait que le projet ait été rédigé unilatéralement par Josiane Y... épouse A... et Karine A... épouse B..., qu'elle n'a bénéficié d'aucun délai de réflexion, que toutes les étapes de la procédure de la notification du licenciement à la signature du protocole se sont déroulées en quatre jours, ce qui était, compte tenu de son niveau intellectuel et social, insuffisant voire quasi inexistant. Jacqueline X... a été convoquée à l'entretien préalable à son éventuel licenciement le 20 février 2008 pour le 28 février suivant, elle a reçu notification de son licenciement le 17 mars le protocole étant en date du 22 mars 2008. La signature du protocole est effectivement intervenue le samedi suivant immédiatement la notification du licenciement. Toutefois, il y a lieu de relever que Jacqueline X... était informée de l'éventualité d'un licenciement depuis le 28 février, date de l'entretien préalable. Elle a donc bénéficié d'un délai suffisant lui permettant de recueillir des informations sur ses droits, dans le premier laps de temps, précédant la notification du licenciement, mais également postérieurement, alors qu'elle avait connaissance des motifs allégués à son encontre par l'employeur dans la lettre de licenciement. En troisième lieu, Jacqueline X... a perçu au titre du protocole transactionnel une indemnité d'un 'montant brut de 5125,71 ¿. Jacqueline X... a été engagée par Thérèse Y... le 5 septembre 2006 et assurait les fonctions de garde de nuit. Elle percevait un salaire brut s'élevant à la somme de 1423,31 ¿. Jacqueline X... qui soutient avoir travaillé préalablement à son engagement chez Thérèse Y..., n'apporte cependant aucun élément à l'appui de cette allégation. Jacqueline X... a été dispensée d'effectuer son préavis d'un mois pendant lequel elle a été rémunérée, observation étant faite qu'elle ne pouvait prétendre, au regard de son ancienneté, inférieure à. deux ans, qu'au versement d'une indemnité correspondant à un mois de salaire et non pas deux comme le prévoit la convention collective applicable. Compte tenu de la nature des faits invoqués par l'employeur lors de la signature de la transaction et de sa situation particulière, s'agissant d'une personne âgée et dépendante, représentée par sa petite-fille, de la durée des relations contractuelles (un an et demi), du versement par Thérèse Y... d'une indemnité de préavis ainsi que d'une indemnité représentant plus de trois mois de salaire en contrepartie, du renoncement exprès par Jacqueline X... à toute action prud'homale. La Cour estime par conséquent que les parties ont fait des concessions réciproques. La transaction intervenue entre les parties est donc valable. Jacqueline X..., dès lors qu'elle s'est reconnue "complètement remplie de ses droits en qualité de salarié de l'employeur", et n'avoir droit à aucun "salaire, remboursement de frais, JRTT, DIF, primes exceptionnelles ou autres...", au terme du protocole transactionnel, est irrecevable à solliciter toute somme en exécution du contrat de travail, heures supplémentaires, repos compensateur, indemnité de licenciement, indemnité pour travail dissimulé" (arrêt, p. 4 à 7),
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE "" (arrêt, p. 4 à 7),
ALORS, D'UNE PART, QUE la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ; que l'exploitation abusive d'une situation économique de dépendance peut vicier de violence le consentement à l'acte juridique passé dans la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne ;
Qu'en l'espèce, il résulte des constatations des juges du fond que Madame Jacqueline X..., peu armée intellectuellement, a été engagée pour s'occuper de Madame Thérèse Y..., atteinte de la maladie d'Alzheimer, et qu'elle était logée par son employeur ; que ce faisant, lors de la conclusion du protocole transactionnel le 22 mars 208, Madame X..., âgée de 66 ans, se trouvait dans une situation de dépendance économique du fait de la perte de son emploi et de celle du logement qu'elle occupait depuis plusieurs années au domicile de l'employeur, ce que celui-ci n'a pas contesté ;
Qu'en considérant cependant que la transaction était valide, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a privé sa décision de base légale au regard des articles 2044 et suivants du code civil, ensemble les articles 1111 et suivants du même code ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la transaction entre un employeur et un salarié n'est valable qu'en cas de consentement donné librement et en pleine connaissance de cause, émanant d'un salarié pleinement au courant de la situation de fait et des conséquences juridiques qui en découlaient ; qu'en conséquence, la transaction doit être précédée de discussions entre les parties, l'employeur ne pouvant imposer son point de vue au salarié, avec un délai de réflexion préalable et suffisant ;
Qu'au cas d'espèce, la lettre de licenciement datée du 17 mars 2008 adressée par Madame Karine B... à Madame Jacqueline X... n'a pu lui être remise avant le 18 mars ; qu'il résulte des constatations des juges du fond, ce qui n'a pas été pas discuté, d'une part, que le projet de protocole avait été rédigé unilatéralement par Mesdames Josiane A... et Karine B..., fille et petite-fille de Madame Thérèse Y..., et, d'autre part, que la convention avait été signée au cabinet dentaire de la petite-fille de l'employeur, laquelle petite-fille était assistée de sa mère et de son mari exerçant lui-même la profession d'avocat, d'où il se déduisait que l'intéressée, appelée dans un lieu qui lui était étranger, n'avait eu connaissance du document qu'au moment de sa signature et n'avait bénéficié d'aucune assistance ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles 1111, 1112 et 1113 du code civil, ensemble les articles 2044 du même code.